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20/12/2006 | LUXEMBOURG | N°21223

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 décembre 2006, 21223


Numéro 21223 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 avril 2006 Audience publique du 20 décembre 2006 Recours formé par la société anonyme C. S.A., … contre des bulletins d’impôt émis par le bureau d'imposition Sociétés 2 en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et d’impôt sur la fortune

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 21223 du rôle, déposé

e le 5 avril 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, ...

Numéro 21223 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 avril 2006 Audience publique du 20 décembre 2006 Recours formé par la société anonyme C. S.A., … contre des bulletins d’impôt émis par le bureau d'imposition Sociétés 2 en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et d’impôt sur la fortune

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 21223 du rôle, déposée le 5 avril 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme C. S.A., ayant son siège social à L…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années 2002 et 2003, des bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 2002 et 2003 et des bulletins de l’impôt sur la fortune pour les années 2003 et 2004, tous émis à son égard le 17 novembre 2004 par le bureau d'imposition Sociétés 2 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2006 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2006 par Maître Alain STEICHEN pour compte de la société anonyme C. S.A. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Cécile JAGER, en remplacement de Maître Alain STEICHEN, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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La société anonyme de droit luxembourgeois C. S.A., préqualifiée, ci-après désignée par la « société C. », détient l’intégralité des 450 parts de la société civile immobilière de droit français L., ci-après désignée par la « SCI L. », qui fut propriétaire d’immeubles donnés en location sis en France à Paris et à St-Germain-en-Laye, ces immeubles ayant constitué l’intégralité de son actif immobilisé et cette activité de location ayant constitué sa seule activité. La SCI L. continua l’ensemble de ses revenus de location et de ses plus-values de cession à la société C..

Ainsi, la SCI L. réalisa au cours de l’année 2002 une perte courante de 13.809 € et une plus-value de cession d’immeubles de 184.200 €. Au titre de l’année 2003, la SCI L.

réalisa un bénéfice courant de 26.976 € et une plus-value de cession d’immeubles de 39.752 €. La société C. fit état de ces revenus dans le cadre de ses déclarations de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années 2002 et 2003, mais en les déclarant en tant que « revenus de biens immobiliers français exonérés en vertu d’une convention contre les doubles impositions (Art. 3) ».

Par courrier du 25 octobre 2004, le bureau d'imposition Sociétés 2 du service d’imposition de l’administration des Contributions, ci-après désigné par le « bureau d'imposition », fit parvenir à la société C. des projets d’imposition à l’impôt sur le revenu des collectivités et à l’impôt commercial communal pour les années 2002 et 2003, ainsi qu’à l’établissement de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2003 et au 1er janvier 2004 et à l’impôt sur la fortune aux mêmes dates-clés et l’invita à soumettre ses objections éventuelles contre ces projets avant le 10 novembre 2004. Les projets d’imposition à l’impôt sur le revenu des collectivités inclurent les résultats de la SCI L. des années 2002 et 2003 dans les bénéfices commerciaux des mêmes années de la société C. en motivant le refus de l’exonération de ces revenus étrangers par la considération que « le bénéfice de la soc. civ.

française non soumise à l’IRC en France est imposable au Luxembourg (art. 19 de la convention contre les doubles impositions entre la France et le G.-D. de Luxembourg) ». Les projets d’imposition concernant l’établissement de la fortune d’exploitation et de l’impôt sur la fortune inclurent pareillement la valeur de la participation de la société C. dans la SCI L.

dans la fortune brute soumise à l’impôt sur base du motif énoncé comme suit : « art. 20 de la convention contre les doubles impositions entre la France et le G.-D. de Luxembourg :

l’impôt sur la fortune sur les biens (participations …) ne peut être perçu que dans l’Etat qui est autorisé à imposer le revenu qui provient de ces biens ».

En date du 11 novembre 2004, le bureau d'imposition émit à l’égard de la société C.

les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour les années 2002 et 2003, ainsi que les bulletins d’établissement de la valeur unitaire aux 1er janvier 2003 et 1er janvier 2004 et les bulletins de l’impôt sur la fortune aux mêmes dates-

clés. Tous ces bulletins reprirent identiquement l’ensemble des bases d’imposition et cotes d’impôts déjà dégagées par le bureau d'imposition à travers les projets d’imposition du 25 octobre 2004.

