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11/12/2006 | LUXEMBOURG | N°21830

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 décembre 2006, 21830


Tribunal administratif N° 21830 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 août 2006 Audience publique du 11 décembre 2006 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21830 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 août 2006 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tabl

eau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbi...

Tribunal administratif N° 21830 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 août 2006 Audience publique du 11 décembre 2006 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21830 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 août 2006 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbie), de son épouse, Madame …, née le … , et de leurs enfants mineurs … , tous de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à L- …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 19 avril 2006 leur refusant une autorisation de séjour pour le Grand-Duché de Luxembourg, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 29 juin 2006 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2006 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom des demandeurs le 9 octobre 2006 au greffe du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 décembre 2006.

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Monsieur …, accompagné de son épouse et de son fils mineur Emir, introduisit en date du 22 novembre 2001 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, demande qui fut rejetée par décision du ministre de la Justice du 15 mai 2002.

Leur demande en obtention du statut de réfugié politique fût définitivement rejetée par arrêt de la Cour administrative du 3 juillet 2003, numéro 16346C du rôle.

Par courrier du 25 janvier 2005 à l’adresse du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, la famille … formula, par l’intermédiaire de son conseil juridique, une demande tendant à l’obtention du statut de tolérance, respectivement d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, demande qui fut rejetée par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration par décision du 2 février 2005, confirmée suite à un recours gracieux par une décision du 24 mai 2005.

Un recours introduit contre ces décisions fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 14 novembre 2005, n° 20183 du rôle.

En date du 13 mars 2006 le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration accorda à la famille … une tolérance provisoire jusqu’au 15 mars 2007, compte tenu du fait que l’enfant mineur … serait atteint d’une maladie d’une gravité exceptionnelle.

Par courrier du 12 avril 2006 à l’adresse du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, la famille … formula, par l’intermédiaire de son conseil juridique, une demande en obtention « d’une autorisation de séjour définitive sur base de raisons humanitaires », aux motifs que l’enfant mineur … souffrirait d’une pathologie grave, à savoir de la tétralogie de Fallot.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa en date du 19 avril 2006 le mandataire de la famille … que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre courrier du 12 avril 2006 dans lequel vous sollicitez une autorisation de séjour provisoire pour raisons humanitaires pour le compte de vos mandants.

Je suis toutefois au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande. En effet, selon l'article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1 ° l'entrée et le séjour des étrangers; 2° le contrôle médical des étrangers;

3° l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, la délivrance d'une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d'existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l'étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l'aide ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s'engager à lui faire parvenir.

Vos mandants ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par ailleurs, veuillez noter qu'une première autorisation de séjour provisoire pour raisons humanitaires a été refusée par décision du 2 février 2005, décision qui fut confirmée par le Tribunal administratif en date du 14 novembre 2005.

Une évaluation de la situation de vos mandants sera faite dans un an. (…) » Suite à un recours gracieux formulé par le mandataire de la famille … suivant courrier du 21 juin 2006 à l’encontre de la décision ministérielle précitée, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma le 29 juin 2006, à défaut d’éléments pertinents nouveaux, sa décision initiale du 19 avril 2006.

Le 14 août 2006, la famille … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre des décisions de refus précitées, en faisant en substance plaider que l’état de santé de l’enfant …, atteinte de la tétralogie de Fallot, à savoir de malformations cardiaques congénitales, nécessiterait un suivi médical de haut niveau qui n’existerait pas dans son pays d’origine. Elle souligne encore qu’un retour au pays d’origine exposerait ses différents membres à des risques sécuritaires, étant donné qu’ils appartiendraient à la minorité ethnique des Goranais.

Le délégué du Gouvernement conclut de prime abord à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt, étant donné que les demandeurs bénéficieraient d’un statut de tolérance valable jusqu’au 15 mars 2007 et qu’ils bénéficieraient des mêmes droits et aides que des demandeurs d’asile, ce qui ne serait pas le cas s’ils devaient bénéficier d’une autorisation de séjour.

Il soulève encore l’irrecevabilité du recours du fait qu’il y aurait autorité de chose jugée, le tribunal ayant d’ores et déjà rejeté un recours ne matière d’autorisation de séjour.

Force est au tribunal de constater que les demandeurs n’ont pas, par l’intermédiaire de leur avocat, pris position par rapport à ces moyens d’irrecevabilité.

En ce qui concerne la question de l’intérêt à agir des demandeurs, il y a lieu de relever que s’ils sont actuellement effectivement bénéficiaires d’un statut de tolérance sur base de l’article 13 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, le statut de tolérance constitue par définition une mesure temporaire, destinée à prendre fin en même temps que les circonstances de fait empêchant le rapatriement du demandeur d’asile débouté auront cessé.

Les demandeurs ont dès lors manifestement intérêt à vouloir atteindre par le biais de l’obtention d’une autorisation de séjour, objet du présent recours, une situation stable et moins précaire, encore que le bénéfice d’une telle autorisation entraîne la perte de certains avantages matériels et sociaux.

Quant au moyen relatif à l’autorité de chose jugée, le tribunal rappelle qu’elle n’a lieu, aux termes de l’article 1351 du Code civil, qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, étant entendu qu’il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l’espèce, si le recours dont se trouve actuellement saisi le tribunal a certes pour but l’obtention d’une autorisation de séjour, à l’instar du recours définitivement tranché par le jugement du 14 novembre 2005, son objet est différent, en ce sens qu’il s’agit en la présente espèce d’un refus ministériel du 19 avril 2006, refusant de tenir compte de l’état de santé de l’enfant …, tandis que la décision avalisée par le tribunal par son jugement du 14 novembre 2005 avait pour objet une décision ministérielle du 2 février 2005 refusant d’accorder une autorisation de séjour sur base de la situation générale de la famille ….

Le jugement du 14 novembre 2005 ne revêt dès lors pas l’autorité de chose jugée au sens de l’article 1351 du Code civil par rapport au présent litige.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être déposé contre les décisions ministérielles déférées.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

En l’espèce, le tribunal est saisi d’une décision ayant refusé à la famille … une autorisation de séjour.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourrant être refusées à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » Force est au tribunal de constater que la décision litigieuse est fondée sur le fait non utilement contesté en cause que la famille … ne dispose pas de moyens d’existence personnels, de sorte que le ministre a valablement pu lui refuser l’autorisation de séjour en se fondant sur le prédit motif.

En ce qui concerne les raisons, qualifiées d’humanitaires, et avancées par la famille … aux fins de justifier l’obtention de l’autorisation de séjour sollicitée, il y a lieu de constater qu’aucun texte légal ne comporte de disposition imposant, voire prévoyant l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires. En revanche, de telles raisons humanitaires sont susceptibles d’être prises en compte dans le cadre du statut de tolérance tel que prévu par l’article 13 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996, ce qui a manifestement été fait par le ministre qui a accordé aux demandeurs un tel statut.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée dans la mesure où la famille … reste en défaut de formuler utilement un quelconque moyen de légalité, voire seulement d’invoquer une quelconque base légale susceptible d’étayer ses prétentions.

Partant, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 décembre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 21830
Date de la décision : 11/12/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-12-11;21830 ?

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