Numéro 20995 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2006 Audience publique du 9 novembre 2006 Recours formé par les époux … et …, … contre - une délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg - une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 20995 du rôle, déposée le 8 février 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, sans état, et de son époux, Monsieur …, retraité, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une - délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 31 janvier 2005 portant adoption définitive du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg et du projet d’aménagement particulier concernant des fonds sis à Cessange au lieu-dit « am B. »;
- décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire du 11 octobre 2005 portant approbation de cette délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 31 janvier 2005;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 8 février 2006 portant signification de ce recours à -
l’administration communale de la Ville de Luxembourg, établie à Luxembourg, 42, place Guillaume, -
la société anonyme H. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, -
la société à responsabilité limitée B. s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2006;
Vu le mémoire en réponse déposé le 8 mai 2006 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ce mémoire ayant été communiqué par acte d’avocat à avocat du 5 mai 2006 aux mandataires des demandeurs, de la société anonyme H. S.A. et de la société à responsabilité limitée B. s.à r.l.;
Vu le mémoire en réponse déposé le 8 mai 2006 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la société anonyme H. S.A. et de la société à responsabilité limitée B. s.à r.l., ce mémoire ayant été communiqué par acte d’avocat à avocat du même jour aux mandataires des demandeurs et de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’au délégué du gouvernement;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2006 par Maître Gaston VOGEL pour compte des époux … et …, ce mémoire ayant été communiqué par acte d’avocat à avocat du même jour aux mandataires de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, de la société anonyme H. S.A. et de la société à responsabilité limitée B. s.à r.l.;
Vu le mémoire en duplique déposé le 30 juin 2006 par Maître Roger NOTHAR pour compte de la société anonyme H. S.A. et de la société à responsabilité limitée B. s.à r.l., ce mémoire ayant été communiqué par acte d’avocat à avocat du même jour aux mandataires des demandeurs et de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Ferdinand BURG, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives.
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Suite à une demande afférente soumise par la société anonyme H. S.A. et la société à responsabilité limitée B. s.à r.l., préqualifiées, le conseil communal de la Ville de Luxembourg, ci-après désigné par le « conseil communal », adopta provisoirement, en sa séance publique du 17 novembre 2003, une modification de la partie graphique du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg (PAG) portant sur un ensemble de terrains sis à Cessange, au-lieu-dit « Im B. », entre la rue de Cessange et la rue de Roedgen dans le prolongement de la rue Ausone et de la rue de la Forêt, d’une superficie de quelques 10,74 ha, consistant en l’adaptation du périmètre de l’ensemble des terrains à aménager pour le faire correspondre aux limites cadastrales réelles, en la prévision sur une partie de l’ensemble, au-delà de la zone d’habitation H2 prévue, d’une zone d’habitation 3/4 et d’une zone à réserver pour des besoins publics (établissement scolaire), ainsi qu’en l’augmentation du CMU pour le porter de 0,5 à 0,97. Par la même délibération, le conseil communal adopta également provisoirement les parties graphiques et écrite du plan d’aménagement particulier (PAP) destiné à couvrir cet ensemble de terrains et prévoyant en substance la réalisation de 450 logements dans 38 maisons familiales et 18 immeubles résidentiels, l’implantation d’un établissement scolaire sur une superficie de 70 ares et une zone de verdure de 185 ares le long du ruisseau de Cessange.
Suite à une notification individuelle relative à cette délibération d’adoption provisoire du 17 novembre 2003 leur adressée par lettre du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 5 décembre 2003, les époux … et …, préqualifiés, ci-après désignés par les « époux …-… », soumirent, à travers un courrier de leur mandataire du 22 décembre 2003, au collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg leurs objections contre cette modification du PAG et ce projet de PAP.
Les époux …-…, assistés de leur mandataire, furent entendus le 26 avril 2004 par le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg en vue de l’aplanissement des difficultés suite à leurs prédites objections.
En sa séance du 31 janvier 2005, le conseil communal adopta définitivement la modification prévisée de la partie graphique du PAG et les parties graphiques et écrite du PAP destiné à couvrir l’ensemble de terrains en question, avec le seul amendement, suite à des réclamations, d’un déplacement de la limite latérale entre les lots 47 et 48 et du carrefour de la voie principale du PAP avec la rue de Roedgen vers l’ouest, et il rejeta les autres objections soumises comme non fondées.
