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09/10/2006 | LUXEMBOURG | N°17218

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 octobre 2006, 17218


Tribunal administratif N° 17218 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er décembre 2003 Audience publique du 9 octobre 2006 Recours formé Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17218 du rôle et déposée le 1er décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, …, faisant le commerce sous la dénomination … à L-

…, et demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un arrêté ministériel n° 1/00/0414/ A, pris e...

Tribunal administratif N° 17218 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er décembre 2003 Audience publique du 9 octobre 2006 Recours formé Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17218 du rôle et déposée le 1er décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, …, faisant le commerce sous la dénomination … à L-…, et demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un arrêté ministériel n° 1/00/0414/ A, pris en date du 13 août 2003 par le ministre de l’Environnement lui interdisant d’exploiter la cabine de peinture actuelle et lui refusant l’exploitation de la cabine de peinture demandée en date du 12 octobre 2000 ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 5 novembre 2003 intervenue suite à un recours gracieux du 10 septembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 mars 2004 par Maître Jean-Luc GONNER au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 avril 2004 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Luc GONNER et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mai 2004 ;

Vu l’avis du tribunal du 24 mai 2004 ordonnant une visite des lieux ;

Vu la visite des lieux du 11 juin 2004 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 juin 2006 par Maître Jean-Luc GONNER au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 août 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Jean-Luc GONNER et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 septembre 2006.

Suite à une expertise réalisée en date du 3 octobre 2002 par le bureau d’études LUXCONTROL s.a. dans les locaux de la …, expertise qui conclut à ce que les teneurs en composés organiques volatils (COV) dépasseraient les seuils recommandés de 50 mg/Nm3, le ministre de l’Environnement interdit par arrêté ministériel n° 1/00/0414/ A du 13 août 2003 à Monsieur … de continuer à exploiter une cabine de peinture et lui refusa également l’exploitation de la cabine de peinture telle que sollicitée en date du 12 octobre 2002.

Monsieur … introduisit en date du 10 septembre 2003 un recours gracieux auprès du ministre de l’Environnement contre cet arrêté ministériel, recours gracieux que le ministre de l’Environnement rejeta cependant par décision du 5 novembre 2003.

Par requête déposée le 1er décembre 2003 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … introduisit un recours contentieux tendant à la réformation des prédites décisions ministérielles.

Le tribunal étant compétent, au vœu des dispositions de l’article 19 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, pour statuer en tant que juge du fond en la matière, le recours en réformation, non autrement contesté sous ce rapport, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et dans le délai prévus par la loi.

Monsieur … relève à l’appui de son recours que le ministre de l’Environnement, ci-

après « le ministre », s’est basé dans ses décisions de refus sur une circulaire ministérielle du 27 mai 1994 portant application de la meilleure technologie disponible par la détermination de seuils recommandés pour les rejets dans l’air en provenance des établissements industriels et artisanaux, circulaire qu’il estime cependant être dépourvue de force de loi.

Il expose encore que si le ministre s’est basé sur une expertise de la société LUXCONTROL s.a. aux termes de laquelle la haute concentration en solvants constatée proviendrait probablement du fait « que les filtres en charbon actif de l’installation de dépoussiérage sont raturés », il aurait entre-temps procédé au remplacement de ces filtres et il affirme « que la cabine de peinture est actuellement conforme aux recommandations énoncées par la circulaire ministérielle ».

Il reproche encore aux décisions ministérielles entreprises de reposer sur une étude du TECHNISCHER ÜBERWACHUNGSVEREIN RHEINLAND (TÜV) de 1993 concernant les effets des s sur le voisinage et spécialement sur ceux résultant de la cabine de peinture, étude qui selon lui ne saurait servir de base légale pour une quelconque décision d’interdiction, respectivement de refus, car ne s’agissant que d’une étude, elle n’aurait aucune force probante au Grand-Duché de Luxembourg.

Il relate que suite à une entrevue avec le secrétaire d’Etat à l’époque en charge du dossier il serait apparu que le seul problème restant concernerait la cheminée, qui d’après l’étude du TÜV ne serait pas suffisamment haute. Il affirme être disposé à procéder au rehaussement nécessaire, « à condition que le ministère de l’Environnement lui accorde alors l’autorisation sollicitée ».

