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07/11/2006 | LUXEMBOURG | N°21689C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 novembre 2006, 21689C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 21689 C Inscrit le 19 juillet 2006

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Audience publique du 7 novembre 2006 Recours formé par …, …contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 21 juin 2006, no 21130 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administra...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 21689 C Inscrit le 19 juillet 2006

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Audience publique du 7 novembre 2006 Recours formé par …, …contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 21 juin 2006, no 21130 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 19 juillet 2006 par Maître Yvette Ngono Yah, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à … (Nigeria), de nationalité nigériane, actuellement détenu au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 21 juin 2006, à la requête de l’actuel appelant tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 février 2006, ayant rejeté sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée.

Vu le courrier de Maître Yvette Ngono Yah du 2 août 2006 informant la Cour de la reprise du mandat de Maître Daniel Baulisch pour ….

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 août 2006 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Pascale Petoud, en remplacement de Maître Yvette Ngono Yah ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 21130 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 mars 2006 par Maître Daniel Baulisch, avocat à la Cour, …, né le …, de nationalité nigériane, actuellement détenu au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, a demandé la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 février 2006, ayant rejeté sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée.

Le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 21 juin 2006, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Daniel Baulisch, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 19 juillet 2006 pour compte de ….

La partie appelante reproche aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause en se basant sur les mêmes moyens de fait que ceux exposés en première instance en estimant remplir les conditions pour bénéficier du statut de réfugié.

… fait notamment valoir être originaire du Nigeria et de confession chrétienne. Il soutient qu’il aurait quitté son pays d’origine en raison des problèmes qu’il aurait eus avec le père de sa concubine musulmane. Il expose plus particulièrement que lorsque sa concubine serait tombée enceinte de lui, il aurait eu l’intention de l’épouser, mais que le père de la fille se serait déclaré hostile à leur union. Ainsi, pour éviter des problèmes avec ce dernier, sa concubine se serait installée chez lui au mois de juillet 2004, mais que peu de temps après, le père de celle-ci aurait envoyé des hommes pour l’assassiner et se trompant de victime, ceux-ci auraient tué son père. Il reproche ainsi au ministre compétent d’avoir retenu à tort qu’il n’aurait pas invoqué de crainte de persécution pour l’un des motifs prévus par la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 3 août 2006 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à juste titre que le tribunal administratif a retenu que l’examen des déclarations faites par … lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, l’amène à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

2 En effet, même en faisant abstraction des incohérences et contradictions relevées par l’autorité ministérielle dans le récit de …, force est de constater que celui-ci n’a pas fait état à suffisance de droit d’un état de persécution ou d’une crainte de persécution correspondant aux critères de fond définis par la Convention de Genève.

Ainsi, les craintes exprimées à l’égard du père de sa concubine, hostile à leur union, et qui serait déjà à l’origine du meurtre de son propre père, se situent, comme dégagé par les premiers juges, dans le cadre d’un conflit d’ordre privé, relevant plutôt d’une criminalité de droit commun, lequel, même lié à la conviction religieuse, est étranger aux motifs de persécution visés par la Convention de Genève.

S’y ajoute que les actes concrets de persécution invoqués par … émanent du père de sa compagne, ainsi que d’autres personnes privées proches de celui-ci, partant de personnes étrangères aux autorités publiques, qui ne sauraient être considérés comme étant des agents de persécution au sens de la Convention de Genève, de manière qu’ils s’analysent en une persécution émanant non pas de l’Etat, mais d’un groupe de la population et ne sauraient dès lors être reconnus comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéfice pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève ou si elles sont incapables de fournir une telle protection.

… n’a pas établi à suffisance de droit que les autorités nigérianes chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics ne soient pas capables de lui fournir une protection adéquate.

En effet, si l’actuel appelant a certes déclaré lors de son audition que la police n’aurait pas enquêté à la suite de la plainte qu’il aurait déposée après le meurtre de son père, au motif que le père de sa compagne serait un homme politique influent qui connaîtrait tous les policiers, cette simple affirmation est toutefois insuffisante pour établir une attitude générale de refus de protection des autorités compétentes.

Par ailleurs, il n’appert pas des éléments d’appréciation soumis actuellement à la Cour qu’une possibilité de fuite interne lui aurait été impossible, pareille possibilité de trouver refuge dans une autre partie de son pays d’origine paraissant tout à fait possible, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié.

Il suit de ce qui précède que … n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef de sorte que le jugement du 21 juin 2006 à confirmer.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 19 juillet 2006, 3 le déclare cependant non fondé, confirme le jugement du 21 juin 2006 dans toute sa teneur, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Henri Campill, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 21689C
Date de la décision : 07/11/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-11-07;21689c ?

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