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20/12/2006 | LUXEMBOURG | N°21177

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 décembre 2006, 21177


Tribunal administratif Numéro 21177 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mars 2006 Audience publique du 20 décembre 2006 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière de fonctionnaire d’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21177 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2006 par Maître Richard STURM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, demeurant à L-…

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Tribunal administratif Numéro 21177 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mars 2006 Audience publique du 20 décembre 2006 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière de fonctionnaire d’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21177 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2006 par Maître Richard STURM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du 30 janvier 2006 prise par le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle lui refusant le taux par elle sollicité pour le calcul des heures supplémentaires et de rattrapage prestées en tant qu’institutrice de l’éducation primaire de janvier 2002 à décembre 2005 ;

Vu l’exploit de l’huissier de Justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 3 avril 2006 portant signification de ce recours à l’administration communale de Sanem, établie à L-4477 Belvaux, 60, rue de la Poste ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2006 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2006 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Sanem ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse le 15 juin 2006 à Madame … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2006 par Maître Richard STURM, mandataire de Madame … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch-sur-

Alzette du 30 juin 2006 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de Sanem ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2006 par Maître Georges PIERRET au nom de l’administration communale de Sanem ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique intervenue le 26 juillet 2006 par voie de télécopie adressée à Maître Richard STURM, mandataire de Madame … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Kalthoum BOUGHALMI, en remplacement de Maître Richard STURM, Maître Caroline GODFROID, en remplacement de Maître Georges PIERRET et le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 octobre 2006.

Vu la rupture du délibéré prononcée le 26 octobre 2006 ;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2006 ;

Vu les pièces déposées au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2006 par Maître Georges Pierret au nom de l’administration communale de Sanem ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2006 par Maître Richard STURM, mandataire de Madame … ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, en présence de Maître Kalthoum BOUGHALMI, en remplacement de Maître Richard STURM, Maître Caroline GODFROID, en remplacement de Maître Georges PIERRET et le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK qui se sont rapportés à leurs écrits respectifs à l’audience publique du 18 décembre 2006.

Madame … travailla dans le secteur privé de 1978 à 1995.

De 1995 à 1998, elle fréquenta l’Haute Ecole Robert Schumann à Virton pour obtenir le diplôme d’institutrice de l’enseignement primaire le 23 juin 1998.

Le 2 juillet 1998, elle subit avec succès au Luxembourg l’examen-concours réglant l’accès à la fonction d’instituteur de l’enseignement primaire.

Elle fut définitivement nommée par le conseil communal de Sanem comme institutrice dans l’enseignement primaire à partir de l’année 1998/1999.

Le 25 novembre 2005, l’avocat de Madame … s’adressa au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en les termes suivants :

« Monsieur le Ministre, J’ai l’honneur de vous informer que je suis le conseil de Madame …, demeurant à L-

…, qui m’a chargé de la sauvegarde de ses intérêts.

Ma mandante a sollicité, à différentes reprises, une reconstitution de sa carrière de fonctionnaire d’Etat avec bonification d’ancienneté, alors qu’elle estime que ses décomptes de rémunération ne tenaient pas compte, notamment en ce qui concerne le paiement des heures supplémentaires et de rattrapage, de son ancienneté de service réel.

Je fais suite, à ce propos, aux différents courriers échangés avec votre administration et le ministère de la Fonction publique.

Pour une meilleure gouverne, je me permets de vous retracer l’historique de la carrière professionnelle de ma mandante, qui se résume comme suit :

Ma mandante a travaillé dans le secteur privé auprès du Crédit Suisse de 1979 à août 1995.

Elle a, ensuite, résilié son contrat de travail, pour poursuivre des études pédagogiques auprès de l’ISERP, afin de parfaire sa formation d’institutrice et ce de septembre 1995 à septembre 1998.

En octobre 1998, elle fut nommée aux fonctions d’institutrice auprès de l’école primaire de Sanem.

En ce qui concerne la reconstitution de carrière de ma mandante, et par référence aux textes légaux en vigueur, relatifs aux traitements des fonctionnaires de l’Etat, l’âge de 21 ans est considéré comme âge fictif de début de carrière, qui remonte ainsi à octobre 1989. Une fois obtenue la nomination définitive au grade de début de sa carrière, il est tenu compte, pour le calcul de son traitement initial, entre autres, de la moitié du temps passé ailleurs qu’au service de l’Etat, avant la nomination définitive.

