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18/10/2006 | LUXEMBOURG | N°20994

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2006, 20994


Tribunal administratif N° 20994 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2006 Audience publique du 18 octobre 2006

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Recours formé par Monsieur et Madame …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Reisdorf en présence des époux Xxx, Reisdorf, et de la sàrl …, Diekirch en matière d'urbanisme

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20994 du rôle et déposée au gr

effe du tribunal administratif le 8 février 2006 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit a...

Tribunal administratif N° 20994 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2006 Audience publique du 18 octobre 2006

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Recours formé par Monsieur et Madame …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Reisdorf en présence des époux Xxx, Reisdorf, et de la sàrl …, Diekirch en matière d'urbanisme

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20994 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 février 2006 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, … , et de son épouse, Madame …, … , les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d'une autorisation de construire délivrée le 9 novembre 2005 par le bourgmestre de la commune de Reisdorf à la société … sàrl, portant sur un immeuble à 10 unités de logement avec 10 aires de stationnement à l'intérieur de l'immeuble sur deux fonds sis à Reisdorf, section C de Reisdorf, inscrits au cadastre sous les numéros 703/3241 et 472/2310 ;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 8 février 2006, portant signification de ce recours à l'administration communale de Reisdorf, établie à L-9391 Reisdorf, 2, place de l'Eglise, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, à la société à responsabilité limitée … Sàrl, établie à L-… , représentée par son gérant actuellement en fonctions, ainsi qu'aux époux Xxx, rentier et Xxx, sans état, les deux demeurant ensemble à L-…;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 8 mai 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch au nom de la société à responsabilité limitée … sàrl, ainsi que des époux XXX ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 8 mai 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître François GENGLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch pour compte de l’administration communale de Reisdorf ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2006 par Maître Alain BINGEN, au nom des époux … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 2006 par Maître Jean-Paul WILTZIUS au nom de la société à responsabilité limitée … sàrl, ainsi que des époux XXX ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Alain BINGEN, Jean-Paul WILTZIUS et François GENGLER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 septembre 2006.

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Le 9 novembre 2005, le bourgmestre de la commune de Reisdorf délivra à la société … Sàrl l'autorisation de construire un immeuble à 10 unités de logement avec 10 aires de stationnement à l'intérieur de l'immeuble sur deux fonds sis à Reisdorf, section C de Reisdorf, inscrits au cadastre sous les numéros 703/3241 et 472/2310, appartenant aux époux Xxx.

Par requête déposée le 8 février 2006, inscrite sous le numéro 20994 du rôle, les époux … et … ont introduit un recours en annulation contre la prédite autorisation.

A l’appui de leur recours, ils font valoir que la construction projetée aggravera sensiblement leur situation de voisins en ce qu'elle se traduira par une privation d'air et de lumière, le nouvel immeuble se trouvant d'ailleurs dans leur champ de vision direct.

Ils font valoir ensuite que l'autorisation litigieuse violerait l'article 108 bis (3), alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2005 portant modification de la loi du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain qui exige l'élaboration d'un plan d'aménagement particulier, absent en l'espèce, entre autres en cas de création ou de développement de lotissements de terrains ou de groupes d'habitations. Or, la construction envisagée répondrait à la définition de lotissement au sens de l'article 105 de la loi précitée du 19 juillet 2004 qui vise la division d'un terrain en deux ou plusieurs parcelles en vue de les affecter à la construction d'un groupe d'au moins deux maisons. Dans le cas d'espèce, la parcelle n° 703/2713 aurait été divisée en deux nouvelles parcelles portant les numéros respectifs 703/3242 et 703/3241. De plus, la parcelle 703/3241 aurait été divisée en parties communes et en parties privatives, la formation de lots effectuée à travers l'adoption du statut de la copropriété des immeubles bâtis étant considérée par la jurisprudence comme aboutissant à un lotissement du terrain. D'autre part, l'article 108 bis, (3) viserait deux ou plusieurs maisons occupant un terrain qui, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition du propriétaire, est destiné à être soumis à un lotissement. Les conditions d'étendue – immeuble résidentiel à 10 unités sur une surface de 8,30 ares, de situation – implantation en zone rurale, et de statut du propriétaire – un promoteur professionnel réalisant la construction en vue de sa revente – pour être soumis aux exigences de la disposition en question seraient remplies en l'espèce. Il suffirait d'ailleurs, pour que soit applicable l'exigence d'un plan d'aménagement particulier, qu'on soit en présence de deux unités affectées à l'habitation plutôt que de deux maisons.

La question ainsi soulevée relative à l’exigence alléguée d’établir au préalable un PAP conditionnant les exigences de procédure devant précéder le cas échéant la délivrance d’une autorisation de construire, il y a lieu de l’examiner préalablement aux autres moyens avancés par les demandeurs à l’appui de leur recours.