En second lieu, le demandeur critique la décision de refus initiale en ce qu’elle ne préciserait pas en quoi le dossier de la demande de la cabine de peinture projetée ne suffit pas aux exigences de l’étude du TÜV et il estime que la décision qui se limiterait à reprendre comme seul motif des formules générales et abstraites, pêcherait par une insuffisance de motivation.

Il reproche enfin en troisième lieu à la décision ministérielle initiale de se référer à l’article 17.2. de la loi du 10 juin 1999 précitée en contestant que son exploitation ne serait pas conforme au plan d’aménagement général de la Ville d’Echternach, le ministre s’étant à ses yeux basé sur une étude dépourvue de toute force légale.

En ce qui concerne plus particulièrement la décision confirmative de rejet du ministre, le demandeur souligne que le ministre se rallie dans cette décision à une note des services de l’administration de l’Environnement, qui se baserait en fait sur les mêmes arguments que l’arrêté ministériel du 13 août 2003. Il réitère à ce sujet ses précédentes critiques selon lesquelles il ne suffirait pas de se référer simplement à des études imprécises pour refuser l’exploitation sollicitée, mais qu’il appartiendrait aux services compétents d’indiquer clairement sous quelles conditions une autorisation peut être accordée, afin de permettre ainsi au demandeur de se conformer aux prescriptions requises.

Le délégué du Gouvernement, avant de prendre position en détail par rapport aux critiques du demandeur, fait valoir au titre d’observations générales que le régime des établissements classés aurait pour but de concilier trois ordres de préoccupations, en l’occurrence le respect de la liberté économique, la sauvegarde de l’ordre public (sécurité, salubrité et commodité) et la défense de l’environnement, pour soutenir qu’en fixant dans son autorisation de nombreuses conditions d’exploitation contraignantes strictement définies et circonstanciées, le ministre n’aurait fait qu’assurer le respect et la sauvegarde des intérêts protégés par la législation en la matière.

Il insiste encore sur le fait que la circulaire critiquée par le demandeur reflèterait les meilleures techniques disponibles auxquelles les autorités doivent impérativement se référer.

Il justifie l’interdiction de l’exploitation de la cabine de peinture par le fait que des émissions significatives de COV dépasseraient considérablement les émissions tolérables au regard des meilleures techniques disponibles, de sorte que l’exploitation de la cabine de peinture par le demandeur violerait l’autorisation lui accordée initialement.

En ce qui concerne la récente installation d’un filtre à charbon actif par le demandeur, le délégué du Gouvernement conteste que cette installation soit de nature à réduire les nuisances constatées, le filtre n’ayant pas été installé correctement et étant de surcroît d’une capacité insuffisante.

Il souligne à ce sujet encore qu’il appartiendrait au demandeur de prouver que son exploitation sera réalisée conformément aux règles de l’art par référence à la meilleure technique disponible.

En ce qui concerne le refus d’exploiter la cabine de peinture demandée, le délégué du Gouvernement se réfère aux résultats de l’étude TÜV, qu’il estime être « vrais et exacts jusqu’à la preuve du contraire » dont il résulterait en application de la « Geruchsimmissions-

Richtlinie » (GIRL) allemande du 13 mai 1998 émise par le « Unterausschuss für Immissionsschutz » que l’exploitation telle que projetée provoquerait une « Zusatzbelastung » de nature à incommoder de manière inadmissible le voisinage. Il constate que le demandeur resterait en défaut de rapporter une quelconque preuve contraire aux conclusions du TÜV.

Il relève encore que les caractéristiques techniques de la cabine de peinture telle que projetée seraient contraires aux prescriptions du TÜV, de sorte que le ministre se serait trouvé dans l’obligation de refuser l’exploitation de la cabine de peinture sollicitée pour des raisons purement techniques.

Enfin, il maintient le moyen basé sur l’article 17.2. de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée.

Monsieur … soutient dans son mémoire en réplique que l’expertise LUXCONTROL aurait été réalisée « dans des conditions atypiques et contraires à l’utilisation normale de la cabine de peinture », de sorte que ses conclusions seraient fausses « car contraires à la réalité et absolument pas démontrées ».