Il en résulte qu’au 1er octobre 2001, l’ancienneté de service de ma mandante, atteint l’échelon 12.

Or, s’il est juste que le salaire de base lui est attribué, à partir de cette date, selon cet échelon, il en est autrement pour le calcul des décomptes relatifs aux prestations d’heures supplémentaires et de rattrapage, tel qu’en justifie le décompte présenté et les décomptes retenus dans le cadre des fiches de salaire lui remis.

Dès l’année 2002, sans préjudice quant à une date plus précise, ma mandante est intervenue tant auprès de la commune que de l’administration du Personnel de l’Etat et du ministère de la Fonction publique.

J’estime dès lors que d’une part, la prescription qui est édictée par l’article 2277 du Code Civil, a été valablement interrompue.

Je me permets, à ce titre, de vous annexer à la présente, le détail des revendications de ma mandante, relatif au paiement des heures supplémentaires et de rattrapage.

La présente vaut, pour autant que de besoin, réclamation formelle quant à l’application erronée de l’ancienneté des années de service de ma mandante quant au décompte relatif à ses heures supplémentaires prestées d’octobre 2001 à ce jour.

La présente vous est également adressée pour interrompre tout délai de prescription.

Je vous prierais de bien vouloir me faire parvenir, au vu de l’urgence et de l’ancienneté de cette affaire, une réponse sous quinzaine.

Tous droits de ma mandante, notamment le droit de saisir les juridictions administratives, restent formellement réservés.

En espérant toutefois qu’il ne sera pas besoin d’en arriver là, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments très distingués. » Le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative fit parvenir ce courrier au ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle.

Le 30 janvier 2006, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle fit parvenir à l’avocat de Madame … une réponse libellée comme suit :

« Maître, J’accuse bonne réception de votre courrier en date du 11 janvier 2006 et de votre télécopie du 18 janvier 2006 dans l’affaire émargée.

Votre mandante estime que ses décomptes de rémunération ne tiendraient pas compte de son ancienneté de service réelle pour ce qui est du calcul des heures supplémentaires.

Tout d’abord, je tiens à préciser que les heures supplémentaires sont payées par les communes respectives à leur personnel enseignant et non par les services de mon ministère.

Pour ce qui est du cas d’espèce de votre mandante, je tiens à soulever qu’il y a lieu de faire la distinction entre d’une part, la bonification d’ancienneté qui est calculée pour la fixation du traitement initial et qui consiste à prendre en compte l’expérience professionnelle aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, l’expérience dans le privé ne comptant que pour moitié et dans le secteur public pour sa totalité et d’autre part, les années de service qui sont pris en compte pour la fixation de l’indemnité due au personnel enseignant pour toute leçon supplémentaire.

Dans ce contexte il y a lieu de comprendre par années de service, les années pendant lesquelles la personne a effectivement enseigné. En effet, il ressort de l’article 2, alinéa 2, du règlement modifié du Gouvernement en Conseil du 4 octobre 1991 concernant entre autres les indemnités pour leçons supplémentaires que « les indemnités dues pour une leçon supplémentaire d’enseignement direct sont les suivantes pour les personnes visées sous I A (détenteur du brevet d’aptitude pédagogique, du certificat d’études pédagogiques, du certificat d’instituteur d’économie familiale ou d’un certificat reconnu équivalent pour le ministre de l’Education nationale) pendant les 12 premières années de service 6,36 Euros à l’indice 100 et avec plus de 12 années de service, 8,69 Euros à l’indice 100.

Il ressort clairement de cette disposition que les douze années de service à prendre en compte ici sont les douze années en tant qu’enseignant détenteur d’un des diplômes énuméré ci-dessus.

Vous comprenez dès lors qu’au vu des remarques qui précèdent, votre mandante n’a pu bénéficier d’un autre taux pour le calcul des heures supplémentaires, alors qu’elle ne totalise à l’heure actuelle que 8 années de service et ne pourra donc bénéficier du taux supérieur qu’à partir de l’année 2010, soit 12 années après son entrée en service en tant qu’institutrice de l’éducation primaire.

Veuillez agréer, Maître, l’expression de mes sentiments distingués. » Par requête déposée le 27 mars 2006 au greffe du tribunal administratif, Madame … fit introduire un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre de cette décision litigieuse du 30 janvier 2006.

Etant donné qu’aux termes de l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désigné par « le statut général des fonctionnaires de l’Etat » « les contestations auxquelles donneront lieu les décisions relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond », le recours en annulation introduit en ordre principal est irrecevable.