Par courrier de son mandataire du 7 février 2005, la société C. fit introduire auprès du directeur de l’administration des Contributions directes une réclamation contre lesdits bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour les années 2002 et 2003, ainsi que contre les bulletins d’établissement de la valeur unitaire aux 1er janvier 2003 et 1er janvier 2004 et contre les bulletins de l’impôt sur la fortune pour 2003 et 2004.

En l’absence de décision du directeur de l’administration des Contributions directes quant à cette réclamation, la société C. a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour les années 2002 et 2003, ainsi que des bulletins de l’impôt sur la fortune pour 2003 et 2004. Au vu du libellé du dispositif de la requête introductive, tendant à voir réformer « les bulletins » notamment en excluant de la fortune imposable de la société demanderesse la valeur des parts de la SCI L., et des précisions apportées à travers le mémoire en réplique, il y a lieu d’admettre que ce recours est également dirigé contre les bulletins d’établissement de la valeur unitaire aux 1er janvier 2003 et 1er janvier 2004.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal, d’établissement de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune en l’absence d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre ces mêmes bulletins. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit.

C’est à juste titre que le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours faute d’intérêt pour autant qu’il est dirigé contre les bulletins de l’impôt sur la fortune pour 2003 et 2004, étant donné que le moyen concernant la valeur des parts sociales de la SCI L.

n’a de sens et n’est recevable que contre les deux bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2003 et au 1er janvier 2004, lesquels fixent la fortune d’exploitation de la société demanderesse à ces dates-clés en incluant la valeur de la participation dans la SCI L., les deux bulletins de l’impôt sur la fortune se limitant à reprendre les montants de la fortune d’exploitation ainsi déterminés.

En outre, le recours est irrecevable dans la mesure où il entreprend les bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 2002 et 2003, étant donné que ces bulletins fixent des cotes d’impôt zéro et que le paragraphe 232 (1) AO ne reconnaît au contribuable un intérêt à agir que contre des bulletins d’impôt fixant une cote d’impôt positive.

Par contre, le recours est recevable en tant que dirigé contre les autres bulletins susvisés pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la société demanderesse estime que les bulletins entrepris ne seraient pas conformes à la Convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 1er avril 1958, ci-après désignée par la « Convention », pour avoir fait injustement application de son article 19 (2) au lieu de son article 3.

A l’appui de cette thèse, la société demanderesse argue qu’une convention contre la double imposition devrait être interprétée conformément à l’intention commune des Etats contractants et qu’une interprétation à la lumière du seul droit interne ne serait permise que dans le silence complet d’une telle convention sans pouvoir aboutir à une interprétation contraire à son texte. Ainsi, si l’article 19 (2) de la Convention introduit certes une dérogation aux autres dispositions de la Convention, il n’aurait vocation à s’appliquer que dans la mesure où la législation de l’Etat contractant qui s’en prévaut permet la taxation des produits de participation dans des sociétés civiles, de manière que l’imposition au Luxembourg de produits de participation dans une société civile ne serait possible que si la loi luxembourgeoise la prévoyait expressément en dehors de la Convention. Or, en droit fiscal luxembourgeois, les sociétés civiles seraient fiscalement transparentes et, face à une société de droit étranger, il faudrait comparer ses principales caractéristiques à celles des formes sociales luxembourgeoises pour déterminer si elle est à considérer comme entité opaque ou transparente. A cet égard, la société demanderesse relève que l’activité de la SCI L. serait limitée à la location immobilière, qui aurait un caractère purement civil, que ses associés seraient personnellement et indéfiniment responsables des dettes sociales à proportion de leurs parts, pour conclure que cette société civile française devrait être qualifiée d’entité transparente au sens du droit fiscal luxembourgeois. La société demanderesse ajoute que suite à une modification de la législation française, la SCI L. aurait perdu la personnalité juridique au 1er novembre 2002, de manière qu’en droit français la société demanderesse serait directement propriétaire des immeubles faisant partie du patrimoine de la SCI L. et qu’elle aurait procédé elle-même à des ventes d’immeubles depuis lors. La société demanderesse en déduit qu’elle serait donc, au moins depuis novembre 2002, exactement dans la situation d’une société opaque luxembourgeoise étant directement propriétaire d’immeubles en France dont elle percevrait les revenus et que ceux-ci devraient partant être qualifiés de revenus immobiliers au sens de l’article 3 de la Convention et seraient ainsi imposables exclusivement dans l’Etat de situation des immeubles, à savoir en France.