Il maintient encore ses critiques relatives à la circulaire ministérielle invoquée par le ministre, au motif que celle-ci serait dépourvue de toute valeur juridique.

Il affirme que « le seul reproche qu’on peut à l’heure actuelle faire à la … est celui de ne pas avoir rehaussé la hauteur de la cheminée de 6,6 mètres à 10 mètres » et s’engage « en cas d’annulation » à faire « bien entendu rehausser la cheminée à 10 mètres ».

Enfin, il expose les circonstances ayant abouti aux décisions ministérielles entreprises, circonstances se résumant selon lui aux réclamations abusives émanant d’un seul voisin malveillant. Il relève à ce sujet que même les services du ministère de l’Environnement n’auraient pas constaté d’anomalie à l’occasion d’enquêtes répétées.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du Gouvernement maintient que la société LUXCONTROL aurait procédé à des mesurages des émissions de poussières et de carbone organique total de la cabine de peinture de la … selon les règles de l’art, sans que celui-ci ne fasse procéder à une contre-expertise.

Il insiste sur le fait que cette étude repose sur la consommation indiquée par Monsieur … lui-même, de sorte à être basée sur la capacité réelle de la cabine.

Il explique que la haute concentration de carbone organique total constatée est étrangère à la question de la durée de la mise en peinture.

Dans un mémoire supplémentaire déposé après la visite des lieux ordonnée par le tribunal, Monsieur … indique avoir fait procéder entre-temps à une contre-expertise par la société RUK UMWELTANALYTIK sur base des prescriptions du ministre du 10 octobre 2003, retenant comme seuil d’émission la valeur de 50 mg/Nm3 et dont il résulterait que les limites prescrites par le ministre, en tenant compte des critères d’exploitation normale de la , ne seraient pas atteintes.

L’Etat a pris position par rapport à ce mémoire supplémentaire en affirmant que les mesures effectuées par la prédite société RUK UMWELTANALYTIK n’auraient pas été réalisées sur base des données techniques de la cabine de peinture telles qu’indiquées dans le dossier de demande d’autorisation d’octobre 2000. Il en veut pour preuve que le dossier de demande prévoyait un débit de solvant d’environ 3,6 kg/h et un débit d’air de 5.400 m3/h, les analyses de la société RUK UMWELTANALYTIK reposaient sur un débit de solvant de 0,3 kg/h et un débit d’air de 7.970 m3/h, « ce qui a naturellement réduit fortement la concentration des COV ».

Le délégué du Gouvernement souligne encore qu’au cas où l’exploitant entendrait modifier les caractéristiques de la cabine de peinture litigieuse, il devrait introduire un dossier de demande de modification reprenant les nouvelles caractéristiques de celle-ci, conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés et, dans une telle hypothèse, non seulement respecter la valeur limite pour les COV de 50 mg/Nm3 dans les rejets dans l’atmosphère, mais encore d’autres conditions, telle que notamment que la cabine de peinture ne doit pas donner lieu à des nuisances olfactives dans le voisinage, ce qui devrait être attesté par une étude olfactive réalisée par un organisme agréé.

Avant de procéder à l’examen détaillé des moyens du demandeur relatifs aux motifs de refus concrètement critiqués, il y a lieu de toiser d’abord les questions d’ordre général soulevées en cause par le demandeur ayant trait, d’une part, à la valeur légale de la circulaire ministérielle du 27 mai 1994 portant application de la meilleure technologie disponible par la détermination de seuils recommandés pour les rejets dans l’air en provenance des établissements industriels et artisanaux et, d’autre part, à la valeur de l’étude TÜV.