En l’espèce Madame … conteste l’application du taux horaire applicable aux heures supplémentaires ne tenant pas compte de son ancienneté de service telle qu’elle fut arrêtée pour la fixation de son traitement initial, de sorte que la contestation porte bien sur une décision relative à la fixation des traitements en principal et accessoires1.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire. Le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, Madame … fait valoir que l’autorité administrative heurterait les dispositions légales applicables en ne tenant pas compte de l’ensemble de son ancienneté de service pour le taux horaire applicable aux heures supplémentaires, mais se limitant au contraire seulement à la prise en compte de son ancienneté de service résultant de sa fonction d’instituteur.

Le délégué du Gouvernement répond que le seul texte applicable au présent litige serait le règlement modifié du Gouvernement en conseil du 4 octobre 1991 qui indique quelle indemnité est due au personnel enseignant pour toute leçon supplémentaire d’enseignement direct. Les taux fixés dans ce règlement seraient ajustés tous les deux ans. Selon l’article 2, alinéa 2 de ce règlement le taux à appliquer à l’indemnité due par leçon supplémentaire est différent selon que la personne bénéficie d’une ancienneté de service de moins ou de plus de 12 ans. Dans ce contexte il y aurait lieu de comprendre par années de service, les années pendant lesquelles la personne a effectivement enseigné. Il explique que ce serait à tort que Madame … estime qu’étant donné que pour le calcul de son traitement de base il a été tenu compte du temps passé auprès de son employeur du secteur privé à raison de la moitié du nombre d’années de service, il devrait en être de même pour le taux applicable aux heures supplémentaires. Il aurait lieu de distinguer la bonification d’ancienneté qui serait calculée pour la fixation du traitement initial et qui consiste à prendre en compte l’expérience professionnelle aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public et d’autre part les 1 Cf TA 14 février 2001, n° 12100 et les autres références y citées, Pas. adm. 2005, V° Fonction publique, VII.

Traitements – Allocations – Indemnités, n° 196, p. 381.

années de service qui sont prises en compte pour la fixation de l’indemnité due au personnel enseignant pour les leçons supplémentaires prestées.

L’administration communale de Sanem estime que Madame … ferait un amalgame entre la notion de bonification d’ancienneté et celle d’années de service et que ce serait à tort qu’elle invoquerait une ancienneté de service de 12 ans pour le calcul de ses heures supplémentaires. Elle ajoute que seule la bonification d’ancienneté serait réglée par l’article 7 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, tandis que les années de service pour la fixation des indemnités pour heures de travail supplémentaires tomberaient sous différentes dispositions applicables, à savoir les articles 18 et 19, paragraphe 3 du statut général des fonctionnaires de l’Etat, l’article 5 du règlement grand-ducal du 3 mai 1989 fixant la tâche des enseignants de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et l’article 2, alinéa 2 du règlement du Gouvernement en conseil du 4 octobre 1991. A titre subsidiaire, elle invoque encore la prescription triennale de l’article 2277 du Code civil pour faire valoir que la demande en paiement des heures supplémentaires et de rattrapage prestées de septembre 2001 à novembre 2002 serait prescrite.

Madame … fait répliquer que la distinction au niveau des années de service opérée par le règlement du Gouvernement en conseil ne découlerait d’aucune base légale. En ce qui concerne la prescription, elle estime que ce serait la prescription quinquennale de l’article 2277 du Code civil qui serait applicable.

Il y a de prime abord lieu de déterminer les dispositions légales applicables au présent litige.

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, alinéa 2 du statut général des fonctionnaires de l’Etat le statut « s’applique en outre au personnel des communes de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire, à l’exception des dispositions de l’article 7 paragraphe 2 alinéa 4 et sous réserve des dispositions spéciales inscrites dans la législation portant organisation de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et concernant notamment le recrutement, l’affectation, les incompatibilités, les congés, les heures de service et la discipline ».

Aux termes de l’article 20 du statut général des fonctionnaires de l’Etat : « Le fonctionnaire jouit d’un traitement dont le régime est fixé en vertu d’une disposition légale ou d’une disposition réglementaire prise en vertu d’une loi ».

Aux termes de l’article 1er de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat : « Au sens des dispositions de la présente loi le terme de fonctionnaire vise les fonctionnaires de l’Etat et les personnes qui leur sont assimilées quant au traitement et dont la fonction figure aux annexes A et B de la présente loi ».