Suite à la notification leur faite par courrier du 17 février 2005 de cette délibération d’adoption définitive du 31 janvier 2005, les époux …-… introduisirent, par courrier de leur mandataire du 28 février 2005, une réclamation contre cette délibération auprès du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, ci-après désigné par le « ministre ».
Après avoir recueilli l’avis du conseil communal du 30 mai 2005 et de la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire du 8 juillet 2005, le ministre décida le 11 octobre 2005 d’approuver la délibération du conseil communal du 31 janvier 2005 et de rejeter les réclamations lui soumises à l’encontre de cette même délibération aux motifs énoncés comme suit :
« En premier lieu, je tiens à souligner que le conseil communal est seul compétent en ce qui concerne les modifications et révisions du PAG dans la mesure où celui-ci décide souverainement, sous mon approbation en l’espèce. Quant au CMU préconisé par le projet d’aménagement particulier en marge, je tiens à rappeler que tel est l’objectif à la fois du programme directeur d’aménagement du territoire en exécution de la loi du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du territoire et de la loi même du 19 juillet [2006] concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
En ce qui concerne la destruction éventuelle de zones humides ainsi que de la zone d’inondation du ruisseau de Cessange, il y a lieu de se référer à un projet de renaturation dudit ruisseau par la Ville de Luxembourg, en collaboration avec l’administration des Eaux et Forêts.
Ensuite, s’il est vrai qu’il y aura une augmentation du trafic automobile, vu le nombre de logements prévus, il faut cependant remarquer que le projet d’aménagement particulier prévoit une nette hiérarchisation du réseau routier desservant, réduisant ainsi les nuisances y afférentes pour les résidents de l’ensemble du quartier.
Finalement, je tiens encore à relever que dans le cadre du remembrement nécessaire à la réalisation du projet en marge, la distribution des terrains constructibles se fait en relation avec les apports respectifs ».
Cette décision ministérielle fut notifiée au mandataire des époux …-… par courrier du 10 novembre 2005.
Par requête déposée le 8 février 2006, les époux …-… ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de cette délibération du conseil communal du 31 janvier 2005 portant adoption définitive de la modification susvisée du PAG et du projet amendé de PAP, ainsi que de la décision ministérielle d’approbation du 11 octobre 2005.
Concernant la compétence d’attribution du tribunal administratif, question que le tribunal est de prime abord appelé à examiner, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire et, d’autre part, la décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé (cf. Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2005, V° Actes réglementaires (recours contre les), n° 25 et autres références y citées).
Il s’ensuit qu’en application de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre de la délibération du conseil communal du 31 janvier 2005 et de la décision d’approbation ministérielle du 11 octobre 2005.
La société anonyme H. S.A. et la société à responsabilité limitée B. s.à r.l. font contester l’existence d’un intérêt à agir dans le chef des demandeurs en arguant qu’ils ne seraient pas gênés dans leur vie quotidienne par la réalisation du PAP, de manière que leur situation ne serait pas aggravée.
L’intérêt à agir des demandeurs est cependant patent de par leur qualité de propriétaires d’une parcelle couverte par le PAP litigieux et de voisins immédiats de l’ensemble de terrains à aménager.
Le recours est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que la zone couverte par le PAP litigieux serait « de pure verdure » et se placerait à la limite extrême de la localité de Cessange et que la modification contestée du PAG aurait pour effet d’étendre le périmètre constructible de cette zone de verdure.
Ils estiment que le projet urbanistique litigieux serait en contradiction avec les grands principes qui ont présidé à l’élaboration de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 », dont le non-respect devrait être sanctionné par l’annulation de l’acte non conforme. Ils considèrent ainsi que « l’une des obligations les plus impératives », applicable tant aux PAG qu’aux PAP, consisterait à concevoir l’aménagement communal « sous l’aspect d’un « optimum » pour les conditions de vie des habitants », entraînant que les autorités seraient tenues de garantir le développement et l’amélioration à la fois de la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités, ainsi que la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques.