La société demanderesse se prévaut encore de ce qu’en droit interne l’associé d’une société transparente serait traité comme s’il exploitait individuellement l’entreprise génératrice de revenus et qu’il serait imposé annuellement sur sa part des revenus indépendamment de leur distribution effective, entraînant que la qualification des revenus de l’associé serait opérée au niveau de la société transparente et maintenue au niveau de l’associé sans égard à la qualité de ce dernier. Ainsi, les revenus imputés à la société demanderesse du chef de la SCI L. et de nature exclusivement civile ne pourraient être qualifiés de bénéfice commercial.

Au vu de cette qualification en droit luxembourgeois des revenus provenant de la SCI L. et imputés à la société demanderesse, celle-ci estime que ces mêmes revenus ne pourraient pas tomber dans le champ de l’article 19 (2) de la Convention, mais dans celui de son article 3 au motif que la société demanderesse devrait être considérée comme détenant elle-même les immeubles français. Dans la mesure où la jurisprudence luxembourgeoise aurait déjà confirmé que dans une telle situation ces revenus seraient à qualifier de revenus immobiliers au sens de l’article 3 de la Convention, la compétence exclusive pour leur imposition reviendrait au pays de situation des immeubles, soit la France.

Le délégué du gouvernement rétorque que, selon les critères du droit fiscal luxembourgeois, la SCI L. devrait probablement effectivement être assimilée à une société civile luxembourgeoise, de manière que les revenus réalisés dans ce cadre seraient censés avoir été directement réalisés par l’associé unique, en l’occurrence la société demanderesse, en France et que le droit d’imposition pour ces revenus serait réservé par l’article 3 de la Convention à la France. Il ajoute que la disposition particulière de l’article 19 (2) de la Convention ne viserait que les produits de la participation, à savoir les produits courants, et supposerait que le produit soit imposable au Luxembourg, condition non vérifiée en l’espèce dans le chef des revenus immobiliers en cause.

La société demanderesse fait valoir en termes de réplique que l’interprétation donnée par le délégué du gouvernement de l’article 19 (2) de la Convention, en ce qu’il ne viserait que les produits courants à l’exclusion des plus-values de cession, serait identique à celle faite par l’administration des Contributions directes et qu’en conséquence celle-ci aurait dû, conformément au principe de la bonne foi, appliquer la même interprétation dans le cadre des impositions litigieuses et exonérer les revenus en provenance de la SCI L. constitués exclusivement par des plus-values.

Il est constant en cause que la société demanderesse est à considérer comme collectivité résidente au Luxembourg au sens de l’article 159 (1) A.1. de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », soumise, conformément à l’article 163 (1) LIR, à l’obligation fiscale illimitée à l’impôt sur le revenu des collectivités portant sur l’ensemble des revenus de sources indigène et étrangère (cf. Henri MICHELS :

L’impôt sur le revenu des collectivités, ETUDES FISCALES, nos 39/40, p. 15).

Afin de savoir si le bureau d'imposition était en droit d’imputer, en conformité avec le droit interne, le revenu net de la SCI L. à la société demanderesse comme si elle exploitait directement les immeubles en France, il faut déterminer si la SCI L. était à qualifier de collectivité étrangère devant être assimilée à une collectivité visée par l’article 159 LIR ou non.

Cette question de qualification est à trancher eu égard aux caractéristiques propres de la société étrangère telles qu’elles résultent des dispositions légales et statutaires applicables sans que le traitement fiscal dans l’Etat du siège ne constitue un critère à cet égard (cf.

ETUDES FISCALES nos 90-92, Roger MOLITOR, Le régime fiscal des sociétés mère et filiale, n° 2.2.3, p. 16).