Il est constant que la fonction d’instituteur de l’enseignement primaire figure sous la rubrique « IV. Enseignement » à l’annexe A de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat.

Aux termes de l’article 24, alinéa 3 de la loi modifiée du 10 août 1912 concernant l’organisation de l’enseignement primaire « l’horaire hebdomadaire ainsi que la tâche du personnel de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire seront fixés par règlement grand-ducal, le Conseil d’Etat entendu en son avis ».

Le règlement grand-ducal du 3 mai 1989 fixant la tâche des enseignants de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire dispose en son article 4 intitulé « Calcul de la tâche » :

« Pour le calcul de la tâche sont pris en considération les leçons d´enseignement, le forfait d´une leçon pour prestations permanentes, le cas échéant le forfait pour des missions spéciales dans l´intérêt de l´école et la décharge pour ancienneté visée à l´article 6 du présent règlement.

Tous ces éléments sont exprimés en heures de leçons d´enseignement.

L´ensemble de ces éléments doit comprendre:

- dans l’éducation préscolaire : 26 leçon ;

- dans l´enseignement primaire proprement dit: 24 leçons ;

- dans l’enseignement complémentaire et spécial : 22 leçons.

Si l’ensemble de ces éléments est supérieur au nombre des leçons indiqué ci-dessus, l’instituteur a droit à une indemnité pour leçons supplémentaires. » L’article 5 du règlement grand-ducal du 3 mai 1989 fixant la tâche des enseignants de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire dispose: « Les leçons supplémentaires sont rémunérées selon les taux à fixer par règlement du Gouvernement en Conseil ».

L’article 2, alinéa 2 du règlement modifié du Gouvernement en conseil du 4 octobre 1991 concernant les indemnités dues au personnel suppléant et aux chargés de cours pratiques des établissements scolaires, des écoles primaires, complémentaires et spéciales, et les indemnités pour leçons supplémentaires dispose :

« Les indemnités dues pour une leçon supplémentaire d’enseignement direct sont les suivantes (au nombre indice 100) pour les personnes visées sous 1 A pendant les 12 premières années de service 226 1 A avec plus de 12 années de service 309».

En l’espèce il est constant que la décision sous examen est fondée sur l’article 2, alinéa 2 du règlement modifié du Gouvernement en conseil précisant que le taux horaire mis en compte est celui applicable pendant les 12 premières années de service étant donné que Madame …, engagée définitivement en 1998, ne totalise pas encore 12 années de service. La décision précise qu’elle ne pourra bénéficier du taux supérieur qu’à partir de l’année 2010, soit 12 années après son entrée en service en tant qu’institutrice de l’éducation primaire.

Madame … soulève que la distinction opérée quant à l’applicabilité des années de service ne découlerait d’aucune base légale.

L’article 20 du statut général des fonctionnaires de l’Etat pose le cadre juridique en imposant que le régime du traitement du fonctionnaire soit fixé en vertu d’une disposition légale ou d’une disposition réglementaire prise en vertu d’une loi.

Si le règlement grand-ducal du 3 mai 1989 précise que l’instituteur a droit à une indemnité pour leçons supplémentaires si le total des éléments pris en compte est supérieur à la tâche hebdomadaire normale des instituteurs, ce même règlement grand-ducal laisse le soin de fixer le taux horaire applicable à un règlement pris par le Gouvernement en conseil. Ledit règlement du Gouvernement en conseil ne se limite cependant pas à fixer le taux horaire applicable, lequel constitue déjà à lui seul un élément déterminant de l’indemnisation, mais en plus énonce des règles supplémentaires ayant trait au régime applicable des heures supplémentaires, en précisant notamment les différents taux horaires applicables, les années de service et les différentes qualifications du personnel à prendre en compte.

Dans l’avis du 26 octobre 2006, le tribunal a demandé entre autre la date de la publication du règlement modifié du Gouvernement en conseil litigieux. Suite à cette rupture l’Etat fait préciser que le règlement n’a pas fait l’objet de publication au Mémorial, mais qu’il a cependant été envoyé aux administrations communales pour information et qu’un tableau reprenant le taux des indemnités à verser et les conditions applicables a été communiqué au personnel concerné. Il est également précisé que le règlement a été publié dans le recueil « Code de l’Education nationale ».

Madame … invoque l’article 112 de la Constitution en concluant que le règlement modifié du Gouvernement en conseil du 4 octobre 1991 serait non applicable.

L’article 112 de la Constitution dispose : « Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d’administration générale ou communale n’est obligatoire qu’après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi ».