D’après les demandeurs, le projet litigieux bouleverserait par contre « l’harmonie de tout un quartier calme, tranquille et presque de villégiature » et porterait ainsi une atteinte grave aux conditions de vie des résidents de ce quartier devant subir les nuisances d’un trafic intense. Ils en déduisent que le conseil communal n’aurait prévu aucune mesure contraignante pour « empêcher les risques de sécurité par l’interdiction d’établissements générateurs de risques entraînant une augmentation inévitable de la circulation routière » et que le ministre aurait manqué à son obligation de vérifier la conformité de la délibération attaquée du 31 janvier 2005 à ces objectifs en approuvant cette dernière alors même que « la qualité de vivre des requérants est totalement compromise par l’implantation dans leur voisinage immédiat d’une localité bien peuplée et générant un va et vient de voitures qui, par son brouhaha, amoindrit la tranquillité publique et par le trafic, porte atteinte à la sécurité, et cela dans un coin de la ville qui était jusqu’à présent préservé des inconvénients d’une vie urbaine ». Sur base de cette argumentation, les demandeurs concluent à l’annulation des actes attaqués pour violation de la loi.
Le tribunal tient à préciser d’abord la situation exacte des terrains visés par la modification du PAG et le PAP litigieux. Ainsi, il résulte des éléments en cause, et plus particulièrement à partir des plans versés en cause, que l’ensemble des terrains couverts par le PAP litigieux, d’une superficie supérieure à 10 hectares, se situe à la limite sud-est de l’agglomération constituée par la Ville de Luxembourg et certaines localités adjacentes et est délimitée au sud par la rue de Cessange et le construit existant longeant cette dernière et au nord par le ruisseau de Cessange et la bordure de zone de verdure qui l’entoure. Cet ensemble de terrains est encore intercalé entre, d’une part, vers le nord-est les quartiers déjà construits de Cessange entre le chemin de Roedgen et la rue Ausone, respectivement vers l’est autour des rues des Prunelles, J. Weber et de la Forêt et, d’autre part, vers l’ouest la zone d’aménagement différé s’étendant jusqu’à la rue de Bouillon. Il convient encore de relever que les quartiers déjà construits entre le chemin de Roedgen et la rue Ausone, respectivement autour des rues des Prunelles, J. Weber et de la Forêt sont tous classés en zone d’habitation 2 et que leur aménagement se caractérise essentiellement par des maisons en bande. En outre, la rue de Cessange est construite des deux côtés tout le long de l’ensemble de terrains couverts par le PAP litigieux et le côté touchant audit ensemble de terrains est classé en zone d’habitation 3, l’autre côté étant classé en zone d’habitation 2.
L’argumentation des demandeurs revient en substance à critiquer la prévision dans les parages immédiats de leur habitation et sur des terres leur appartenant, faisant partie d’un « quartier calme, tranquille et presque de villégiature », d’une zone soumise à une urbanisation densifiée en se prévalant des conséquences de cette urbanisation, entrevue essentiellement sous l’aspect de l’augmentation du trafic de véhicules, sur leur qualité de vie.
Au vu de ce moyen, il échet de rappeler que la mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d’opportunité, notamment d’ordre politique, à la base d’un acte administratif attaqué, mais inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis, à l’exclusion de tout doute et se trouvent dans un rapport de proportion adéquat, exempt de toute erreur manifeste d’appréciation (Cour adm. 28 septembre 2006, n° 21168C, non encore publié).
La mutabilité des plans d’aménagement généraux relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné. Il en découle que les parties intéressées, dont les propriétaires d’immeubles, n’ont pas un droit acquis au maintien d’une réglementation communale d’urbanisme donnée, étant entendu que les changements à y apporter ne sauraient s’effectuer de manière arbitraire, mais, appelés à résulter de considérations d’ordre urbanistique et politique pertinentes répondant à une finalité d’intérêt général, ils sont à opérer suivant la procédure prévue par la loi comportant la participation de tous les intéressés (cf. trib adm. 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm. 20 décembre 2001, Pas. adm. 2005, V° Urbanisme, n° 64 et autres références y citées).
Pour conclure néanmoins au caractère illégal de la modification de la réglementation d’urbanisme découlant de la délibération attaquée du 31 janvier 2005, les demandeurs s’emparent de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 qui dispose ce qui suit :
« L’aménagement communal et le développement urbain ont pour objectifs d'assurer à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal. A cet effet, ils ont principalement pour mission de concevoir, de développer, de coordonner et de mettre en œuvre, au niveau communal, les moyens nécessaires pour garantir:
(a) l’utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux d’un développement durable, (b) le développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire, (c) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités, (d) le respect du patrimoine culturel et naturel national et local lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus, (e) la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques ».
