Tribunal administratif N° 21331 rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 avril 2006 Audience publique du 18 décembre 2006 Recours formé par les époux …-…, Luxembourg contre une décision du ministre de l’Intérieur et une délibération du conseil communal de Waldbillig en matière de plan d’aménagement général
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 21331 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 avril 2006 par Maître Marco NOSBUSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , et de son épouse, Madame …-…, …, les deux demeurant ensemble demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 18 janvier 2006 approuvant une décision du conseil communal de Waldbillig du 21 octobre 2004, portant adoption définitive du plan d’aménagement général de la commune de Waldbillig, et déclarant non fondée la réclamation des demandeurs, ainsi que de la prédite décision du conseil communal du 21 octobre 2004 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Georges WEBER, en remplacement de l’huissier de justice Alex MERTZIG, tous les deux demeurant à Diekirch, du 5 mai 2006 portant signification de cette requête à l’administration communale de Waldbillig ;
Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 août 2006 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Waldbillig, notifiée le même jour au mandataire des époux …-… ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 25 septembre 2006 au greffe du tribunal administratif par le délégué du Gouvernement ;
Vu le mémoire en réponse déposé en date du 7 août 2006 par Maître Nicolas DECKER, au nom de l’administration communale de Waldbillig, notifié le même jour au mandataire des époux …-… ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 octobre 2006 par Maître Marco NOSBUSCH au nom des époux …-… , notifié le même jour au mandataire de l’administration communale de Waldbillig ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 novembre 2006 par le mandataire de l’administration communale de WALDBILLIG, notifié le même jour au mandataire des époux …-… ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Eric HUTTERT, en remplacement de Maître Marco NOSBUSCH, Maître Nicolas DECKER et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 décembre 2006.
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En date du 24 juin 2004, la commission d'aménagement étatique, saisie par l’administration communale de Waldbillig d’un projet d’aménagement général, rendit son avis afférent.
Le conseil communal de Waldbillig décida d'approuver provisoirement ledit projet d'aménagement général en sa séance du 9 juillet 2004.
Suite à l’enquête publique organisée par l’administration communale de Waldbillig du 20 juillet au 19 août 2006 inclus, au cours de laquelle les époux Yves et Lou …-…, ci-après « les époux … », introduisirent une réclamation écrite datée du 12 août 2004, le collège des bourgmestre et échevins entendit les divers opposants, en date du 21 octobre 2004 et le conseil communal approuva définitivement le projet d'aménagement général en question.
Par courrier du 9 novembre 2004, les époux … introduisirent une réclamation à l’encontre de la prédite approbation définitive auprès du ministre de l’Intérieur.
Le 18 janvier 2006, le ministre de l'Intérieur, après avoir recueilli la prise de position du conseil communal du 18 janvier 2005 et l’avis afférent de la commission d’aménagement du 23 mars 2005, approuva la décision du conseil communal de Waldbillig du 21 octobre 2004 portant adoption définitive du projet d'aménagement général et rejeta notamment la réclamation présentée par les époux … pour être non fondée.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 avril 2006, les époux … ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la prédite décision du ministre de l’Intérieur du 18 janvier 2006 ainsi que de la prédite décision du conseil communal de Waldbillig du 21 octobre 2004.
Ils exposent, à l’appui de leur recours, être propriétaires de terrains portant 1es numéros cadastraux 423/4349, 418 et 430/4098 sis à Waldbillig, commune de Waldbillig, classés sous l'ancien plan d'aménagement général de cette commune en zone d'habitat à caractère rural en ce qui concerne une partie de la parcelle 423/4349 et les parcelles n° 418 et n° 430/4098, en zone d'aménagement différé en ce qui concerne une partie de la parcelle n° 423/4349, et en zone réservée en ce qui concerne la dernière partie de la parcelle n° 423/4349.
Ils affirment que suite au vote provisoire du projet d’aménagement général révisé leurs terrains auraient été reclassés en zone d'habitation soumise à un alignement à respecter en ce qui concerne une partie de la parcelle n° 423/4349, en zone d' habitation en ce qui concerne les parcelles n° 430/4098 et n° 418, et quant au reste de la parcelle 423/4349, en partie en « zone blanche » et en partie en zone réservée d'aménagement public.