En conformité avec l’article 1er de l’arrêté royal grand-ducal du 22 octobre 1842, la publication des actes de législation est faite par insertion au Mémorial.

La publication des actes de législation entraîne un triple effet. La publication détermine le moment de l’entrée en vigueur de la loi. La publication rend la loi opposable au public. La publication établit d’une manière authentique la teneur de la loi2.

En l’espèce il est constant que le règlement modifié du Gouvernement en conseil du 4 octobre 1991 n’a pas été publié au Mémorial, de sorte qu’il n’a aucune existence légale.

Il s’en suit que le règlement modifié du Gouvernement en conseil du 4 octobre 1991 ne saurait avoir force obligatoire et ne peut dès lors recevoir application de sorte qu’il est inopposable à Madame ….

Quant à la demande de Madame … de se voir appliquer l’article 7 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, force est de constater que ce texte ne saurait s’appliquer au présent litige étant donné qu’il vise seulement la bonification d’ancienneté de service pour la fixation du traitement initial lors de l’entrée au service du fonctionnaire de l’Etat, de sorte que l’ancienneté de service ainsi mise en compte ne saurait être appliquée, par analogie, à l’ancienneté de service applicable pour le calcul des heures supplémentaires. En effet, le tribunal ne saurait étendre le champ d’application de 2 Cf. Pierre Pescatore, Introduction à la science du droit, Office des Imprimés de l’Etat, 1960, p. 159.

l’article 7 au-delà de ce qui est prévu par le texte, à savoir la fixation du traitement initial, d’autant plus qu’il existe des textes spécifiques en matière d’heures supplémentaires prestées, notamment le règlement grand-ducal du 3 mai 1989 fixant la tâche des enseignants de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et le règlement modifié du Gouvernement en conseil du 4 octobre 1991. A cela s’ajoute que c’est précisément le règlement modifié du 4 octobre 1991 qui introduit la notion « d’années de service » en appliquant un taux horaire différent « pendant les 12 premières années de service » et « avec plus de 12 années de service », sans définir le contenu de cette notion. Même en admettant que ce règlement puisse être appliqué, la notion de la bonification d’ancienneté ne saurait être appliquée pour combler le manque de définition de la notion d’années de service, étant donné que ces deux notions ne sont pas identiques. A simple titre d’illustration, en appliquant la notion de la bonification d’ancienneté, l’intéressée ne saurait jamais bénéficier d’une ancienneté supérieure à 12 ans étant donné qu’aux termes de l’article 7, paragraphe 6 « la bonification d’ancienneté visée au présent article ne peut dépasser douze ans ».

Il en est de même de la demande de Madame … de se voir appliquer le règlement grand-ducal modifié du 3 mai 1991 concernant la prestation d’heures supplémentaires par des fonctionnaires communaux ainsi que leur astreinte à domicile. En effet ce règlement ne vise que les fonctionnaires communaux classés dans un grade de l’administration générale. Etant donné que Madame … n’est pas fonctionnaire communal classé dans un grade de l’administration générale ce texte ne saurait lui être applicable.

De tout ce qui précède il résulte que la décision ministérielle litigieuse du 30 janvier 2006 en se fondant sur ledit règlement modifié du Gouvernement en conseil du 4 octobre 1991 et en l’absence d’autre base légale encourt l’annulation pour absence de motifs légaux.

La demanderesse demande encore que les frais de justice soient mis à charge du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle et de la commune de Sanem. Les frais de justice sont en principe à mettre à charge de la partie succombante.

S’agissant en l’espèce de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, ils ne sauraient être mis à charge ni du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, qui n’a pas en cette qualité de personnalité juridique autonome par rapport à l’Etat, ni à charge de l’administration communale, qui n’est pas l’auteur de la décision annulée.

Il échet dès lors de mettre les frais à charge de l’Etat.

La demanderesse sollicite la condamnation de l’Etat au paiement de la somme de 16.

291, 58 € à titre d’arriérés pour heures supplémentaires. Au vu de l’issu du litige, cette demande est à écarter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation introduit en ordre principal irrecevable reçoit le recours en réformation introduit en ordre subsidiaire en la forme ;

au fond, le dit également fondé ;

annule la décision déférée ;

renvoie l’affaire devant le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en prosécution de cause ;

écarte la demande de condamnation de l’Etat ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 décembre 2006 par :

Mme Lamesch, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lamesch 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 21177
Date de la décision : 20/12/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-12-20;21177 ?

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