Tribunal administratif N° 21156 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2006 Audience publique du 20 décembre 2006 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …-…, … , contre une décision du conseil communal d’Ell et une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire en présence de Monsieur , …, en matière de plan d’aménagement particulier
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 21156 du rôle et déposée le 22 mars 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, et de son épouse, Madame …-…, …, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du conseil communal de la commune d’Ell du 22 juillet 2005 portant approbation définitive du projet d’aménagement particulier présenté par Monsieur , et portant sur des fonds sis à Roodt-les-Ell, commune d’Ell, au lieu-dit « Oben der Kirch », et de la décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire du 14 décembre 2005 portant approbation de ladite décision du conseil communal de la commune d’Ell du 22 juillet 2005 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Dieckirch, du 23 mars 2006, portant signification de ce recours à l’administration communale d’Ell, établie à L-8530 Ell, 15, rue Principale et à Monsieur , retraité, demeurant à L-
8560 Roodt, 25, rue Principale ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2006 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2006 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale d’Ell ;
Vu l’acte d’avocat à avocat du 16 juin 2006 portant notification de ce mémoire en réponse à Monsieur … et à son épouse Madame …-… en leur domicile élu, ainsi qu’à Monsieur , préqualifié ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2006 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Monsieur ;
Vu l’acte d’avocat à avocat du 21 juin 2006 portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Serge MARX ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juillet 2006 par Maître Serge MARX pour compte des demandeurs, lequel mémoire a été notifié le même jour au mandataire constitué de l’administration communale d’Ell et à Maître Charles KAUFHOLD, mandataire constitué pour Monsieur ;
Vu le mémoire en duplique intitulé mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 octobre 2006 par Maître Jean-Luc GONNER au nom de l’administration communal d’Ell ;
Vu l’acte d’avocat à avocat du 2 octobre 2006 portant notification de ce mémoire en réplique à Maîtres Serge MARX et Charles KAUFHOLD ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Serge MARX, Maître Lexie BREUSKIN, en remplacement de Maître Jean-Luc GONNER, Maître Charles OSSOLA, en remplacement de Maître Charles KAUFHOLD et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 novembre 2006.
A une date non autrement précisée, Monsieur …, …, s’adressa au ministère de l’Intérieur pour présenter pour compte de Monsieur , une demande visant un projet d’aménagement particulier portant sur des fonds sis à Roodt au lieu-dit « Oben der Kirch », ci-après dénommé le « PAP ».
Par courrier du 25 mars 2004, la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur, ci-après dénommée « la commission », rendit son avis et invita le bureau d’architecture … à « retravailler le projet et recommande aux autorités communales de n’approuver qu’un projet modifié ».
En sa séance du 12 juin 2004, le conseil communal d’Ell approuva provisoirement à l’unanimité ledit PAP.
Suivant courrier du 22 juin 2004, les époux …-… réclamèrent par le biais de leur avocat contre ledit vote provisoire.
Le PAP fut approuvé définitivement par le conseil communal le 6 octobre 2004. Le 24 novembre 2004, la réclamation des époux …-… fut rejetée.
En date du 14 mars 2005, le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire, désigné ci-après par « le ministre », informa les autorités communales qu’il n’était pas en mesure d’approuver la délibération du 6 octobre 2004 et les pria de reprendre la procédure depuis le vote provisoire en se conformant à la partie écrite du plan d’aménagement général.
Le 20 mai 2005, la commission émit un nouvel avis au sujet du PAP et le 14 juin 2005, le conseil communal approuva provisoirement le PAP modifié « op der Kirch » à l’encontre duquel vote les époux …-… introduisirent une nouvelle fois une réclamation le 28 juin 2005. Une réunion fut tenue le 19 juillet 2005, entre les réclamants et le collège échevinal en vue de l’aplanissement des difficultés conformément à l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, dénommée ci-après « la loi du 12 juin 1937 ».
Le conseil communal, par délibération du 22 juillet 2005, approuva définitivement le PAP modifié « op der Kirch », lequel vote fut à nouveau soumis à réclamation de la part des époux …-… par courrier du 6 août 2005.
Cette réclamation avec prise de position afférente de l’administration communale d’Ell fut transmise au ministre.