Ils expliquent encore avoir réclamé – en vain – tant auprès du collège des bourgmestre et échevins que du ministre afin d’obtenir le classement intégral de leur propriété en zone d’habitation.
Enfin, ils estiment qu’il y aurait une contradiction entre la partie écrite du plan d’aménagement général, ci-après « PAG », approuvé et sa partie écrite « telle que exprimée par la décision du ministre de l'Intérieur », alors que si la commune par courrier du 10 novembre 2004 mentionnerait que les parcelles 430/4098 et 418 avec leurs constructions s'y trouvant seraient classées zone d'aménagement différé « alignement à respecter », il s'avèrerait que sur la partie graphique ces parcelles seraient classées en zone d'habitation « alignement à respecter ».
Les demandeurs concluent dès lors en droit à une violation de l'article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant les villes et autres agglomérations importantes et reprochent au conseil communal d’avoir procédé à un reclassement de leurs terrains après le vote provisoire, et ce sans que cette modification ne soit justifiée par une réclamation.
Ils se basent pour ce faire sur le constat que leurs terrains jusqu'alors classés pour au moins une partie zone d'habitation, ont été classés suite au vote définitif en zone d'aménagement différé, et ce alors qu’ils avaient au contraire demandé à ce que toutes leurs parcelles soient classées en zone d'habitation.
Les demandeurs soulignent que de ce fait ils n’auraient non seulement pas obtenu gain de cause, mais que suite à leur réclamation, leur situation se serait encore détériorée et leurs droits patrimoniaux auraient diminué alors qu’une partie de leurs terrains qui n'était pas visée par la réclamation aurait néanmoins fait l'objet d'un reclassement défavorable.
Dès lors, ils demandent au tribunal d’annuler « le reclassement de la parcelle n° 423/4399 en ce que celle-ci, qui a été classée en partie zone d'habitation, zone blanche et zone d'aménagement public après le vote provisoire, a été reclassée entièrement zone d'aménagement différé malgré la réclamation des requérants qui demandaient un classement de l'entièreté de cette parcelle en zone d'habitation « alignement à respecter » et ceci en l'absence d'autre réclamation portant sur ladite parcelle » ainsi que « le reclassement des parcelles n° 418 et 430/4098 qui étaient, après le vote provisoire du PAG de la commune, classées en zone d'habitation et qui après le vote définitif du même PAG furent classées zone d'aménagement différé « alignement à respecter » sans qu'une réclamation telle que prévue par la loi et en relation avec lesdits terrains était intervenue ».
Les époux … reprochent encore au conseil communal et au ministre de s’être rendus coupables d’une violation du principe d'égalité devant les charges publiques, étant donné que « toutes les propriétés avoisinantes à leurs terrains portant les numéros 423/4349 et 418 et 430/4098 sont classées en zone d'habitation », seules leurs propriétés étant soumises à des servitudes dans l'intérêt général. Ils considèrent dès lors que ces reclassements ne respecteraient pas le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques tel que consacré par l’article 10 bis de la Constitution.
Enfin, ils font plaider que le reclassement litigieux n’aurait pas été « opéré pour des motifs d'intérêt général que tout urbanisme cohérent commande et qui sont exprimés dans la loi du 21 mai 1999 concernant l'aménagement du territoire, mais pour des motifs étrangers à cette finalité, vu le caractère arbitraire et discriminatoire du reclassement », de sorte à devoir encourir l’annulation.
L’administration communale de Waldbillig, ci-après « la commune », pour sa part, soulève de prime abord l’irrecevabilité du recours subsidiaire en réformation et, en ce qui concerne le recours principal en annulation, le défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs, au motif que si une partie de la parcelle n° 423/4349 était classée sous l’empire de l’ancien PAG en « zone blanche », son classement actuel en « zone d’aménagement différé » permettrait aux demandeurs de rendre cette partie constructible moyennant l’établissement d’un plan d’aménagement particulier, ci-après « PAP », de sorte que le classement opéré par les décisions déférées n’entraînerait aucun préjudice dans leur chef.