Cependant, dans la mesure où la modification du PAG et le projet de PAP ont été adoptés provisoirement le 17 novembre 2003, définitivement le 31 janvier 2005 et approuvés par le ministre le 11 octobre 2005 et où il est de principe qu’un acte de tutelle administrative rétroagit à la date de la décision approuvée qui, une fois approuvée, est censée être valable dès son origine (Cour adm. 6 novembre 1997, n° 10013C, Pas. adm. 2005, v° Tutelle administrative, n° 14), entraînant que la légalité de l’acte approuvé est à examiner sur base de la législation applicable au moment de son adoption, la délibération attaquée du 31 janvier 2005 est visée par l’article 108 (2) de la loi du 19 juillet 2004, pris dans sa teneur initiale applicable au 31 janvier 2005, qui disposait que « pour les projets d'aménagement général ou particulier dont la procédure d'approbation est entamée d'après les dispositions de la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, cette procédure est continuée et doit alors être achevée dans les douze mois qui suivent l'entrée en vigueur de la présente loi. Passé ce délai, une nouvelle procédure d'adoption doit être engagée conformément aux dispositions de la présente loi ».
Cette disposition doit être comprise en ce sens que non seulement elle autorise la continuation des procédures d’adoption et d’approbation prévues par la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, mais qu’elle reconnaît également la validité des formes et du contenu d’une modification du PAG ou d’un PAP pour autant qu’ils répondent aux exigences de ladite loi du 12 juin 1937. Par voie de conséquence, l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 n’est pas applicable à la modification du PAG et au PAP litigieux, de manière qu’il n’y a pas lieu d’examiner la conformité de ces derniers aux objectifs énoncés par cette disposition légale non applicable en l’espèce.
Cependant, s’il est vrai que ladite loi du 12 juin 1937 ne comporte pas de dispositions propres quant aux objectifs de l’aménagement communal, il n’en reste pas moins que la loi modifiée du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du territoire dispose dans son article 1er que « l'aménagement du territoire poursuit le développement du territoire national en respectant les particularités et les ressources propres des diverses régions qui le composent.
Il a pour objectif d'assurer aux habitants du pays des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de ses régions en valorisant leurs ressources respectives et en maintenant un équilibre structurel et économique entre elles.
2. A cet effet, l'aménagement du territoire contribue et participe à l'échelle nationale, régionale et communale :
(a) à l'utilisation rationnelle du sol et de l'espace et à la protection des paysages;
(b) à la valorisation optimale des ressources économiques et humaines;
(c) à la gestion responsable de l'environnement, en général, et des ressources naturelles et énergétiques, en particulier;
(d) au développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris l'habitat et les réseaux de communication et d'approvisionnement, dans le respect du patrimoine culturel et naturel;
(e) à la mise en œuvre de la contribution nationale à la politique transfrontalière et interrégionale ;
(f) à la protection de la population et des biens contre les risques naturels ».
S’il est partant vrai que cette disposition fixe comme objectif à l’aménagement du territoire « d'assurer à la population du pays des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de ses régions », il n’en reste pas moins que la « mise en valeur harmonieuse » et le « développement durable » implique notamment une participation de l’aménagement du territoire à « l’utilisation rationnelle du sol et de l’espace ».
En outre, la loi prévisée du 21 mai 1999 prévoit l’adoption par le Gouvernement en Conseil d’un programme directeur qui, au vœu de son article 4.2., « arrête les orientations générales et les objectifs prioritaires du Gouvernement en ce qui concerne le développement durable du cadre de vie de la population, la valorisation des ressources humaines et naturelles et le développement des activités économiques ainsi que les mesures principales à prendre en vue de leur réalisation ». L’article 6 de la même loi ajoute que « dès sa publication au Mémorial, le programme directeur oriente les démarches et les décisions du Gouvernement et des pouvoirs locaux pour autant que sont appliquées les dispositions visées à l'article 4 de la présente loi ».
