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04/12/2006 | LUXEMBOURG | N°21670

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 décembre 2006, 21670


Tribunal administratif Numéro 21670 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 juillet 2006 Audience publique du 4 décembre 2006 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21670 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2006 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Delta State/Niger

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Tribunal administratif Numéro 21670 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 juillet 2006 Audience publique du 4 décembre 2006 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21670 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2006 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Delta State/Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 26 avril 2006 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 14 juin 2006 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 août 2006 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2006 par Maître Nicky STOFFEL ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, en présence de Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL et de Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES qui se sont toutes les deux rapportées à leurs écrits respectifs à l’audience publique du 27 novembre 2006.

Monsieur … introduisit en date du 28 septembre 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 28 octobre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … par décision du 26 avril 2006, lui envoyée par courrier recommandé expédié en date du 3 mai 2006, qu’il ne saurait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève au motif qu’aucune des raisons invoquées à l’appui de sa demande ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le 29 mai 2006, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision antérieure par une décision prise en date du 14 juin 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2006, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus des 26 avril et 14 juin 2006.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours introduit. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Monsieur … explique tout d’abord quant aux contradictions et invraisemblances soulevées par le ministre dans sa décision qu’il aurait été très nerveux lors de son interrogatoire. L’importance et l’ambiance formelle de l’interrogatoire l’auraient soumis à une pression qu’il n’aurait plus pu surmonter et cela l’aurait rendu distrait pour finalement donner lieu à de petites confusions dans ses réponses. Quant au fond, Monsieur … soutient qu’il appartiendrait à l’ethnie des « Urhobo » et qu’il aurait peur de se faire tuer par les membres appartenant à l’ethnie des « Itsekiri », lesquels essaieraient de s’approprier des terres riches en pétrole appartenant au requérant et à sa famille. Il continue qu’un jour sa mère et sa soeur auraient été tuées et leur maison aurait été incendiée. Le requérant aurait eu la chance d’être absent ce jour là et son épouse aurait réussi à s’enfuir avec leurs deux enfants à Kano. Depuis ce jour là, les « Itsekiris » seraient à sa recherche, de sorte qu’il aurait dû quitter le pays afin de préserver sa vie. Il ajoute que les deux ethnies, à savoir les « Urhobo » et les « Itzekiri » se livreraient des combats cruels pour l’obtention des terres riches en pétrole. Enfin, il ajoute que la situation générale au Nigeria serait inquiétante, tel qu’il ressortirait notamment du rapport d’Amnesty International de 2006.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les persécutions invoquées par le demandeur de la part de membres d’une ethnie, même abstraction faite des incohérences et invraisemblances soulevées par le ministre, n’émanent pas de l’Etat, mais d’éléments groupés de la population lesquels ne sauraient en tant que tels être considérés comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains éléments de la population, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut de démontrer concrètement que les autorités en place encourageraient, voire toléreraient de tels actes. A cela s’ajoute que Monsieur … ne s’est même pas adressé aux autorités afin de demander leur protection.

Il convient de relever en outre que les conflits invoqués par le demandeur entre Itsekiri et Urhobo sont limités au territoire du Delta State et que le demandeur aurait pu trouver refuge dans une autre partie de son pays d’origine, étant donné que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (cf. trib. adm 10 janvier 2001, n° 12240 du rôle, Pas. adm. 2005, V° Etrangers, n° 62 et autres références y citées).

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugiés dans son chef.

Partant le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 décembre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 21670
Date de la décision : 04/12/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-12-04;21670 ?

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