Quant au fond, la commune donne à considérer que la parcelle litigieuse 423/4349 se trouvait sous l'empire de l'ancien PAG partiellement en zone blanche, c'est-à-dire en dehors du périmètre d'agglomération et que lors de l'approbation provisoire du nouveau PAG en date du 9 juillet 2004 la parcelle en question était restée classée « zone blanche».
Elle explique que suite à la réclamation des demandeurs, le conseil communal, tout en refusant de classer la parcelle litigieuse en « zone d'habitation » l'aurait néanmoins classée le 21 octobre 2004 en « zone d'aménagement différé » permettant ainsi aux demandeurs de réaliser ultérieurement un PAP. Elle justifie ce reclassement en « zone d’aménagement différé » par le fait que cette parcelle ne disposerait pas d’accès direct à la voirie et que le règlement sur les bâtisses interdirait les constructions en seconde position, de sorte qu l’établissement d’un PAP serait la seule possibilité pour rendre ce terrain constructible.
Quant aux parcelles n° 430/4098 et n° 418, elle souligne que si ces parcelles étaient renseignées dans la partie graphique du PAG tel qu’approuvé provisoirement comme étant classées en «zone d'habitation, alignement à respecter», le vote définitif du 21 octobre 2004 n'aurait rien changé à cet état des choses. Elle explique encore que la mention « alignement à respecter» découlerait de l'article B.2.5. du règlement sur les bâtisses selon lequel « une construction nouvelle érigée en remplacement d'une construction ancienne désignée comme alignement à respecter doit respecter l'alignement avant de la construction à laquelle elle se substitue. » En ce qui concerne la violation alléguée du principe de l'égalité devant les charges publiques, la commune relève que les parcelles n° 418 et n° 430/4098 seraient classées comme toutes les propriétés avoisinantes en «zone d'habitation », tandis que l'article B.2.5. précité du règlement sur les bâtisses serait applicable à toutes les propriétés, de sorte qu’il n’y aurait pas de traitement discriminatoire aux dépens des époux ….
L’Etat reprend en substance les moyens de la commune, en soulignant que les époux … confondraient la « zone blanche », qui équivaudrait à la zone verte, avec la zone d'aménagement différé. Il souligne encore que la parcelle des demandeurs portant actuellement le numéro cadastral 423/4349 portait sous l'empire de l'ancien PAG le numéro cadastral 422/3407.
Le délégué du Gouvernement constate à ce sujet qu'une grande partie de la parcelle n° 423/4349 se trouvait classée en zone verte avant l'adoption définitive du nouveau PAG.
En ce qui concerne le classement en zone d'aménagement différé, le délégué du Gouvernement rappelle que ce classement s’imposerait du fait qu'au vu de l'ampleur de la parcelle et de sa situation il aurait été nécessaire de permettre aux autorités communales de pouvoir diriger efficacement le développement urbain des différentes localités de la commune de Waldbillig, d'autant plus que la parcelle avoisinante est classée en zone de réserve. Il relève que ce classement garantirait de surcroît une implantation des futures constructions selon les règles de l'art dans le cadre d'un PAP de même que leur accès à la voie existante, la parcelle en question n’ayant en effet aucun accès direct à la voirie existante.
Les époux … entendent résister à ces moyens en relevant qu’il existerait des contradictions concernant le classement des différentes parties de la parcelle n° 423/4349 sous l'empire des PAG successifs.
Ils affirment qu’il serait un fait que ce terrain, qui soit porterait le n° 423/4349 soit le n° 422/3407, était sous l'empire de l'ancien PAG classé en partie en zone d'habitation et en partie hors périmètre, restait sous l'empire du nouveau PAG adopté provisoirement classé de la même façon, mais aurait reclassé dans le PAG adopté définitivement entièrement zone d'aménagement différé, et ce en l'absence d'une réclamation afférente entre l'adoption provisoire et l'adoption définitive du PAG.