En date du 14 décembre 2005, le ministre approuva, sur base de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 et de l’article 108 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après dénommé la « loi de 2004 », la délibération du conseil communal du 22 juin 2005 portant adoption définitive du PAP présenté par Monsieur .
Il rejeta par ailleurs la réclamation des époux …-… pour être non fondée.
Par requête déposée en date du 22 mars 2006, les époux …-… ont introduit un recours tendant à l’annulation de la délibération du conseil communal de la commune d’Ell du 22 juillet 2005 portant approbation définitive du PAP et de la décision du ministre du 14 décembre 2005 portant approbation de ladite décision du conseil communal d’Ell.
Concernant la compétence d’attribution du tribunal administratif, question que le tribunal est de prime abord appelé à examiner, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever, ont un caractère réglementaire et, d’autre part, la décision d’approbation du ministre intervenue, le cas échéant, après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé (cf. Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2005, V° Actes réglementaires (recours contre les), n° 25 et autres références y citées).
Il s’ensuit qu’en application de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre de la décision du conseil communal de la commune d’Ell et de la décision d’approbation ministérielle litigieuse.
Dans son mémoire en réponse, le mandataire de Monsieur soulève l’irrecevabilité du recours pour être tardif, au motif que la décision du ministre est datée du 14 décembre 2005 et que le recours en annulation n’a été déposé au greffe du tribunal administratif qu’en date du 22 mars 2006, de sorte que le délai de trois mois pour introduire un recours contentieux aurait partant expiré le 14 mars 2006.
En l’espèce, force est de constater que la décision du ministre du 14 décembre 2005 a été envoyée aux époux …-… par courrier séparé daté du 22 décembre 2005, de sorte que le délai pour introduire un recours ne commence à courir qu’à partir de cette date et que le recours, déposé au greffe du tribunal administratif le 22 février 2006, c’est-à-dire endéans le délai de trois mois prévu à l’article 16 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, a donc été introduit dans le délai légal.
Il résulte dès lors des considérations qui précèdent que le recours introduit par requête déposée le 22 mars 2006 n’est pas tardif.
Le mandataire de Monsieur invoque encore l’irrecevabilité du recours omissio medio dans la mesure où les demandeurs, bien qu’ayant réclamé lors des différentes étapes de la procédure d’approbation du PAP, n’auraient cependant pas assisté à une réunion d’aplanissement des difficultés en date du 15 septembre 2004.
Force est de constater que les demandeurs ont introduit les réclamations visées par l’article 9 de la loi du 12 juin 1937. Par contre, l'omission d'assister à une réunion d’aplanissement ne saurait vicier la procédure de réclamation, alors que la loi ne prévoit aucune sanction en cas de non participati0on à une réunion d’aplanissement, qui a lieu justement suite à une réclamation dûment introduite.
Le recours est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de leur recours, les demandeurs soutiennent à titre principal que le « PAP n’a plus pu modifier le PAG de la commune d’Ell ». A ce titre, ils font valoir que la décision litigieuse du ministre du 14 décembre 2005 a été prise à un moment où la loi du 19 juillet 2005 portant modification de la loi du 19 juillet 2004 était en vigueur. Ils estiment que s’il était vrai que suivant les dispositions de l’article 108 (4) de la loi de 2005, les PAP dont la procédure d’approbation est entamée par la saisine de la commission d’aménagement d’après les dispositions de la loi du 12 juin 1937, doivent être achevés suivant les dispositions de cette loi, il n’en demeurerait pas moins qu’en ce qui concerne le fond, l’article 108bis (1) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 trouverait application, article qui interdirait toute modification du PAG par le biais d’un PAP. Ils se basent à ce sujet sur les travaux parlementaires et plus particulièrement sur l’avis du Conseil d’Etat qui a défendu la position que la survivance provisoire du PAG devrait équivaloir à un gel du cadre réglementaire du PAG et du règlement communal sur les bâtisses fondés sur la loi de 1937 en attendant que ces instruments soient remplacés par des instruments conformes à la loi de 2004.
