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09/11/2006 | LUXEMBOURG | N°22080

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 novembre 2006, 22080


Tribunal administratif Numéro 22080 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2006 Audience publique du 9 novembre 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22080 du rôle et déposée le 30 octobre 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité bissau-

guinéennes, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situ...

Tribunal administratif Numéro 22080 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2006 Audience publique du 9 novembre 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22080 du rôle et déposée le 30 octobre 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité bissau-guinéennes, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 octobre 2006 ordonnant la prorogation de son placement pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 novembre 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul RETER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 novembre 2006.

Le 23 mai 2006 Monsieur … introduisit une demande d’asile. Cette demande fut rejetée comme non fondée dans le cadre d’une procédure accélérée par décision du ministre des affaires étrangères et de l’Immigration du 19 juin 2006.

Le 17 septembre 2006, Monsieur … fut intercepté à Vianden par la Police grand-

ducale lors d’un contrôle d’identité et fut placé en rétention administrative au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig avec l’autorisation du procureur d’Etat.

Le lendemain, 18 septembre 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision de placement pour la durée d’un mois à l’encontre de Monsieur ….

Par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 octobre 2006, la rétention de Monsieur … fut prorogée pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision sur base des motifs et considérations suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 18 septembre 2006 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités bissau-

guinéennes ;

qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;» Par requête déposée le 30 octobre 2006 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle du 12 octobre 2006 portant prorogation de son placement.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre ladite décision. Ledit recours ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur … invoque en premier lieu que l’autorité administrative resterait en défaut d’établir l’existence, en l’espèce, d’une nécessité absolue justifiant la prise de la décision litigieuse, condition pourtant posée par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers. Il précise que la seule démarche concrète que les autorités luxembourgeoises auraient entreprise daterait du 20 septembre 2006. Il ajoute que le rejet de sa demande d’asile en date du 19 juin 2006 aurait dû entraîner immédiatement le déclenchement de la procédure préparant son éloignement du territoire, à savoir les démarches pour l’obtention d’un laissez-passer.

Enfin il estime que la mesure de placement constituerait une mesure disproportionnée, l’esprit de la loi du 28 mars 1972, ainsi que les travaux parlementaires étant à interpréter dans le sens que le pouvoir exécutif devrait mettre en place une structure spécifique et appropriée pour accueillir les personnes retenues dans l’attente de leur éloignement du pays. Il ajoute qu’il vivrait dans une situation de détention et que « les conditions psychiques de sa rétention nécessitent sa libération immédiate ».

Le délégué du Gouvernement expose les démarches entreprises et conclut pour le surplus au caractère non fondé du recours introduit.

En ce qui concerne l’absence de démarches suffisantes entreprises et par conséquent l’absence de « nécessité absolue » en résultant, pourtant nécessaire à la prorogation de la décision de placement, il appartient au tribunal d’analyser si le ministre a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rend la prorogation de la décision de placement inévitable.

En effet l’article 15, paragraphe 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Etant relevé qu’une mesure de rétention est indissociable de l’attente de l’exécution d’un éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois, il incombe à la partie défenderesse de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et est en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part.

Il résulte des pièces versées au dossier que les autorités luxembourgeoises compétentes ont contacté le 20 septembre 2006 l’ambassade de la République de Guinée-

Bissau à Bruxelles afin de se voir délivrer un laisser-passez pour le compte de Monsieur … et qu’un courrier de rappel fut expédié le 12 octobre 2006.

Au vu des diligences ainsi déployées, des démarches suffisantes ont été entreprises en vue d’un transfert rapide du demandeur vers son pays d’origine.

Pour le surplus le demandeur ne saurait reprocher aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir essayé de préparer son éloignement dès l’obtention de la décision négative quant à sa demande d’asile introduite, étant donné qu’il résulte des faits que des démarches ont été entreprises, démarches auxquelles Monsieur …, refusant toute collaboration, s’est opposé. En effet la décision du 19 juin 2006 rejetant sa demande d’asile précise qu’elle vaut ordre de quitter le territoire. Dès le 19 juin 2006, Monsieur … savait donc qu’il se trouvait en situation irrégulière au pays et qu’il lui incombait de le quitter. En plus Monsieur … a été convoqué par le Ministère de la Famille en vue d’un retour volontaire. Il ne s’est cependant pas présenté à ce rendez-vous. Enfin il résulte du rapport de police du 17 septembre 2006 que Monsieur … n’habite plus à l’adresse indiquée à Marnach et du rapport de police dressé en date du 28 septembre 2006 suite à la visite de l’intéressé au centre de rétention que celui-ci n’est pas d’accord d’être éloigné vers son pays d’origine et qu’il s’oppose de façon véhémente à l’éloignement envisagé.

En ce qui concerne enfin le dernier moyen soulevé ayant trait au caractère approprié du lieu de placement ainsi retenu par le ministre, il échet de constater que par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, le Gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 précitée, un Centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre compétent, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit Centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

En effet la seule affirmation que « les conditions psychiques de sa rétention nécessitent sa libération immédiate », à défaut d’un quelconque autre élément tangible permettant de conclure au caractère inapproprié dudit Centre de séjour par rapport à son cas spécifique, est insuffisante pour établir le caractère inapproprié du lieu de placement retenu en l’espèce.

Au vu de ce qui précède, le recours sous analyse n’est fondé dans aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 novembre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22080
Date de la décision : 09/11/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-11-09;22080 ?

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