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04/12/2006 | LUXEMBOURG | N°21582

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 décembre 2006, 21582


Tribunal administratif N° 21582 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2006 Audience publique du 4 décembre 2006 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21582 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2006 par Maître Claudia MONTI, mandat repris par Maître Arno RANZENBERGER, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le

… (Nigeria), de nationalité nigériane, actuellement détenu préventivement au Centre pén...

Tribunal administratif N° 21582 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2006 Audience publique du 4 décembre 2006 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21582 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2006 par Maître Claudia MONTI, mandat repris par Maître Arno RANZENBERGER, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigeria), de nationalité nigériane, actuellement détenu préventivement au Centre pénitentiaire à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 avril 2006 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 18 mai 2006 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 août 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, en présence Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES, qui s’est rapportée à ses écrits à l’audience publique du 27 novembre 2006.

Monsieur … introduisit en date du 15 février 2005 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 25 février 2006 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … par décision du 6 avril 2006, lui notifiée le 19 avril 2006, de ce qu’il ne saurait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève au motif qu’aucune des raisons invoquées à l’appui de sa demande ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le 18 mai 2006, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision antérieure par une décision prise en date du 23 mai 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2006, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus des 6 avril et 23 mai 2006.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

A l’appui de son recours Monsieur … explique d’abord que les contradictions et invraisemblances soulevées par le ministre auraient été dictées par la confusion et le trouble émotionnel.

Quant au fond, il fait valoir qu’il aurait dû quitter son pays suite à des affrontements sanglants entre des villages voisins ennemis et que les accords de paix signés entre les responsables ne seraient guère respectés par les particuliers qui continueraient à s’entretuer. Les autorités marqueraient de leur côté la plus grande indifférence face au danger de mort que court le sujet et la police resterait inerte face aux appels à l’aide de la population. En effet, lorsqu’il aurait réussi à trouver un poste de police pour signaler l’agression dont sa mère et lui-même auraient été victimes, la police aurait prétexté une incompétence territoriale. Il n’aurait pu que retourner chez lui pour enterrer sa mère décédée des suites de l’agression prémentionnée et pour sauver sa vie, il aurait dû fuir sa ferme sans que les meurtriers n’aient été responsabilisés pour leur crime.

Il estime que loin d’avoir fait état d’une crainte d’insécurité généralisée, il aurait fait état d’une peur bien individualisée pour sa propre vie, d’autant plus qu’il aurait été personnellement violenté. Dès lors, il serait inconcevable pour lui de retourner au Nigeria tant que la situation politique ne serait pas effectivement et durablement améliorée et tant que les tensions entre les populations ne seraient pas réellement contrôlées par les forces publiques. Il conclut qu’actuellement aucune garantie d’un retour à la sécurité et à la dignité ne lui serait assurée.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En l’espèce, les disputes entre les deux villages, à savoir celui d’Unueri et celui d’Aguleri, et les menaces d’un certain Monsieur … et de ses hommes, menaces afin de récupérer les terres du demandeur, sont à considérer comme émanant de certains éléments de la population et non des autorités en place. Or une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut de démontrer concrètement que les autorités en place encourageraient, voire toléreraient de tels actes.

En effet à la question : “Was the Government involved in that share?”, Monsieur … répond : “ It was just between the villages. The Government stopped the fight and helped us to calm the fight down”.

Il convient de relever en outre que les conflits invoqués par le demandeur sont limités à son propre village et qu’il aurait pu trouver refuge dans une autre partie dans son pays d’origine, étant donné que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (cf. trib. adm 10 janvier 2001, n° 12240 du rôle, Pas. adm. 2005, V° Etrangers, n° 62 et autres références y citées).

Partant le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 décembre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 21582
Date de la décision : 04/12/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-12-04;21582 ?

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