Il résulterait de la lecture des travaux parlementaires que la position du Conseil d’Etat, sous peine de refus du deuxième vote constitutionnel, a été de refuser toute possibilité de modification d’un PAG élaboré sous l’égide de la loi du 12 juin 1937, pendant sa phase de survivance provisoire, par le biais d’un PAP. Le législateur aurait finalement supprimé le 2e alinéa du paragraphe (3) de l’article 108bis qui prévoyait expressément que les modifications ou révisions apportées par le PAP ne peuvent pas déroger au PAG, sauf pour des raisons d’intérêt général. Les demandeurs concluent qu’il résulterait des considérations qui précèdent que la position du Conseil d’Etat, qui aurait été suivie par le législateur, aurait été de refuser toute possibilité de modification du PAG pendant sa phase de survivance par le biais d’un PAP, même adopté suivant la procédure prévue par la loi du 12 juin 1937.
En l’espèce, ils soutiennent que s’il est possible qu’un PAP soit adopté en ce qui concerne une zone classée « zone d’aménagement particulier », il ne serait néanmoins pas possible d’y inclure une parcelle située en zone « Duerfkaer ».
Les parties défenderesses s’accordent pour retenir que l’analyse de la situation juridique telle que présentée par la partie demanderesse ne correspondrait nullement à la réalité et que la procédure d’adoption et le contenu d’un PAP seraient à analyser uniquement selon les dispositions de la loi du 12 juin 1937.
Il convient en premier lieu d’examiner les dispositions transitoires en la matière et le cadre légal applicable pour conclure au bien fondé ou non du moyen proposé par la partie demanderesse, dans la mesure où l’élaboration du PAP litigieux n’était pas encore achevée lors de l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 2004.
S’il est certes constant que conformément aux dispositions de l’article 108 (2) de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, la procédure d’adoption d’un projet d’aménagement général ou particulier dont la procédure d’approbation est entamée d’après les dispositions de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes au moment de son entrée en vigueur, est continuée et doit être achevée dans les douze mois qui suivent l’entrée en vigueur de cette loi et que passé ce délai une nouvelle procédure d’adoption doit être engagée conformément aux dispositions de cette même loi, il n’est pas moins constant que la loi du 19 juillet 2005 portant modification notamment de cette loi du 19 juillet 2004 a remplacé ledit article 108 qui dispose désormais sous son point (4) comme suit :
« Pour les projets d’aménagement général ou particulier dont la procédure d’approbation est entamée par la saisine de la commission d’aménagement d’après les dispositions de la loi du 12 juin 1937 précitée au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi, cette procédure est continuée et doit être achevée dans les deux ans qui suivent l’entrée en vigueur de la présente loi. Passé ce délai, une nouvelle procédure d’adoption doit être engagée conformément aux dispositions de la présente loi ».
La loi modifiée du 19 juillet 2004 étant entrée en vigueur le 8 août 2004, il se dégage dès lors de la disposition légale prérelatée que le délai pour achever la procédure d’approbation d’un projet d’aménagement général ou particulier entamée sous l’empire de la loi du 12 juin 1937 expire, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 2005, le 8 août 2006 seulement.
Dans la mesure où les nouvelles dispositions de l’article 108 ci-avant visées étaient entrées en vigueur au jour de la prise de la décision ministérielle litigieuse du 14 décembre 2005 et que le nouveau délai légal pour l’achèvement de la procédure d’approbation entamée sous l’empire de la loi de 1937 n’était dès lors pas encore venu à expiration, le ministre pouvait valablement approuver, ratione temporis, en date du 14 décembre 2005 la délibération du conseil communal d’Ell du 22 juillet 2005.
Il est dès lors constant que la procédure d’élaboration du PAP litigieux est régie par les dispositions de la loi du 12 juin 1937, alors que la procédure d’approbation du PAP a été entamée sous l’empire de cette loi et qu’elle a pu être continuée et achevée selon cette loi, même après l’entrée en vigueur de la loi modifiée du 19 juillet 2004, grâce à la disposition transitoire prérelatée de l’article 108 (4) de loi modifiée du 19 juillet 2004 qui justement rend la poursuite de la procédure d’approbation d’après la loi du 12 juin 1937 possible.
