Tribunal administratif N° 21507 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2006 Audience publique du 6 décembre 2006 Recours formé par Monsieur …, … , contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 21507 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2006 par Maître Aurore GIGOT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, sans état, né le … (Kosovo), demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 mars 2006, confirmée sur recours gracieux le 26 avril 2006, lui refusant une autorisation de séjour pour raisons humanitaires ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2006 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Aurore GIGOT et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 décembre 2006.
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Après avoir été définitivement débouté de sa demande d’asile présentée au Grand-
Duché de Luxembourg suite d’un arrêt rend par la Cour administrative en date du 9 février 2006, n° 20710C du rôle, Monsieur … s’adressa au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration par courrier du 7 mars 2006 pour solliciter l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.
A l’appui de cette demande il avança les motifs suivants :
« Monsieur … était membre du parti LDK dans son pays d’origine.
Il n’était pas un simple membre, mais un membre actif car il était président de la section « jeunes » du parti LDK, section très active de ce parti.
Monsieur … a subit de nombreuses menaces du fait de ce statut de membre actif.
De plus, malgré la victoire du parti LDK aux dernières élections, les attaques contre ses membres continuent à se produire.
Un attentat contre le président du parti s’était d’ailleurs produit.
Ces attaques démontrent dès lors que les autorités locales sont totalement incapables d’assurer la protection des membres du parti LDK, et donc de Monsieur ….
Les risques de persécution à l’encontre de Monsieur … en cas de retour dans son pays d’origine et l’incapacité des autorités locales à assurer la protection des membres du parti LDK, et donc de Monsieur …, sont établis à suffisance par les pièces versées en annexe.
Je vous remercie dès lors de bien vouloir faire droit à sa demande et de lui accorder une autorisation de séjour pour raison humanitaire ».
Cette demande fut rejetée par décision du ministre du 13 mars 2006 au motif que l’intéressé ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers et qu’il ne ferait pas non plus état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.
Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 11 avril 2006 à l’encontre de cette décision du 13 mars 2006 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 26 avril 2006, il a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2006, un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des dites décisions ministérielles des 13 mars et 26 avril 2006.
Tel que relevé à juste titre par le délégué du Gouvernement, le tribunal n’est pas compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière, de sorte qu’il ne saurait utilement connaître du recours principal en réformation introduit. Le recours subsidiaire en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, Monsieur … réexpose les arguments avancés à l’appui de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour en insistant sur l’existence d’un risque de persécution dans son chef en cas de retour dans son pays d’origine, ainsi que sur l’incapacité des autorités locales à assurer la protection des membres du parti LDK.
Le délégué du Gouvernement rétorque que l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires serait une question de pure opportunité qui devrait échapper au contrôle de légalité à effectuer par le tribunal dans le cadre du présent litige. Il relève par ailleurs que les raisons humanitaires invoquées par Monsieur … auraient toutes étaient examinées dans le cadre du recours contentieux par lui introduit à l’encontre de la décision de refus d’octroi du statut de réfugié.
Le tribunal tient de prime abord à rappeler qu’il statue dans la présente matière en tant que juge de l’annulation. Or, dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal statue par rapport à la décision administrative lui déférée sur base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq chefs d’annulation énumérés à l'article 2 alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de sorte que son pouvoir de contrôle est essentiellement limité dans la mesure des griefs invoqués. En d’autres termes, l’examen auquel le tribunal doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par la partie demanderesse pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré ; par contre, son rôle ne consiste pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation de la partie demanderesse.
Il ne suffit dès lors pas de contester la conclusion d’une décision administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier administratif et en invoquant – vaguement – quelques données de fait, mais il appartient au requérant d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 précitée tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation.
En l’espèce, le tribunal est saisi d’une décision ayant refusé à Monsieur … une autorisation de séjour.
Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger :
- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » Force est au tribunal de constater que la décision litigieuse est fondée sur le fait non utilement contesté en cause que Monsieur … ne dispose pas de moyens d’existence personnels, de sorte que le ministre a valablement pu lui refuser l’autorisation de séjour en se fondant sur le prédit motif. En ce qui concerne les raisons qualifiées d’humanitaires avancées par Monsieur … aux fins de justifier l’obtention de l’autorisation de séjour sollicitée, il y a lieu de constater, au-delà du fait que l’intéressé reste en défaut d’invoquer une quelconque base légale afférente, qu’aucun texte légal ne comporte de disposition imposant, voire prévoyant l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.
Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée dans la mesure où Monsieur … reste en défaut de formuler utilement un quelconque moyen de légalité, voire seulement d’invoquer une quelconque base légale susceptible d’étayer ses prétentions.
Partant, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 décembre 2006 par :
Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert 4