Ils estiment qu'en conformité avec la loi du 12 juin 1937 précitée, la commune aurait dû classer la deuxième partie de cette parcelle en zone d'aménagement différé ou la laisser en zone non constructible si elle ne voulait pas suivre la réclamation des requérants, mais qu’elle n'aurait pas eu le droit de reclasser la première partie qui ne faisait pas l'objet de la réclamation dans une zone moins favorable pour les propriétaires.
Ils soulignent que le reclassement de terrains situés en zone d' habitation en zone d'aménagement différé constituerait une limitation importante de leur droit de propriété, alors que si auparavant ils pouvaient y construire moyennement simple demande en autorisation de construire, ils devraient actuellement procéder par la voie d’un PAP, « procédure longue, coûteuse et souvent aléatoire », dépendant de surcroît d’une décision de la commune reconnaissant la nécessité de lotir ce terrain.
Ils contestent encore ne pas avoir d’accès direct à la voirie existante, et expliquent que la parcelle en question serait séparée de la chaussée par un parking public de sorte qu'ils auraient de facto un accès à la propriété publique. La commune de son côté réfute cette affirmation au motif que la propriété des époux … se trouverait séparée de la voie publique par le parking aménagé par la commune, de sorte qu’ils ne disposeraient pas d'accès à la voirie, un parking public ne pouvant être considéré comme un passage sur un terrain privé.
Si les demandeurs prennent acte des explications de la commune et de l’Etat suivant lesquelles les parcelles n° 418 et 430/4098 seraient classées en zone d'habitation, ils estiment cependant, pour leur part, qu’il résulterait de la décision déférée que toutes ces parcelles seraient classées en zone d'aménagement différé.
Ils reprochent de ce fait à la décision ministérielle ne pas être claire, de sorte qu’il conviendrait de la renvoyer au ministre « afin que celui-ci procède à la rectification de son arrêté ».
Enfin, quant à la question de la rupture de l’égalité devant les charges publiques, ils réitèrent leurs moyens présentés dans leur requête introductive d’instance.
Quant à la recevabilité :
Le recours tel que déposé par les époux … tend principalement à l’annulation des décisions déférées, et subsidiairement à leur réformation. S’agissant cependant d’un recours contre des actes administratifs à caractère réglementaire, à savoir des décisions portant respectivement adoption et approbation d’un PAG, le recours en réformation subsidiaire n’est pas admissible, alors qu’aux termes de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif tel que modifié par l’article 61, 1° de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, seul un recours en annulation est ouvert à l’encontre d’actes administratifs à caractère réglementaire.
Le recours principal en annulation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable dans cette mesure.
En ce qui concerne le défaut d’intérêt soulevé par la commune, il y a lieu de rappeler que l’intérêt pour agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter (voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n° 247), l’intérêt à agir ne dépendant pas du sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours, dont l’analyse ne sera faite que dans le cadre de l’examen au fond.
En l’espèce, les demandeurs sont propriétaires de fonds qu’ils estiment avoir été reclassés de manière irrégulière et à leur imposer une affectation plus défavorable, de sorte à justifier d’un intérêt suffisant, indépendamment de la question du sérieux de leurs griefs.
Quant au fond :
Le litige sous rubrique porte sur le classement opéré par les décisions déférées de trois parcelles appartenant aux époux … et portant 1es numéros cadastraux 423/4349, 418 et 430/4098.
Il résulte des pièces versées en cause, et plus particulièrement des parties graphiques successives, ainsi que des développements des parties, que ces parcelles ont, chronologiquement, été classées comme suit :
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Parcelle n° 423/4349 :
Sous l’empire de l’ancien PAG, cette parcelle était pour partie classée en « zone d’habitat à caractère rural », pour partie en « zone réservée » et pour partie en-dehors du périmètre d’agglomération.
Par délibération du 9 juillet 2004 portant approbation provisoire du PAG révisé, la parcelle a été reclassée en partie en « zone d’habitation », les immeubles s’y trouvant étant soumis à la disposition « alignement à respecter », en partie en-dehors du périmètre d’agglomération et en partie en « zone réservée ».
Enfin, par vote définitif du 21 octobre 2004, approuvé par l’autorité de tutelle en date du 18 janvier 2006, l’ensemble de la parcelle a été reclassée en « zone d’aménagement différé » soumise à l’obligation d’établir un PAP, les immeubles s’y trouvant restant soumis à la disposition « alignement à respecter ».