En effet, les dispositions transitoires sont claires et ne nécessitent aucune interprétation ou recours à des travaux parlementaires. La procédure d’approbation du PAP entamée d’après les dispositions de la loi du 12 juin 1937 au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 2004 est continuée et achevée selon les dispositions de cette loi, et ce n’est que passé le délai du 8 août 2006 qu’une nouvelle procédure d’approbation doit être engagée conformément aux dispositions de la loi du 19 juillet 2004.
C’est encore à bon droit que les défendeurs soutiennent que l’article 108 (4) n’établit pas de distinction selon laquelle le « fond » du PAP serait régi par la nouvelle loi tandis que la « forme » tomberait sous l’emprise de l’ancienne loi, à savoir celle de 1937. La disposition transitoire se limite à régler l’application dans le temps de la loi abrogée et de la loi abrogeante sans permettre qu’une même situation de droit soit régie par des dispositions légales divergeantes, qui de surplus, par leur contenu sont incompatibles. Le délégué du Gouvernement a ainsi précisé à juste titre qu’une des grandes innovations de la loi modifiée du 19 juillet 2004 a été d’instaurer une hiérarchie claire et précise entre les PAG et les PAP, à savoir que le PAP a désormais pour objet d’exécuter le PAG et ne se situe dès lors plus au même niveau que le PAG, comme ce fût le cas sous l’empire de la loi du 12 juin 1937.
En ce qui concerne le moyen concernant une éventuelle contradiction entre le plan d’aménagement général et le plan d’aménagement particulier, il y a lieu de retenir que cette contradiction n’affecte pas la légalité du plan d’aménagement particulier, dès lors qu’un plan d’aménagement particulier peut déroger au plan d’aménagement général sous l’empire de la loi du 12 juin 1937.
En effet, un plan d'aménagement particulier modifie ou complète pour des terrains déterminés le plan d'aménagement général. Sous l’empire de la loi du 12 juin 1937, laquelle est applicable en l’espèce, le plan d’aménagement particulier a été adopté selon la même procédure que le plan d'aménagement général, de sorte qu’il est de la même essence et a la même force obligatoire que celui-ci, ce qui entraîne qu'en cas de contradiction entre des dispositions d’un plan d'aménagement général et d’un plan d'aménagement particulier, celles du plan d'aménagement particulier doivent s'appliquer dans la zone couverte par ce plan, par dérogation à celles du plan d'aménagement général (trib. adm. 26 novembre 1998, n° 10354 du rôle, Pas. adm.
2005, V° Urbanisme n° 231 et autres références y citées). La procédure d’adoption d’un plan d’aménagement particulier est une procédure réglementaire de même niveau hiérarchique que le plan d’aménagement général qu’elle a vocation de modifier, de sorte qu’en droit, des dispositions du plan d’aménagement général ne sauraient empêcher ou interdire l’admission de dispositions dérogatoires ultérieures (Cour adm. 7 janvier 1999, n° 10780C du rôle, Pas. adm. 2005, V° Urbanisme n° 231). En vertu du même principe, les dispositions du plan d'aménagement général continuent à s'appliquer pour toutes les questions qui n'ont pas été spécialement réglées par le plan d'aménagement particulier (trib. adm. 20 décembre 2001, n° 13245 du rôle, Pas. adm. 2005, V° Urbanisme n° 231 et autre référence y citée).
Il s’ensuit que le moyen d’annulation laisse d’être fondé en ce qu’il prétend dégager une cause d’annulation à partir d’une prétendue divergence entre le PAP et la classification d’une zone par le PAG de la commune d’Ell.
Les demandeurs font ensuite valoir que le PAP violerait leur droit de propriété en se référant à l’article 1er du Protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l’homme, à l’article 16 de la Constitution et à l’article 544 du Code civil.
Ils font valoir plus particulièrement que toute question relevant du droit de propriété serait d’interprétation stricte et que toute atteinte au droit de propriété devrait rester exceptionnelle.
En l’espèce, le PAP litigieux comporterait deux phases, dont la deuxième viserait une surface leur appartenant à 75%. En englobant leur propriété dans le PAP, un tiers leur imposerait la façon dont ils devraient mettre en valeur leur propriété et cette façon de procéder violerait de cette sorte leur droit de propriété pourtant protégé par les dispositions précitées, de sorte que le PAP devrait être annulé.
