Tribunal administratif N° 21795 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2006 Audience publique du 18 décembre 2006
==============================
Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié
-------------------------
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 21795 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 août 2006 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Notsé (Togo), de nationalité togolaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 3 juillet 2006, ayant rejeté sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et lui ayant refusé le bénéfice de la protection subsidiaire ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2006 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.
__________________________________________________________________________
Le 7 juillet 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».
Monsieur … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Il fut encore entendu en date des 26 novembre et 1er décembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.
Par décision du 3 juillet 2006, envoyée par lettre recommandée du 5 juillet suivant, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :
« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 7 juillet 2004 et les rapports d’audition de l’agent du Ministère de la Justice et du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date des 26 novembre 2004 et 1er décembre 2004.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 7 juillet 2004 que vous auriez quitté Lomé le 2 juillet 2004 pour vous rendre au Bénin. Votre mère vous aurait mis en contact avec un homme qui aurait organisé votre voyage. Le 4 juillet 2004 ce dernier vous aurait accompagné en avion à partir de Contonou pour Paris où vous auriez atterri le lendemain. Vous ne pouvez donner aucune indication sur cet homme, ni sur les documents de voyage avec lesquels vous auriez voyagé. Par la suite, vous auriez pris un autre avion pour le Luxembourg. Le dépôt de votre demande d’asile date du 7 juillet 2004. Vous ne présentez aucune pièce d’identité.
Il résulte de vos déclarations que dès l’âge de 12 ans vous auriez vécu seul à Lomé.
Pour financer votre loyer vous auriez été chauffeur de moto-taxi et vous auriez pris des photos pour le compte du parti politique UFC. Vous dites être membre de ce parti politique d’opposition. Vous n’auriez pas de véritable carte de membre, mais en 2002, donc à l’âge de 14, on vous aurait donné une « carte pour les jeunes ». Vous dites avoir participé à des meetings de l’UFC, y avoir pris des photos et avoir écrit des rapports sur l’état de santé du fils du défunt président Eyadema. Vous auriez également été rapporteur.
En juin 2003 vous auriez été arrêté ensemble avec de nombreuses autres personnes lors d’une manifestation interdite par le gouvernement dans le cadre d’un « contrôle de cartes de citoyenneté ». Vous auriez été emmené au commissariat central où vous auriez été battu. Vous auriez été relâché encore le même jour.
Le 28 juin 2004 lors d’une conversation avec un ami dans un restaurant au port de Lomé vous auriez parlé sur l’arrestation de l’inspecteur des douanes, Monsieur Poyode.
Vous auriez raconté que ce dernier aurait été arrêté à cause de sa femme dont l’amant aurait reporté que Poyode aurait financé la campagne électorale de « Dahurou Pere » en 2003. Deux personnes assises à côté de vous seraient venues vous aborder et se seraient présentées comme des policiers. Elles vous auraient demandé à les suivre au commissariat du port de Lomé. Vous vous seriez pourtant enfui et auriez perdu votre carte d’identité récupérée par les policiers.
Le lendemain des policiers seraient passés à votre domicile et y auraient trouvé des banderoles de l’UFC, un poster du leader du parti, des photos et votre rapport sur l’état de santé du fils Eyadema. Vous n’auriez pas été présent sur les lieux, mais à votre retour vous auriez trouvé votre studio saccagé et une convocation vous invitant à vous présenter à la brigade d’Adidogomé. Vous n’auriez pas passé la nuit à votre domicile. Le lendemain vous y seriez retourné par curiosité et vous auriez trouvé une deuxième convocation. Vous dites avoir été convoqué à cause de votre « franchise lors de la discussion » avec votre ami. Vous auriez alors rejoint votre mère qui vous aurait dit de vous rendre au Bénin.
Vous ne faites pas état d’autres problèmes. Vous auriez peur du régime en place, peur de devoir aller en prison.
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, il ne résulte pas de vos allégations, qui ne sont d’ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risquiez ou risquez d’être persécuté dans votre pays d’origine pour un des motifs énumérés par l’article 1er, A., §2 de la Convention de Genève.
