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31/10/2006 | LUXEMBOURG | N°22056

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 octobre 2006, 22056


Tribunal administratif Numéro 22056 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 octobre 2006 Audience publique du 31 octobre 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22056 du rôle et déposée le 23 octobre 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité mo

nténégrine, demeurant à L-…, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étr...

Tribunal administratif Numéro 22056 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 octobre 2006 Audience publique du 31 octobre 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22056 du rôle et déposée le 23 octobre 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité monténégrine, demeurant à L-…, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 3 octobre 2006, ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour la durée d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 octobre 2006.

__________________________________________________________________________

Après avoir présenté une première demande d’asile au Grand-Duché de Luxembourg en date du 25 novembre 1998, laquelle fut rejetée en septembre 2000, ainsi qu’une deuxième demande tendant aux mêmes fins ayant été déclarée irrecevable par décision du 7 mars 2001, Monsieur …, qui avait entretemps épousé une ressortissante luxembourgeoise, fut rapatrié vers son pays d’origine au mois de décembre 2004 à la suite de son divorce. Il fut à nouveau intercepté comme étant en séjour irrégulier au Luxembourg le 3 octobre 2006. Le même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit à son encontre une décision de rétention au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cette décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport du 3 octobre 2006 de la police grand-ducale, Dudelange ;

Vu mon arrêté de refus et d’entrée et de séjour du 17 décembre 2004 ;

Considérant que l’intéressé est signalé au SIS ;

Considérant qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2006, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation de ladite décision du 3 octobre 2006.

L’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, instituant un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention, le recours principal en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le demandeur, après avoir exposé être placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig « au sein du Centre Pénitentiaire du Luxembourg » et après avoir affirmé que le régime auquel il y serait soumis serait « similaire voire identique » à celui des détenus normaux, conclut que le placement « au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg » devrait rester une mesure d’exception indiquée uniquement au cas où l’étranger serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.

Il reproche au ministre de ne pas avoir motivé sa décision par un quelconque risque de fuite dans son chef et estime que la simple référence à un risque de fuite ne saurait justifier la mesure de rétention. Il insiste tout particulièrement être entré sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg malgré une interdiction d’entrée et de séjour pour être à côté de son fils, né le 9 avril 2005, qui aurait de graves problèmes de santé. Dans la mesure où il aurait de surcroît formulé une nouvelle demande d’asile au Luxembourg, il estime ne pas pouvoir faire l’objet d’une décision d’éloignement du territoire luxembourgeois aussi longtemps qu’il n’aura pas été statué définitivement sur sa demande d’asile. De surcroît, dans la mesure où il résiderait auprès de son épouse, ressortissante yougoslave bénéficiant d’une autorisation de séjour au Luxembourg, et de leur enfant commun, il estime qu’il ne saurait être question d’un quelconque danger de fuite dans son chef. Il reproche finalement au ministre de ne pas avoir justifié de circonstances de fait qui rendraient impossible son éloignement immédiat.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le recours serait à rejeter comme étant non fondé en relevant que l’intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays, qu’aucune demande d’autorisation de séjour n’aurait été déposée et que son mariage avec une personne séjournant régulièrement au pays devrait rester sans incidence sur la légalité de la mesure litigieuse. Par ailleurs l’affirmation du demandeur quant à l’introduction d’une nouvelle demande d’asile serait formellement contestée, alors qu’aucune demande de ce type ne serait renseignée au dossier administratif et que l’intéressé ne verserait aucune pièce de nature à sous-tendre son affirmation. Quant aux démarches entreprises en vue du rapatriement de Monsieur …, il relève qu’à défaut de documents de voyage, il serait impossible de procéder dans l’immédiat à son rapatriement, mais que les autorités monténégrines ont été saisies, en date du 10 octobre 2006 en vue de l’émission d’un document permettant le rapatriement.

Il est constant en l’espèce que le demandeur est placé, non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Or, force est de constater que le centre en question est a priori à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972.

Pour le surplus, il échet de retenir que le demandeur, hormis l’affirmation vague et non circonstanciée qu’il serait soumis à un régime « similaire voire identique » de celui des détenus de droit commun, n’a fait état d’aucun élément personnel duquel il ressortirait que les limites apportées à sa liberté de circulation seraient disproportionnées par rapport à l’objectif d’une mesure de rétention.

Il convient par ailleurs de rappeler que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-

delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Le demandeur n’ayant pas contesté en l’espèce entrer dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, le moyen basé sur l’absence de risque de fuite dans son chef laisse encore d’être fondé.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée maximale d’un mois.

En l’espèce il est constant que Monsieur … étant en séjour irrégulier au Grand-Duché de Luxembourg et que les démarches en vue d’organiser son éloignement vers son pays d’origine sont en cours, de sorte que le ministre a valablement pu prononcer à son encontre une mesure de rétention administrative dans l’attente de l’accomplissement des formalités requises en vue de procéder à cet éloignement.

La conclusion ci-avant dégagée ne saurait pas non plus être énervée par les développements du demandeur en rapport avec sa vie familiale alléguée au Grand-Duché de Luxembourg, étant donné que ces considérations sont étrangères au cadre légal de la présente affaire et que pour le surplus il reste en défaut de verser en cause un quelconque document justifiant l’obtention, voire la demande, au jour de la prise de la décision litigieuse, d’un titre régularisant son séjour au Luxembourg, sinon encore d’un quelconque document officiel relatif au dépôt d’une demande d’asile dûment enregistrée au pays.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’absence de tout autre moyen susceptible d’énerver la régularité de la décision litigieuse, le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 octobre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22056
Date de la décision : 31/10/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-10-31;22056 ?

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