En ce qui concerne le reproche formulé par la partie demanderesse que l’adoption du PAP porterait atteinte à leur droit de propriété constitutionnellement garanti et contreviendrait à l’article 1er, alinéa 1er du premier protocole additionnel à la Convention des droits de l’homme, il échet tout d’abord de rappeler qu’en vertu de cette disposition de droit international « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».
Le tribunal ne saurait suivre les demandeurs dans leur raisonnement suivant lequel le fait d’englober la propriété dans un PAP aboutirait à une expropriation sinon à un abus concernant l’usage de leur propriété.
Il est vrai que les demandeurs sont propriétaires de 75% de la surface de la deuxième phase du lotissement et comprise dans le périmètre du PAP.
Il convient de prime abord de relever qu’un PAP, encore qu’il puisse être initié par un tiers, acquiert force réglementaire par les approbations successives du conseil communal et de l’autorité de tutelle qui se l’approprient, de sorte que le PAP approuvé définitivement ne reflète plus la volonté d’un tiers, mais bien celle des autorités publiques compétentes en matière d’urbanisme.
Or, le législateur, en imposant aux communes d’établir un projet d’aménagement et d’édicter un règlement sur les bâtisses, a nécessairement habilité le pouvoir communal à réglementer l’usage du droit de propriété lorsque sa réglementation est nécessaire à la réalisation des objectifs de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes (CE 21 avril 1994, INTERPUBLICITE, n° 8641 du rôle). En prenant de telles mesures, l'autorité communale ne procède pas à une expropriation cachée contraire à l'article 16 de la Constitution et à l'article 545 du code civil (Cour adm. 21 décembre 2000, n° 12162C du rôle, Pas. adm. 2005, v° Urbanisme, n° 33).
Partant, dans la mesure où une réglementation en matière d’urbanisme se limite à déterminer le régime des constructions et aménagements sur un terrain sans affecter le droit de disposition du propriétaire sur ce dernier, de manière à ne pas conférer au promoteur des droits réels sur un terrain déterminé et à ne pas entraîner d’office un remorcellement des propriétés couvertes par un plan d’aménagement, le PAP litigieux reste sans incidence sur le droit de propriété des demandeurs sur la surface susvisée et ne confère aucun titre au promoteur du PAP pour la réalisation des infrastructures prévues par le PAP. Le droit de propriété des demandeurs ne se trouvera affecté dans sa substance que par la réalisation d’une procédure de remembrement urbain à défaut d’accord de tous les propriétaires concernés ou d’expropriation pour utilité publique, telles que prévues par la loi du 19 juillet 2004, qui aboutissent cependant à des actes administratifs distincts et susceptibles de voies de recours propres dans le cadre desquelles la contestation relative à l’atteinte au droit de propriété pourra être soulevée.
C’est dès lors à bon droit que le délégué du Gouvernement a soutenu que la mise en valeur des fonds appartenant aux demandeurs ne pourrait avoir lieu sans leur accord préalable, de sorte qu’à ce stade il n’y a aucune atteinte au droit de propriété des demandeurs. Il s’ensuit que ce moyen des demandeurs laisse également d’être fondé.
En troisième lieu, la partie défenderesse met en doute le caractère suffisant de l’étude d’impact présentée dans le cadre de l’élaboration du PAP. Elle estime que l’étude réalisée ne serait pas suffisamment circonstanciée et ne serait pas basée sur des éléments de fait de l’espèce. Comme l’étude d’impact ne serait pas autrement définie dans la législation relative à l’aménagement communal et le développement urbain, il faudrait se référer à d’autres législations, notamment à la loi sur la protection de la nature. Elle conclut que le document établi par l’architecte « ne correspond pas à une étude d’impact, de sorte que l’approbation du ministre de l’Intérieur est à annuler ».
L’article 5.2 de la partie écrite du PAG de la commune d’Ell prévoit que « si le projet de lotissement concerne plus de 20 places à bâtir (lots) ou représente plus de 10% des unités d’habitation existantes dans l’agglomération concernée ou si le conseil communal le décide, une étude d’impact devra être effectuée, à la charge du promoteur, concernant les incidences du projet sur les infrastructures techniques et sociales de la commune, sur la circulation et l’environnement naturel du site ».