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Parcelles n° 418 et 430/4098 :
Si sous l’ancien PAG, les deux parcelles étaient classées en « zone d’habitat à caractère rural », le vote provisoire du 9 juillet 2004 les a reclassées en « zone d’habitation ».
Le vote définitif du 21 octobre 2004 tel qu’approuvé par le ministre a maintenu ce classement, en soumettant toutefois les immeubles y figurant à la disposition « alignement à respecter ».
En ce qui concerne la parcelle n° 423/4349, il est dès lors constant en cause que celle-ci se trouvait tant sous l’empire de l’ancien PAG que sous l’empire du PAG voté provisoirement classée en partie en zone affectée à l’habitation – la partie y affectée suite au vote provisoire correspondant environ à la moitié de ladite parcelle et que, suite au vote définitif tel qu’approuvé par l’autorité de tutelle, elle se retrouve classée intégralement en « zone d’aménagement différé ».
Il résulte encore de l’article A.1.2. du règlement sur les bâtisses communal versé aux débats que les « zones d’aménagement différé » « sont les parties du territoire communal situes à l’intérieur du périmètre d’agglomération temporairement interdites à toute construction et à tout aménagement. Elles constituent des réserves dont l’affectation et les règles d’utilisation sont décidées en cas de nécessité préalablement reconnue par le conseil communal. (…) Avant toute construction, ces zones font l’objet de projets d’aménagement particuliers (plans de lotissement) ».
Il s’ensuit que là où la parcelle en question était précédemment a priori directement constructible –sous réserve évidemment des règles urbanistiques applicables, le classement opéré par le vote définitif tel qu’approuvé par l’autorité de tutelle a soumis ladite parcelle à une servitude non aedificandi à durée indéterminée. S’il est vrai que le caractère non aedificandi est tempéré par le fait qu’il n’est que temporaire, et peut être levé par le conseil communal « en cas de nécessité reconnue », une telle possibilité, dépourvue de tout critère précis ou de condition déterminée permettant aux propriétaires de vérifier le cas échéant le bien-fondé d’un refus du conseil communal, s’apparente cependant à un pouvoir discrétionnaire du conseil communal.
Le tribunal constate que ce caractère non aedificandi se double en l’espèce de l’obligation de procéder à un PAP, dont l’adoption repose là encore sur des décisions largement discrétionnaires - ou du moins d’opportunité politique - du conseil communal, de sorte que la constructibilité de ladite parcelle doit actuellement être considérée comme largement hypothétique.
Si les demandeurs estiment que ce reclassement a été effectué en violation de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant les villes et autres agglomérations importantes, tant la commune que le délégué du Gouvernement affirment que ledit reclassement serait la « suite directe » d’une objection des demandeurs, les deux parties défenderesses estimant de surcroît que le reclassement litigieux se justifierait urbanistiquement par la situation et la configuration de la parcelle en question.
Aux termes de l’article 9 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1937, « (…) les objections contre les plans doivent être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins, à peine de forclusion. Après l'expiration du délai le collège entendra les opposants en vue de l'aplanissement des difficultés. Le résultat de cette mesure, avec toutes les pièces et, éventuellement, avec les plans modifiés, est soumis au conseil communal qui y décide, sous l'approbation du ministre de l’Intérieur ».
Lors de ce vote définitif, le conseil communal ne peut adopter que les seules modifications proposées par le collège échevinal suite à des réclamations lui adressées par des administrés lors de la publication suivant l’adoption provisoire du projet.
Toute autre modification opérée au projet lors de cette phase de la procédure d’approbation nécessite une nouvelle consultation de la commission d’aménagement, suite à l’avis de laquelle ladite procédure devrait être reprise ab initio.