L’article 108bis (3) alinéa 2 de la loi modifiée précitée du 19 juillet 2004 détermine l’obligation d’établir un PAP dans les termes suivants : « Dans le cadre de la mise en œuvre du présent article, l’obligation d’établir un plan d’aménagement particulier incombe aux communes ainsi qu’aux associations, sociétés ou particuliers dans les zones définies au plan d’aménagement général comme zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier et en cas de création ou de développement de lotissements de terrains ou de groupes d’habitations. On entend par groupe d’habitations deux maisons ou plus occupant un terrain qui, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition du propriétaire, est destiné à être soumis à un lotissement ».

Pour conclure à l’applicabilité de cette disposition en l’espèce, les demandeurs font valoir que le projet autorisé s’analyserait en un groupe d’habitations, en faisant valoir que la référence par l’article 108bis (3) précité à la notion de « deux maisons » serait mal choisie dans la mesure où il serait question à l’article 27 de la même loi de deux unités affectées à l’habitation et que cette dernière condition serait réunie en l’espèce.

Il est constant que le terrain devant recevoir la construction litigieuse n’est pas situé dans une zone soumise à l’élaboration d’un PAP, de sorte que seul le deuxième cas d’ouverture pour l’obligation d’établir un PAP énoncé à l’article 108 (3) précité de la loi de 2004 est susceptible de trouver application en l’espèce. Il y a partant lieu d’examiner si le projet litigieux s’analyse en une création ou en un développement de lotissements de terrains ou de groupes d’habitations.

Le groupe d’habitations étant défini par la même disposition légale comme correspondant à « deux maisons ou plus occupant un terrain qui, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition du propriétaire, est destiné à être soumis à un lotissement », force est de constater que s’agissant en l’espèce d’un projet d’une seule maison et non de deux maisons ou plus, le premier élément de la définition légale du groupe d’habitations laisse d’être vérifié.

Il s’ensuit que faute pour le projet litigieux de correspondre à l’hypothèse de base d’un groupe d’habitations, en l’occurrence un ensemble de deux maisons ou plus, il n’y a pas lieu d’examiner plus en avant si ce projet répond aux conditions supplémentaires d’occuper un terrain qui, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition du propriétaire, serait destiné à être soumis à un lotissement, étant donné que d’après l’agencement clair du texte légal en question, ces conditions supplémentaires ne sont appelées à sortir leurs effets que dans l’hypothèse non vérifiée en l’espèce d’un groupe d’habitations de deux maisons ou plus.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que l’immeuble litigieux compte différentes unités affectées à l’habitation, étant donné que les termes employés par l’article 108bis (3) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 sont clairs et définis de manière explicite, de sorte qu’il n’y a pas lieu à interprétation.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen des demandeurs fondé sur une violation alléguée des dispositions de l’article 108bis (3) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 laisse d’être fondé.

Les demandeurs font valoir ensuite que les plans de construction auraient été dressés en violation de certaines dispositions du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune de Reisdorf. Ils allèguent plus particulièrement le non-respect de l’article 35 a) dudit règlement sur les bâtisses concernant le recul des constructions par rapport à la limite de propriétés, de son article 30 définissant la limite de propriété notamment par rapport à la voie ou la route, et de son article 26 précisant la façon de mesurer le recul des constructions sur les limites de propriétés.

Ainsi la limite de propriété donnant sur la rue de l’Ernz telle que relevée sur le plan parcellaire du 25 avril 2005 comme ligne droite, ne serait pas exacte à la lumière des plans cadastraux antérieurs, - les distances renseignées par le plan d’implantation dressé par l’architecte n’auraient pas été calculées à partir de la limite de propriété matérialisée par des bornes renseignées par les plans cadastraux, - les distances indiquées du côté gauche avant seraient fausses pour avoir été calculées à partir de la façade de l’immeuble résidentiel jusqu’à la limite de la chaussée, - elles n’auraient pas non plus été calculées à partir des coins des dégradés de façade en ce qui concerne les deux points supérieurs, ne mesurant effectivement que 3,50 mètres et 4,25 mètres, - ces distances ne seraient en effet que de 4,15 mètres (au lieu des 6,00 mètres indiqués), 4,30 mètres (au lieu des 6,89 mètres indiqués), 4,45 mètres (au lieu des 7,19 mètres indiqués) et 7,20 mètres (au lieu des 10,21 mètres indiqués), - la distance minimale calculée à partir de l’extrémité gauche de la façade arrière serait de 4,30 mètres, - l’extension arrière saillante du rez-de-chaussée dépassant de 3,00 mètres la façade postérieure de l’immeuble n’aurait pas été prise en considération sur le plan d’implantation.