Or, le programme directeur de l’aménagement du territoire, lequel fut définitivement adopté par le Gouvernement en Conseil dans sa séance du 27 mars 2003, définit comme troisième objectif le développement de « structures urbaines et rurales compatibles avec les exigences environnementales sur le principe d’un aménagement du territoire durable (diversité des fonctions, densité d’occupation et trajets courts » (p. 98 du programme directeur) et prévoit comme première mesure en ce sens la définition d’une « politique d’urbanisation prioritairement orientée vers la densification et le renouvellement urbain à l’intérieur des villes et villages existants et non sur une consommation supplémentaire d’espaces encore vierges en périphérie », de manière à « utiliser en priorité, à l’intérieur de la structure urbaine/rurale existante, les surfaces libres de construction ainsi que les surfaces où la construction peut être densifiée » (p. 99 du programme directeur).
Il en découle que l’adoption par le conseil communal, sous l’approbation du ministre, d’un PAP prévoyant un aménagement permettant la création de quelques 450 logements dans 38 maisons familiales et 18 immeubles résidentiels, l’implantation d’un établissement scolaire et l’aménagement d’une zone de verdure, le tout sur une surface de plus de 10 hectares non encore aménagée et se situant en prolongement direct de quartiers déjà urbanisés faisant partie de l’agglomération de la capitale répond à cet objectif consacré par le programme directeur et tendant à une certaine densification de l’occupation du sol à l’intérieur des agglomérations d’autant plus que cette densification est facilitée par l’absence d’une structure construite sur cette surface.
Il échet encore de reconnaître que le régime des constructions prévu par le PAP attaqué ne prévoit pas une augmentation de la densité des constructions qui serait disproportionnée par rapport aux zones aménagées voisines. En effet, la partie du PAP touchant au quartier autour des rues des Prunelles, J. Weber et de la Forêt prévoit la construction de 24 maisons familiales autour de deux rues constituant le prolongement direct de la rue des Prunelles et de la rue de la Forêt et cette zone est classée, à l’instar de ce quartier voisin, en zone d’habitation 2, de manière à créer une distance suffisante entre ledit quartier et l’autre partie du PAP, classée en zone d’habitation 3/4 et destinée à accueillir les immeubles résidentiels. Pareillement, le PAP prévoit dans sa partie touchant à l’arrière des parcelles longeant la rue de Cessange la construction de maisons familiales soumises au régime de la zone d’habitation 2 pour autant que les parcelles voisines sont occupées par des maisons, de manière à créer de nouveau une distance suffisante entre les maisons existantes de la rue de Cessange et la partie centrale du PAP classée en zone d’habitation 3/4 et destinée à accueillir les immeubles résidentiels. C’est seulement l’ilot central du lotissement prévu qui sera entouré de deux immeubles résidentiels pouvant atteindre 4 niveaux pleins, tandis que les autres immeubles résidentiels sont limités à 3 niveaux pleins.
S’il est vrai que la création de quelques 450 logements entraînera une augmentation indéniable de la circulation de personnes et du trafic routier dans les quartiers voisins et les rues de desserte, il découle d’un autre côté des plans versés en cause que le PAP prévoit plusieurs voies publiques permettant aux futurs habitants de quitter le nouveau quartier et de rejoindre les axes routiers. Ainsi deux voies débouchant sur la rue de Cessange et une voie débouchant sur le chemin de Roedgen sont prévues, de manière que la sortie du quartier est prévue sans passer nécessairement par la rue des Prunelles ou la rue de la Forêt.
Il découle de ces développements que la modification du PAG et le PAP litigieux sont conformes à la loi du 21 mai 1999 et aux objectifs d’urbanisme définis dans le programme directeur et que les griefs formulés par les demandeurs ne permettent nullement de conclure que les choix politiques d’urbanisme opérés par le conseil communal soient manifestement disproportionnés par rapport à la situation concrète sur le terrain et aux incidences sur la situation des demandeurs. En effet, les griefs de ces derniers s’analysent en substance en un amoindrissement de la tranquillité de leur « quartier calme, tranquille et presque de villégiature » et en une augmentation des nuisances résultant de la circulation de personnes et de véhicules. Or, ces griefs sont cependant communs à tout quartier d’une agglomération urbaine connaissant au fil du temps une densification de la population, laquelle ne saurait cependant être bloquée par un prétendu droit acquis au maintien de la situation initiale d’un quartier. En effet, ainsi que le précise à juste titre le programme directeur, « l’un des grands défis à relever par l’aménagement du territoire consiste à trouver un équilibre, entre d’une part les obligations qui s’imposent à toute structure urbaine en respect de critères environnementaux et d’autre part les droits et intérêts des propriétaires privés » (p. 98).