Le promoteur du PAP, Monsieur, par le biais de son architecte, a fait réaliser une telle étude d’impact portant sur les 4 points mentionnés à l’article 5.2. du PAG.
Cette étude a été approuvée par le ministre de l’Intérieur en date du 14 décembre 2005.
S’il est vrai que la commission dans son avis du 20 mai 2005 a soulevé que la problématique de la circulation aurait mérité d’être traitée davantage, vu son impact sur la qualité de vie des habitants dans cette partie de la localité, le ministre, en entérinant cette étude dans sa décision d’approbation du 14 décembre 2005, a usé de son pouvoir d’appréciation en la matière pour conclure à son caractère suffisant et adapté dans le cadre de l’approbation du PAP litigieux.
En effet, il est constant que tous les points énumérés à l’article 5.2 de la partie écrite du PAG ont été traités par l’étude d’impact, certes d’une manière succincte, mais correspondant aux exigences retenues par le prédit article. Il convient encore de relever que le PAP porte sur un terrain d’environ 2 ha où sera réalisée, en deux phases successives, la construction de 23 maisons d’habitation. Il ne s’agit dès lors pas d’un projet d’une grande envergure créant une circulation pouvant affecter la qualité de vie des habitants de la localité de telle manière à présenter une gêne anormale.
En ce qui concerne le dernier moyen opposé par la partie demanderesse à savoir que des exigences d’ordre urbanistique s’opposeraient à l’aménagement d’une connexion routière au niveau de la rue Principale, dans la mesure où le lotissement projeté serait déjà relié à la rue de l’Eglise et qu’il n’existerait dès lors aucune nécessité pour le relier en plus à la rue Principale, les parties défenderesses conviennent pour retenir que l’accès projeté serait indispensable pour garantir une connexion appropriée du PAP avec le réseau routier existant.
C’est également à bon droit que les parties défenderesses soutiennent que le reproche en cause ne repose sur aucune violation d’une règle légale et ne concerne qu’une question d’opportunité dont l’appréciation relève de la compétence de l’administration communale sous le pouvoir de tutelle du ministre de l’Intérieur, considérations qui sont soustraites à l’appréciation du juge dans le cadre d’un recours en annulation.
En effet, le recours exercé contre un acte administratif à caractère réglementaire soumet au juge administratif le seul contrôle des aspects de légalité tirés de l'incompétence, de la violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés ou encore de l'excès ou du détournement de pouvoir, à l'exclusion des considérations de l'opportunité de la mesure réglementaire prise par les autorités politiques compétentes. S'il est vrai que dans le cadre d'un recours en annulation d'une norme réglementaire, le juge a le droit et le devoir de vérifier l'existence matérielle des faits gisant à la base de la mesure contestée, ce contrôle ne saurait cependant s'étendre à des questions de pure opportunité politique de la mesure – ( Pas. adm.
2005, CA 12-12-98 (10452 e. a.); – TA 3-4-2000 (11177, confirmé par arrêt du 7-11-
2000, 11994C); TA 21-5-03 (15806)1, acte réglementaire, n° 10, p. 43) , de sorte que ce moyen, ayant trait à la pure opportunité politique, laisse également d’être fondé.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter comme étant non-fondé.
Dans son mémoire en réponse, la partie de Maître Charles KAUFHOLD a sollicité l’allocation d’une indemnité de procédure de 2500 € sur base de l’article 240 1 confirmé sur ce point par arrêt de réformation du 6-11-03, 16676C du Nouveau code de procédure civile. Outre le fait qu’une telle demande trouve sa base légale en l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ladite demande est toutefois à rejeter pour ne pas être fondée, les conditions légales n’étant pas remplies en l’espèce.
De même la demande de l’administration communale d’Ell, telle que contenue dans son mémoire en réponse déposé le 19 juin 2006 au greffe du tribunal administratif tendant à se voir allouer également une indemnité de procédure de 1.000 € sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999, est également à rejeter, dans la mesure où les conditions légales ne sont pas remplies en l’espèce.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
rejette les demandes tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure présentées tant par Monsieur que par l’administration communale d’Ell ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 décembre 2006 par:
Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
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