En effet, le fait que vous auriez été arrêté, battu et relâché le même jour par des policiers en juin 2003 ne saurait suffire pour fonder à lui seul une demande en obtention du statut de réfugié. Des coups infligés par des policiers lors d’une détention constituent des pratiques certes condamnables, mais ne sont pas d’une gravité telle qu’ils justifient une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.
Vous dites être recherché pour votre franchise lors d’une conversation avec un ami.
Vous en venez à cette conclusion parce que vous auriez reçu des convocations pour vous présenter à la police. Or, vous n’êtes pas en mesure de prouver l’existence de ces convocations ni les motifs de celles-ci. Ainsi, des craintes purement hypothétiques basées sur aucun fait réel ou probable ne sauraient également constituer des motifs visés par la Convention de Genève. Il n’est ainsi pas établi que vous soyez effectivement recherché pour une des raisons énumérées par la Convention de Genève.
En ce qui concerne votre adhésion à l’UFC et même si des activités dans un parti d’opposition peuvent justifier des craintes de persécutions, il n’en résulte pas automatiquement que tout membre d’un parti d’opposition risque des persécutions de la part du pouvoir en place. A cela s’ajoute que vous n’êtes pas en mesure de prouver votre adhésion à l’UFC et il résulte de vos déclarations que vous n’auriez pas eu de rôle important au sein de ce parti. Par ailleurs, il est un peu étonnant que vous auriez déjà adhéré à l’UFC à l’âge d’au moins 14 ans et que vous n’auriez pas été affilié à la section jeunesse de ce parti, section que vous ne connaissez pas. Vous n’êtes également pas en mesure de dire qui sont Patrick Lawson, Gilbert Atsu, Daniel Koffi Aganon et Jean-Baptiste Koffi Dagbovie, personnages importants de l’UFC. De même il est étonnant d’entendre que vous auriez écrit des rapports sur l’état de santé de Ernest Gnassingbé à un âge très jeune.
Enfin, soulignons que vous ne vous êtes pas rendu au Ministère de la Famille conformément à une convocation par lettre recommandée afin de subir un examen physique médical prévu en date du 5 novembre 2004 dans le but d’évaluer votre âge probable, un tel comportement doit être qualifié de refus de collaboration manifeste.
Concernant la situation actuelle au Togo, il résulte d’un rapport de l’UNHCR du 2 août 2005 intitulé « Position du HCR sur le traitement des demandeurs d’asile du Togo » que « le régime de Faure Gnassingbé s’efforce grandement de montrer sa disponibilité à la réconciliation, appelle au retour des réfugiés togolais, et fait preuve de beaucoup d’autres initiatives positives. Parmi les efforts entrepris par les autorités togolaises actuelles vers la réconciliation, il faut mentionner le Décret présidentiel du 25 mai 2005, qui crée une Commission indépendante d’enquête nationale spéciale pour enquêter sur « les actes de violence et de vandalisme » qui ont troublé la période électorale ». Dans ce même contexte, le chef du gouvernement togolais, Monsieur Edem Kodjo a dans une lettre circulaire du 15 mars 2005 adressée aux responsables des forces de sécurité et aux autorités judiciaires donné des instructions pour l’arrêt de toutes poursuites judiciaires à l’encontre de toute personne présumée auteur d’infractions ou de délits étroitement liés à l’élection présidentielle d’avril 2005. Monsieur Kodjo a expliqué sa décision par un « souci d’apaisement total et de réconciliation nationale, afin de favoriser le retour des réfugiés et des personnes déplacées suite aux événements survenus avant, pendant et après l’élection ».
Le rapport continue en disant que « la création d’une Haute Commission pour le Rapatriement et la Réinsertion (HCRR) est un autre signe de cette atmosphère positive ;
cette dernière a pour mission de préparer le rapatriement et la réintégration des réfugiés togolais et de s’occuper des autres questions humanitaires correspondantes. La HCRR a déjà pris contact avec le HCR afin d’instaurer des relations de travail harmonieuses ».
Selon des sources UNHCR plus de 5000 réfugiés togolais installés au Bénin ou au Ghana seraient retournés au Togo.