Il convient d’ajouter que l’argument des demandeurs tenant à une suspension de la procédure d’adoption du PAP attaqué jusqu’après l’exécution future de la renaturation du ruisseau de Cessange n’est pas non plus de nature à énerver la validité des actes attaqués, étant donné que le PAP prévoit l’aménagement d’une zone de verdure d’une largeur variant de 10 à presque 30 mètres le long de ce ruisseau.
Par voie de conséquence, le premier moyen des demandeurs est à écarter comme n’étant pas fondé.
Les demandeurs arguent en deuxième lieu que la réalisation du PAP aboutirait à morceler leur propriété d’une manière telle que les terrains longeant la rue projetée perdraient leur qualité de terrains à bâtir et qu’il serait inadmissible qu’un promoteur puisse ainsi porter atteinte au droit de propriété constitutionnellement garanti.
Il est vrai que les demandeurs sont propriétaires de la parcelle n° 243/2985, adjacente au terrain abritant leur maison d’habitation et comprise dans le périmètre du PAP, et que, d’après les plans du PAP, cette parcelle sera traversée par la voie projetée reliant la rue de Roedgen et la rue de Cessange et serait divisée du côté est de cette voie en parties des lots 54 à 57 et du côté ouest de la voie en une zone réservée à une future extension et en zone d’habitation 3 en dehors du périmètre du PAP.
Or, le législateur, en imposant aux communes d’établir un projet d’aménagement et d’édicter un règlement sur les bâtisses, a nécessairement habilité le pouvoir communal à réglementer l’usage du droit de propriété lorsque sa réglementation est nécessaire à la réalisation des objectifs de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes (CE 21 avril 1994, INTERPUBLICITE, n° 8641 du rôle). En prenant de telles mesures, l'autorité communale ne procède pas à une expropriation cachée contraire à l'article 16 de la Constitution et à l'article 545 du code civil (Cour adm. 21 décembre 2000, n° 12162C du rôle, Pas. adm. 2005, v° Urbanisme, n° 33).
Partant, dans la mesure où une réglementation en matière d’urbanisme se limite à déterminer le régime des constructions et aménagements sur un terrain sans affecter le droit de disposition du propriétaire sur ce dernier, de manière à ne pas conférer au promoteur des droits réels sur un terrain déterminé et à ne pas entraîner d’office un remorcellement des propriétés couvertes par un plan d’aménagement, le PAP litigieux reste sans incidence sur le droit de propriété des demandeurs sur la parcelle susvisée et ne confère aucun titre au promoteur du PAP pour la réalisation des infrastructures prévues par le PAP. Le droit de propriété des demandeurs ne se trouvera affecté dans sa substance que par la réalisation d’une procédure de remembrement urbain à défaut d’accord de tous les propriétaires concernés ou d’expropriation pour utilité publique, telles que prévues par la loi du 19 juillet 2004, qui aboutissent cependant à des actes administratifs distincts et susceptibles de voies de recours propres dans le cadre desquelles la contestation relative à l’atteinte au droit de propriété pourra être soulevée. Il s’ensuit que ce moyen des demandeurs laisse également d’être fondé.
Les demandeurs font finalement valoir que la zone d’implantation de certaines des constructions projetées serait une zone inondable traversée par un ruisseau qui provoquerait de fréquentes inondations par temps d’intempéries, de manière que le conseil communal n’aurait pas valablement pu adopter le PAP litigieux.
S’il est vrai que quelques-unes des maisons d’habitation projetées du PAP litigieux sont prévues à une distance d’une vingtaine de mètres du ruisseau de Cessange, les demandeurs restent cependant en défaut d’étayer leur allégation d’un risque d’inondation, par ailleurs contestée par les autres parties en cause, par un quelconque élément tangible, de sorte que ce moyen ne saurait être considéré comme suffisamment étayé pour énerver la validité des actes attaqués. Ce dernier moyen des demandeurs est dès lors également à écarter.
Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.
PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par:
M. SCHOCKWEILER, premier vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 9 novembre 2006 par le premier vice-président en présence de M. SCHMIT, greffier.
s. SCHMIT S. SCHOCKWEILER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9.11.2006 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 11