Le tribunal, au regard des divers arguments avancés de part et d’autre, tient de prime abord à rappeler que l’article 13 paragraphe 3 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, attribue une compétence générale au ministre de l’Environnement pour déterminer, en tenant compte des particularités de chaque cas d’espèce, les conditions d’aménagement et d’exploitation visant l’environnement humain et naturel telles que la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et l’élimination des déchets. Ladite loi réserve nécessairement un pouvoir d’appréciation à l’autorité compétente. Cette compétence est cependant circonscrite, en ce que, d'une part, elle ne signifie pas compétence illimitée ou discrétionnaire, mais compétence devant s’exercer dans le cadre tracé par la législation spécifique qui, à supposer qu’elle existe, définit et délimite le pouvoir d’appréciation du ministre. D’autre part, en l’absence de réglementation spécifique, on ne saurait conclure que l’exploitation de l’entreprise ou de l’installation en cause serait permise sans autorisation. L’exigence de pareille autorisation préalable subsiste et le ministre recouvre son pouvoir d’appréciation général, lequel consiste, sous le contrôle du juge, à concilier les intérêts qui s’opposent, à savoir l’intérêt privé et l’intérêt général ou, autrement dit, à concilier le droit de tout citoyen d’appliquer librement son intelligence à toute espèce de travail ou d’industrie avec les droits des autres individus à se voir protéger contre des dangers ou des inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité ou la commodité, soit pour l’environnement humain et naturel (trib. adm. 15 mars 1999, n° 10390, 10521 et 10597, confirmé par Cour adm. 30 mars 2000, n° 11258C, Pas. adm. 2005, V° Etablissements classés, n° 19, et les autres références y citées).

En l’espèce, les pouvoirs du ministre en la matière concernée sont liés par rapport au cadre général posé par les dispositions de l’article 13, paragraphe 1 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés en ce que les conditions d’aménagement et d’exploitation doivent être « nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la (même) loi, en tenant compte des meilleures techniques disponibles, dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs », cadre général précisé par une circulaire datée du 27 mai 1994 portant application de la meilleure technologie disponible par la détermination de seuils recommandés pour les rejets dans l'air en provenance des établissements industriels et artisanaux.

S’il est vrai, ainsi que le relève le demandeur, que les dispositions contenues dans la circulaire ne sauraient avoir un caractère impératif, alors que la possibilité subsiste d’y déroger si des données particulières d’un cas déterminé sont invoquées ou lorsque l’intérêt général l’exige (voir en ce sens : Cour adm. 21 novembre 2002, n° 15006C, Pas. adm. 2005, V° Etrangers, p.271), le ministre peut néanmoins se prévaloir de ces dispositions en tant que motivation factuelle et technique de la meilleure technique applicable qu’il appartient au demandeur, le cas échéant, d’énerver par des contestations suffisamment précises et circonstanciées.

Or, force est en l’espèce de constater que le demandeur, hormis de nier de manière générale et abstraite toute force impérative aux critères contenus dans ladite circulaire, reste en défaut de fournir au tribunal des éléments tangibles, sous forme notamment d’informations d’ordre technique ou de références à des normes spécifiques applicables en la matière, permettant d’écarter les critères contenus dans ladite circulaire ministérielle au profit d’autres normes ou critères.

La même constatation s’impose par ailleurs en ce qui concerne les critiques avancées dans un premier temps par le demandeur à l’égard de l’étude réalisée par le TÜV pour compte du gouvernement du Land allemand Nordrhein-Westfalen, et ayant pour objet précis l’élaboration de directives et de normes relatives à l’aménagement et l’exploitation d’ateliers d’artisans - dont les s - par rapport à leur voisinage. En effet, le demandeur se contente là encore de nier toute valeur à cette étude du fait qu’il ne s’agirait que « d’une étude, n’ayant aucune force probante au Grand-Duché de Luxembourg ».

Or, en l’absence de loi et de règlement applicables en la matière fixant des critères plus précis en droit luxembourgeois, des normes étrangères, notamment allemandes, peuvent être prises en compte non pas pour s’imposer en tant que règles de droit positif dans le cadre du système juridique luxembourgeois, mais en tant que standard de référence par rapport auquel les autorités luxembourgeoises sont admises à s’orienter (trib. adm., 8 juin 2005, 16866a, www.jurad.etat.lu), quitte à pouvoir être écartées par le tribunal si l’administré lui soumet des arguments suffisamment précis et circonstanciés justifiant pourquoi ces normes ne sont pas transposables au Luxembourg ou applicables à sa situation particulière.