En effet, si le conseil communal veut modifier le projet lui présenté en d'autres points que ceux qui ont fait l'objet de réclamations, il doit d'abord soumettre ces propositions à l'avis de la commission. En effet, le plan d'aménagement général constitue un ensemble qui doit rester cohérent et harmonieux. Il importe donc de veiller à ce que toute modification proposée à ce projet passe par toutes les instances participant à la procédure afin de leur permettre de se prononcer en pleine connaissance de cause sur tous les éléments du projet ; toute modification spontanée à un stade avancé de la procédure – tel qu’en l’espèce après le vote provisoire et l’enquête publique, aurait par ailleurs pour effet de court-circuiter la commission d’aménagement étatique et de priver les propriétaires et tiers intéressés de faire valoir leurs observations par devant le collège échevinal.
En l’espèce, si le reclassement opéré s’entend comme réponse à la réclamation introduite par les époux …, il échet cependant de retenir que si le reclassement tient effectivement compte de cette réclamation dans la mesure où il a intégré une partie de la parcelle n° 423/4349 à l’intérieur du périmètre en lui allouant une constructibilité potentielle, il n’en est pas de même en ce qui concerne l’autre partie de cette parcelle, initialement directement constructible, qui s’est vue retirer cette constructibilité effective en échange d’une constructibilité théorique et, comme relevé ci-avant, dépendant de faits largement hypothétiques et aléatoires.
Le conseil communal, ce faisant, n’a pas rencontré la réclamation des époux …, mais a procédé à un reclassement de cette partie contraire aux doléances des réclamants.
S’il est évident que le conseil communal n’est pas tenu de faire systématiquement droit aux réclamations d’opposants, étant donné qu’il lui aurait été loisible de rejeter la réclamation et de maintenir le classement tel que se présentant lors du vote provisoire, il ne saurait en revanche dénaturer une réclamation pour imposer une autre affectation, encore que celle-ci paraisse utile voire nécessaire du point de vue urbanistique. Les développements de la commune et de l’Etat relatifs à l’utilité d’un PAP afin de lotir la parcelle n° 423/4349 ne sont à ce sujet pas pertinents ; en effet, si le tribunal peut aisément accepter que compte tenu de la superficie et de la localisation de la parcelle n° 423/4349 l’établissement d’un PAP couvrant l’intégralité de cette surface soit nécessaire, cette nécessité, actuellement défendue par la commune et l’Etat, aurait cependant exigée qu’elle soit prévue dès l’élaboration du PAG révisé, ou, à tout le moins, intégrée dans le PAG dans le cadre du vote provisoire sur avis de la commission d’aménagement étatique, chargée de conseiller la commune et d’aviser le projet de PAG révisé lui soumis.
Le tribunal ne saurait dès lors que constater que le conseil communal, en incluant au niveau du vote définitif des modifications non justifiées par des réclamations considérées comme fondées, a violé l’article 9 précité.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne les parcelles n° 418 et 430/4098 qui se trouvent affectées par le vote définitif du 21 octobre 2004 tel qu’approuvé par le ministre de la disposition « alignement à respecter ».
Là encore, le tribunal n’entend pas mettre en cause l’utilité de cette disposition, qui vise à préserver l’alignement ayant existé en cas de construction érigée en remplacement d’une construction démolie, mais constate que cette disposition a été intégrée dans le PAG à un stade avancé de la procédure, à savoir lors du vote définitif, et ce sans que cette modification ne puisse être considérée comme répondant à une réclamation considérée comme fondée.
Il en résulte que les décisions déférées encourent l’annulation pour violation de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations.
Au vu de l’objet assigné au recours par les demandeurs et de l’annulation encourue par les décisions déférées, l’analyse des autres moyens proposés par les demandeurs devient surabondante, y compris de celui ayant trait à la légalité des reclassements opérés au vu de l’article 10bis de la Constitution.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en annulation en la forme ;
au fond le dit justifié ;
partant annule la décision du ministre de l’Intérieur du 18 janvier 2006 approuvant la décision du conseil communal de Waldbillig du 21 octobre 2004, portant adoption définitive du plan d’aménagement général de la commune de Waldbillig, et déclarant non fondée la réclamation des demandeurs, ainsi que de la prédite décision du conseil communal du 21 octobre 2004 ;
déclare le recours subsidiaire en réformation irrecevable ;
condamne l’administration communale de Waldbillig et l’Etat in solidum aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 décembre 2006 par :
Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
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