Or, il se dégage des statuts de la SCI L. qu’elle est régie par les articles 1832-s du Code civil français et que son objet social réside dans « la propriété par voie d’acquisition des biens et droits ci-après désignés dépendant d’un immeuble sis à Paris, … la gestion et l’entretien de cette partie d’immeuble, sa mise en valeur par location ou autrement, et généralement toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement ou indirectement à son objet pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société ». En vertu de l’article 8 des statuts de la SCI L., ses parts ne peuvent être cédées à un tiers qu’avec l’autorisation préalable de l’assemblée générale et toute cession doit être signifiée à la SCI L. ou acceptée par celle-ci. Il découle pareillement de l’article 10 des statuts de la SCI L. que ses associés sont tenus pour une part égale, indépendamment du nombre de parts détenues, envers les créanciers sociaux, conformément au prescrit de l’article 1863 du Code civil français, la limitation à la proportion des parts détenues n’étant applicable que dans les relations internes entre associés. Il s’ensuit qu’elle est régie par un régime légal similaire à celui de la société civile luxembourgeoise et que son objet réside dans des opérations de nature civile et non commerciale.

Par contre, les sociétés de capitaux visées par l’article 159 (1) A-1. LIR se caractérisent toutes par leur objet commercial, conformément à l’article 1er de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, et par la limitation de la responsabilité des associés au montant de leur apport.

Il s’ensuit que le régime en droit français de la SCI L. diffère sur ces points essentiels des sociétés de capitaux au sens du droit luxembourgeois et qu’elle ne peut partant y être assimilée, mais doit être assimilée à une société civile luxembourgeoise. Cette conclusion se trouve encore renforcée par la circonstance, confirmée par un courrier du 28 juin 2005 de notaires français suivant lequel la SCI L. a perdu la personnalité juridique au 1er novembre 2002 à défaut d’avoir procédé avant cette date, conformément à une loi française du 15 mai 2001, à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et qu’en conséquence la SCI L. continue d’exister sans personnalité distincte des associés, tout comme son patrimoine est transféré à ses associés.

Il s’ensuit que la SCI L. était à assimiler au titre des deux années d’imposition 2002 et 2003 à une société civile luxembourgeoise, laquelle, au vœu du paragraphe 11bis de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, en abrégé « StAnpG », est à considérer comme n’ayant pas de personnalité juridique distincte de celle des associés pour les besoins des impôts directs, entraînant que c’est par une correcte application de la loi interne que le bureau d'imposition a imputé à la société demanderesse les revenus de la SCI L..

La société demanderesse se prévaut cependant de la Convention et notamment de son article 3 pour contester l’exercice du droit d’imposition par le Luxembourg sur les revenus de la SCI L. et des articles 3 et 20 de la même Convention pour prétendre à l’exclusion de la valeur des parts de la SCI L. de la fortune imposable au Luxembourg.

Aux termes de l’article 3 de la Convention, « les revenus des biens immobiliers et de leurs accessoires, y compris les bénéfices des exploitations agricoles et forestières, ne sont imposables que dans l’Etat où les biens sont situés. Cette disposition s’applique également aux bénéfices provenant de l’aliénation desdits biens ».

Concernant la perception de l’impôt sur la fortune, l’article 20 de la Convention dispose que « l’impôt [sur la fortune] (si la fortune consiste en biens immobiliers et accessoires) ne peut être perçu que dans l’Etat contractant qui, en vertu des articles précédents, est autorisé à imposer le revenu qui provient de ces biens », de sorte que le droit de percevoir l’impôt sur la fortune en matière immobilière revient à l’Etat à qui est attribué le pouvoir d’imposition pour l’impôt sur le revenu.

Force est de retenir que l’article 3 de la Convention considère les revenus immobiliers comme une catégorie de revenus distincte et attribue le droit d’imposition relatif à ces revenus expressément à l’Etat de la situation des biens immobiliers. Cette disposition prime les normes d’attribution du droit d’imposition pour les autres catégories de revenus en raison de la particularité de la catégorie de revenus visée, c’est-à-dire les revenus immobiliers, traités séparément par la Convention par rapport au bénéfice commercial, qui constitue une catégorie de revenus plus large.