En l’espèce, le tribunal ne saurait cependant écarter ni la circulaire ministérielle, ni les conclusions de l’étude TÜV sur base des contestations non circonstanciées du demandeur, les moyens avancés en cause par le demandeur manquant de la précision requise pour énerver utilement la régularité de l’arrêté ministériel litigieux sur ce point.

Le demandeur estime encore que l’arrêté ministériel initial serait insuffisamment motivé et il lui reproche plus particulièrement de ne pas préciser en quoi le dossier de demande ne suffirait pas aux exigences de l’étude TÜV.

En vertu de l’article 6 dudit règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des Communes, toute décision administrative doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande d’un administré ou lorsqu’elle révoque ou modifie une décision antérieure.

En l’espèce, le tribunal constate que la décision déférée du 13 août 2003 répond aux exigences posées par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant donné qu’elle indique expressément les textes légaux sur lesquels elle se fonde, à savoir la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, et que la formulation retenue dans cette décision est claire et précise en retenant comme motifs de refus, respectivement de retrait les trois motifs suivants :

« Considérant, en premier lieu, que la cabine de peinture telle qu’autorisée par l’arrêté N° C 160/82 est exploitée en violation de l’article 1 du chapitre 112 qui dispose que « l’évacuation des émissions de gaz et de poussières doit se faire de la sorte à ne pas incommoder les voisins, ni constituer un risque pour la santé »; que cette violation résulte notamment de l’expertise réalisée par le bureau d’études LUXCONTROL datée au 3 octobre 2002, annexée à la présente; qu’en rejet, les émissions de COV dépassent largement la valeur maximale tolérée de 50 mg/Nm3 ;

Considérant que la configuration actuelle de la cabine de peinture ne permettra techniquement pas une exploitation en dessous de la valeur maximale tolérée; qu’il y a partant lieu d’interdire la continuation de l’exploitation de la cabine de peinture autorisée en 1984; que cette interdiction constitue une modification de l’arrêté N° C 160/82 pour cause de nécessité dûment motivée.

Considérant, en deuxième lieu, l’étude, annexée à la présente, réalisée en l’an 1993 par le « Technischer Überwachungsverein Rheinland (TÜV) » à la demande de la « Landesregierung Nordrhein-Westfalen » concernant les effets des s sur le voisinage et spécialement ceux résultant de la cabine de peinture; qu’il en ressort qu’il est nécessaire de respecter différentes mesures techniques pour protéger le voisinage direct notamment contre les nuisances olfactives; que selon le dossier de demande la cabine de peinture projetée ne suffit pas aux exigences de la prédite étude du « Technischer Überwachungsverein Rheinland (TÜV) » ; que la cabine de peinture projetée n’est partant pas autorisable pour ne pas correspondre à la meilleure technique disponible.

Considérant, en troisième lieu, au regard de l’article 17.2. de la loi du 10 juin 1999 précitée, que la cabine de peinture n’est pas autorisable selon les dispositions du plan d’aménagement général de la Ville d’Echternach, qu’en effet l’établissement est situé dans la zone de construction D, qu’à l’intérieur de cette zone sont également interdites les constructions et installations qui, par leur nature, leur importance, leur étendue, leur volume ou leur aspect seraient incompatibles avec l’hygiène, la sécurité, la commodité ou la bonne tenue des quartiers d’habitation », que le caractère non autorisable de la cabine de peinture se dégage, d’une part, de l’étude du TÜV précitée et, d’autre part, de l’absence de preuve rapportée par M. … du respect de la valeur limite de 50 mg/Nm3 ».

Si cette décision initiale n’indique pas spécifiquement quelles exigences précises de l’étude TÜV ne seraient pas remplies par le dossier de demande de Monsieur …, force est cependant de constater que le ministre a encore précisé sa motivation dans sa décision intervenue en date du 5 novembre 2003 suite au recours gracieux du demandeur relevant notamment ce manque de précision.

S’y ajoute que le demandeur s’est vu préalablement informé par lettre du 11 juin 2002 des intentions du ministre et sur les motifs y afférents, et qu’il a pu présenter ses observations afférentes, lors d’une entrevue en date du 25 février 2003, le ministre ayant ainsi satisfait aux exigences de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, qui oblige l'autorité qui se propose de prendre une décision en dehors d'une initiative de la partie concernée, d'informer celle-ci de son intention en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l'amènent à agir.