De même le prédit rapport indique que « les efforts des nouvelles autorités togolaises répondent aux attentes de la majorité des personnes concernées, y compris les réfugiés à l’étranger, de même que les quelques initiatives prises, notamment dans le contexte africain en vue de normaliser la situation au Togo. A cet égard, il convient de souligner que le 25 avril 2005, en vue de contrecarrer d’éventuelles manifestations violentes après la publication des résultats du scrutin, le Président Olusegun Obansanjo a, en sa qualité de Président de l’UA, négocié un accord entre Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio (leader du parti politique d’opposition UFC), afin de former un Gouvernement d’unité nationale, indépendamment des résultats de scrutin ». Par ailleurs, les restrictions de voyage prononcées contre le leader Gilchrist Olympio ont été levées et quelques 500 détenus, dont des détenus politiques ont été libérés.
Le 19 mai 2005, à l’invitation d’Olusegun Obasanjo, un mini-sommet a été organisé à Abuja pour discuter du processus devant mener à la réconciliation nationale et à la démocratie populaire au Togo. Outre les protagonistes de la crise togolaise, le Représentant spécial du Secrétaire général (SRSG) de l’ONU pour l’Afrique occidentale, le Président de la CEDEAO, le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO, les chefs d’Etat de la CEDEAO concernés ainsi que le Président du Gabon ont assisté au mini-sommet. Le 21 juillet 2005 une rencontre entre Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio a eu lieu à Rome. D’après Radio France Internationale (RFI), les deux hommes ont appelé à la fin de la violence au Togo, au retour des 30.000 réfugiés et ont accepté de se revoir ultérieurement. Le 21 avril 2006 les représentants du parti politique au pouvoir et ceux des principaux partis politiques d’opposition togolais ainsi que des délégués de la société civile ont repris à Lomé le chemin du dialogue pour trouver une solution à la crise politique. L’ordre du jour et les objectifs du dialogue concernent essentiellement les engagements pris par le Togo envers l’Union européenne en avril 2004 pour la reprise de la coopération entre les deux parties, interrompues en 1993 après les violences électorales.
En outre, vous n’invoquez pas non plus de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.
Les faits invoqués à l’appui de votre demande ne nous permettent pas d’établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
En effet, vous ne faites pas état d’un jugement ou d’un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort, ni de risques concrets et probables de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour au Togo.
Par ailleurs, vous ne faites pas état de risques émanant d’une violence aveugle résultant d’un conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève.
Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé ».
Par requête déposée le 7 août 2006 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 3 juillet 2006.
Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.
d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de demandes de protection subsidiaire déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre d’avoir commis une erreur d’appréciation des faits et de ne pas en avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées. Il expose plus particulièrement qu’il serait originaire du Togo, qu’il aurait été membre du parti politique d’opposition UFC (Union des Forces du Changement) « pour le compte duquel il aurait exercé une fonction de rapporteur », que lors d’une discussion à caractère politique avec un ami, il aurait été interpellé par des policiers l’invitant à les suivre, qu’il serait parvenu à fuir, que le lendemain, son domicile aurait été mis à sac et il y aurait retrouvé une convocation au commissariat de police. Il estime dès lors qu’il serait poursuivi par les forces de police pour avoir exprimé son opinion, et que dans la mesure où il aurait déjà été arrêté et battu alors qu’il participait à une manifestation interdite, ce serait avec raison qu’il craindrait d’être victime de persécutions par les autorités policières de son pays d’origine. Il soutient encore que ses craintes ne seraient nullement hypothétiques dans un pays qui ne respecterait pas les droits de l’homme, de sorte qu’il pourrait craindre avec raison d’être envoyé en prison en cas de retour dans son pays d’origine. Il reproche encore au ministre d’avoir retenu une amélioration de la situation politique au Togo, en faisant valoir que la situation serait loin d’être stabilisée et que les événements récents dont le ministre aurait fait mention ne permettraient pas de conclure à une amélioration définitive de la situation.
En ordre subsidiaire, le demandeur estime qu’il aurait droit au bénéfice de la protection subsidiaire, telle que prévue par la loi précitée du 5 mai 2006, « alors que son comportement à l’occasion de la manifestation du 12 février 2005 est susceptible, eu égard à l’absence d’une quelconque protection judiciaire réelle (étant donné le pouvoir de l’armée au Togo) de donner lieu aux risques prévus par les articles a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 ».
Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.
En vertu de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699 du rôle, Pas. adm. 2005, V° Recours en réformation, n° 13).
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions en dates des 26 novembre et 1er décembre 2004, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes-rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre de la procédure contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.
En effet, le demandeur fait essentiellement état de sa crainte d’être victime d’actes de persécution de la part des forces de police togolaises en raison de son engagement en faveur du parti politique d’opposition UFC.
S’il est vrai que les activités dans un parti d’opposition, à les supposer établies, peuvent justifier des craintes de persécution au sens de la Convention de Genève, il n’empêche que le simple fait d’être membre d’un tel parti ne constitue pas, à lui seul, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié.
Or, en l’espèce, le demandeur a déclaré lors de ses auditions qu’il exerçait une fonction de « rapporteur » auprès de l’UFC, qu’il prenait des photos lors des meetings du parti et qu’il faisait des rapports, cependant il n’a pas fait état d’une persécution vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, en raison de son appartenance au parti UFC et de ses activités politiques et il reste actuellement en défaut de produire le moindre élément de preuve objectif les concernant.
Ainsi, l’arrestation du demandeur en juin 2003 durant une manifestation politique interdite, étant relevé qu’il n’a pas été le seul manifestant à être arrêté, et sa détention au commissariat central durant laquelle il aurait été battu, à les supposer vraies, constituent certes des actes condamnables, mais elles ne sont pas d’une gravité suffisante pour fonder une crainte justifiée de persécution dans son chef, d’autant plus que le demandeur a déclaré avoir été relâché encore le même jour.
Quant aux recherches policières dont le demandeur fait état à la suite d’une interpellation par des policiers en juin 2004 en raison d’une discussion à caractère politique qu’il aurait eue avec un ami dans un restaurant, et la mise à sac subséquente de son studio par ces mêmes policiers qui y auraient trouvé du matériel de l’UFC, force est de constater que ces faits, à les supposer établis, ne paraissent plus de nature à fonder à l’heure actuelle une crainte justifiée de persécution dans son chef, faute notamment par le demandeur d’avoir rapporté en cause un quelconque élément tangible permettant de conclure à la persistance d’un risque individualisé de persécution à son égard dans le contexte politique actuel dans son pays d’origine, au vu de l’évolution de la situation politique au Togo après le décès en 2005 du président Gnassingbé EYADEMA et du processus de réconciliation nationale amorcé par la signature de l’Accord Politique Global au mois d’août 2006.
Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.
Concernant le volet de la décision portant refus du statut de protection subsidiaire, il convient de relever que l’article 2, e) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit qu’est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international », tandis que l’article 39, paragraphe (1) exclut du bénéfice de la protection subsidiaire toute personne dans le chef de laquelle il existe des motifs sérieux de considérer « a) qu’il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; b) qu’il a commis un crime grave de droit commun ; c) qu’il s’est rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies tels qu’ils sont énoncés dans le préambule et aux articles 1 et 2 de la Charte des Nations Unies ; d) qu’il représente une menace pour la société ou la sécurité du Luxembourg », le paragraphe (2) de l’article 39 étendant cette exclusion « aux personnes qui sont les instigatrices des crimes ou des actes visés par ledit paragraphe, ou qui y participent de quelque autre manière ».
Le tribunal constate que le demandeur, au-delà de l’allégation non circonstanciée qu’il serait susceptible d’être exposé, en cas de retour dans son pays d’origine, aux atteintes graves définies au prédit article 37, omet d’établir concrètement la réalité d’un tel risque dans son chef, étant donné que le demandeur, au-delà de renvoyer à son comportement à une manifestation du 12 février 2005, qui est postérieure à son départ du Togo, ne précise même pas dans sa requête quelles seraient les conséquences de son retour dans son pays d’origine.
Il s’ensuit que le demandeur reste en défaut d’établir qu’il court un risque réel de subir en cas de renvoi dans son pays d’origine l’une des atteintes graves telles que prévues à l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 et qu’il n’est partant pas fondé à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi précitée du 5 mai 2006.
Au vu de ce qui précède, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
M. Schockweiler, premier vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 18 décembre 2006 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 8