Conformément aux dispositions de l’article 35 a) du règlement sur les bâtisses, dans sa version versée en cause et non autrement contestée par les parties, « le recul des constructions par rapport à la limite de propriété en tenant compte des éventuels redressements futurs et de la largeur définitive de la voie publique est fixé à un minimum de 6 mètres pour toutes les zones ».

En l’espèce, il se dégage du plan d’implantation élaboré en date du 5 mai 2006 par l’architecte du projet litigieux au titre de complément d’information, que les reculs latéraux du côté gauche de la construction de l’ordre respectivement de 6,00 mètres, 6,89 mètres, 7,19 mètres et 10,21 mètres, ont été calculés non pas par rapport à la limite de propriété, mais par rapport à la délimitation de la voie publique CR 128. Il se dégage encore du même plan que par rapport à la limite de propriété indiquée en ligne discontinue rouge, les reculs indiqués de la construction sont de l’ordre respectivement de 3,90 mètres, 4,16 mètres, 3,55 mètres, 4,44 mètres et 7,23 mètres.

Dans la mesure où l’article 35 a) fait néanmoins clairement état d’un recul par rapport à la limite de propriété sans distinction quant à l’affectation de celle-ci, les explications fournies en cause pour compte des parties tierces intéressées tendant à faire admettre que le recul de 6 mètres s’imposerait uniquement par rapport aux voies publiques étatiques dans le but d’obtenir la permission de voirie de la part de l’administration des Ponts et Chaussées, n’emportent pas la conviction du tribunal.

En effet, si l’article 35 a) précise certes que la limite de propriété doit être appréciée « en tenant compte des éventuels redressements futurs et de la largeur définitive de la voie publique », cette précision n’enlève en rien au fait que c’est la limite de propriété qui est en principe déterminante, sous la réserve y énoncée. Cette conclusion ne saurait pas non plus être énervée par l’observation des parties tierces intéressées que les reculs seraient à apprécier par rapport au milieu du segment de la façade concernée et qu’en l’espèce les longueurs indiquées sur le plan principal feraient ressortir à l’œil nu que les distances prescrites seraient respectées, même si elles ont été indiquées en longueur globale par rapport à la voie publique et non par rapport à la limite du terrain. En effet, face à une disposition claire du règlement sur les bâtisses et en présence de plans de construction, il n’y a pas lieu d’apprécier la légalité d’une décision administrative à l’œil nu, mais sur base des annotations figurant sur les plans approuvés et par application des règles de mesurage énoncées le cas échéant dans le règlement sur les bâtisses.

Par ailleurs, même à suivre la méthode de calcul préconisée par les parties tierces intéressées par rapport au côté latéral gauche de l’immeuble projeté, force est de constater que ce côté se compose de trois segments de façade dont deux au moins ne respectent pas le recul minimum de 6 mètres, même entrevu à partir du milieu des segments de façade concernés. Le plan d’implantation ci-avant visé établi en date du 5 mai 2006 renseigne en effet des reculs respectifs de 4,16 mètres, 4,44 mètres et 7,23 mètres pour les trois segments de façade concernés.

Les parties tierces intéressées entendent encore justifier du respect de la réglementation applicable concernant le recul sur la façade latérale gauche en faisant valoir que cette façade bénéficierait de l’application de l’article 25 i) du règlement sur les bâtisses qui renvoie au sujet des prescriptions dimensionnelles pour le secteur à caractère rural à l’article 8 qui dispose sous son point c) comme suit : « l’alignement des bâtiments situés dans ce secteur sera fixé de cas en cas par les services compétents de l’administration communale. » Force est cependant de constater que la question du recul latéral à observer en l’espèce par rapport à la façade gauche ne soulève pas de problème d’alignement par rapport à d’éventuels autres immeubles situés en cette zone, étant donné que sur ce côté l’immeuble projeté donne sur une voie publique, en l’occurrence le CR 128. Dans ces circonstances, le renvoi aux dispositions de l’article 8 c) pour mettre en échec les prescriptions de l’article 35 a) laisse d’être fondé.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le projet litigieux ne respecte pas les prescriptions de l’article 35 a) du règlement sur les bâtisses concernant le recul latéral à observer. Le non-respect ainsi établi étant suffisant pour justifier à lui seul l’annulation de la décision litigieuse, il n’y a pas lieu d’examiner plus en avant les autres moyens avancés à l’appui du recours.

Il s’ensuit que la décision litigieuse du 9 novembre 2005 encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision litigieuse du 9 novembre 2005 et renvoie le dossier en prosécution de cause au bourgmestre de la commune de Reisdorf ;

condamne la commune de Reisdorf aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 octobre 2006 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünne, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20994
Date de la décision : 18/10/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-10-18;20994 ?

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