Ainsi, même si en droit fiscal luxembourgeois, le bénéfice commercial englobe les revenus provenant de biens investis, peu importe leur nature mobilière ou immobilière, revenus qui seraient rangés dans d’autres catégories de revenus si les biens qui les produisent ne faisaient pas partie de l’actif net investi d’une entreprise, il n’en est pas nécessairement de même dans la présente hypothèse où la Convention reçoit application, puisque celle-ci prévoit en matière d’imposition des revenus et de la fortune tirés d’immeubles, une règle d’imposition dérogatoire par rapport au droit fiscal luxembourgeois, étant donné qu’elle ne fait pas de distinction entre les propriétaires ou détenteurs de ces biens immobiliers suivant que les revenus de ceux-ci font partie de leur actif net investi et imposables au titre du bénéfice commercial ou non.

Cette solution est en concordance avec le modèle de la convention OCDE (article 6.1) qui qualifie les revenus générés par les immeubles inscrits à l’actif des entreprises de « revenus fonciers » (article 6.4), de sorte que la règle de l’imposition des revenus immobiliers dans l’Etat de la situation des immeubles est également applicable aux entreprises (trib. adm. 3 décembre 2001, n° 12831 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 avril 2002, n° 14442 du rôle, Pas. adm. 2005, v° Impôts, n° 503).

Cependant, la Convention comporte encore une disposition spécifique pour les sociétés civiles à l’article 19 § 2 alinéa 1 de la Convention, dont la société demanderesse conteste l’applicabilité en l’espèce, qui dispose comme suit :

« Nonobstant les dispositions de la présente convention, chacun des deux Etats contractants conserve le droit d’imposer suivant les règles propres à sa législation les produits de participation dans des entreprises constituées sous forme de sociétés civiles, de sociétés en nom collectif, de sociétés de fait et d’associations en participation ainsi que pour les parts des commandités dans les sociétés en commandite simple ».

La notion de « produit de participation » vise les seuls revenus courants de la participation, en l’occurrence les revenus immobiliers courants, à l’exclusion des gains en capital, à savoir les plus-values de cessions d’immeubles. En outre, l’application de cette disposition est conditionnée par la prémisse que l’Etat qui l’invoque soit en droit d’imposer ce revenu courant en conformité avec les autres dispositions de la Convention. Or, il résulte des développements ci-avant que le droit d’imposition pour les revenus courants et de cession de la SCI L. revient exclusivement à la France, de manière que la disposition spécifique de l’article 19 § 2 de la Convention ne peut trouver application en l’espèce et que la compétence d’imposition de la France ainsi dégagée reste entière.

Dans la mesure où l’article 20 de la Convention attribue le droit d’imposition des éléments de fortune à l’Etat contractant bénéficiant du droit d’imposer les revenus produits par lesdits éléments de fortune, il y a lieu de conclure que le droit d’imposition pour la valeur des parts de la SCI L. revient également à la France.

Il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours est fondé et que les bulletins entrepris de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2002 et 2003 encourent la réformation en ce sens que les revenus français de la SCI L., soit 170.391 € au titre de l’année 2002 et 66.728 € au titre de l’année 2003, sont à exonérer, tandis que les bulletins d’établissement de la valeur unitaire entrepris encourent la réformation en ce sens que la valeur des parts de la SCI L. est à exclure de la fortune d’exploitation.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare compétent pour connaître du recours en réformation introduit, déclare le recours irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre les bulletins de l’impôt sur la fortune pour 2003 et 2004 et les bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 2002 et 2003, reçoit le recours en réformation en la forme pour le surplus, au fond, le déclare justifié, partant, par réformation des bulletins entrepris de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2002 et 2003, dit que les revenus français de la SCI L., soit 170.391 € au titre de l’année 2002 et 66.728 € au titre de l’année 2003, sont à exonérer, par réformation des bulletins d’établissement de la valeur unitaire entrepris, dit que la valeur des parts de la SCI L. est à exclure de la fortune d’exploitation, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d'imposition compétent pour exécution, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHOCKWEILER, premier vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 20 décembre 2006 par le premier vice-président, en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE SCHOCKWEILER 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 21223
Date de la décision : 20/12/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-12-20;21223 ?

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