Enfin, le tribunal constate que le demandeur s’est vu remettre l’étude TÜV en tant qu’annexe à la décision initiale.

Il s’ensuit que le moyen relatif à une motivation insuffisante de la décision ministérielle initiale est à rejeter.

Le demandeur, dans son mémoire en réplique, affirme que l’expertise LUXCONTROL aurait été réalisée dans des conditions atypiques et contraires à l’utilisation normale de la cabine de peinture.

Le tribunal constate cependant à ce sujet que l’expertise mentionne explicitement (page 15 du rapport LUXCONTROL du 3 octobre 2002) que, en ce qui concerne les mesures effectuées dans le local de peinture et la chaudière « les mesures ont été effectuées alors qu’aux dires du personnel l’activité dans les différents ateliers était à considérer comme habituelle ».

Si le demandeur affirme que la surface mise en peinture à l’occasion des mesures effectuées par LUXCONTROL, à savoir 80 m2 en deux heures et demi, serait de loin supérieure aux surfaces normalement peintes, qui se limiteraient à environ 6 m2 par heure, force est encore de constater que Monsieur … lui-même a confirmé cette surface de 80 m2 par courrier daté du 9 octobre 2002 adressé à LUXCONTROL, et ce sans émettre la moindre réserve ou contestation.

Il résulte encore de l’étude LUXCONTROL critiquée que le local de peinture a été utilisé pour les besoins des mesures avec un débit massique de 3,6 kg de solvants par heure, alors que Monsieur … a lui-même indiqué par courrier du 25 avril 2001 adressé à l’administration de l’Environnement un débit de quelques 4 litres par heure, ce qui conformément aux explications non contestées du délégué du Gouvernement, équivaut à quelques 3 kg par heure, de sorte que le tribunal ne peut que constater que le poids de la peinture utilisée lors des mesures effectuées par LUXCONTROL se rapproche sensiblement des données adressées par le demandeur à l’administration de l’Environnement.

Il s’ensuit que le moyen du demandeur relatif au caractère irréaliste des mesures effectuées par LUXCONTROL est, en l’état actuel du dossier, à écarter.

Cette conclusion n’est pas énervée par la contre-expertise par la société RUK UMWELTANALYTIK, présentée par le demandeur comme ayant été effectuée sur base des prescriptions du ministre du 10 octobre 2003, étant donné qu’il résulte des explications fournies par le délégué du Gouvernement, explications non contestées ou énervées d’une quelconque manière par le demandeur, que ces mesures ont été réalisées sur base de données très largement différentes de celles retenues par LUXCONTROL sur base des indications fournies in tempore non suspecto par le demandeur lui-même.

Le tribunal tient à souligner à ce sujet que le demandeur s’est contenté dans son mémoire supplémentaire à soutenir que les résultats des analyses RUK UMWELTANALYTIK corroboreraient son affirmation selon laquelle son installation de peinture respecterait les limites imposées par le ministre, en renvoyant en substance le tribunal au rapport d’analyse. Or, il aurait appartenu au demandeur de prime abord de rapporter la preuve que l’expertise pratiquée par RUK UMWELTANALYTIK a été réalisée sur base des mêmes prémisses que celle effectuée par LUXCONTROL et ensuite d’indiquer au tribunal les éléments précis permettant de soutenir son affirmation. En effet, si le tribunal est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond en la présente matière, il n’en demeure pas moins que saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré, mais que son rôle ne consiste pas à procéder indépendamment des motifs de la décision déférée à un réexamen général et global de la situation tant juridique que technique du demandeur. Il ne suffit dès lors pas de contester la conclusion d’une décision administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier administratif ou d’une pièce déterminée, mais il appartient au requérant d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation.

Force est encore de constater que le demandeur n’a par la suite pas pris position par rapport aux contestations explicites et circonstanciées du délégué du Gouvernement en ce qui concerne les données retenues pour effectuer cette contre-expertise, de sorte que le tribunal ne saurait, en l’état actuel d’instruction du dossier, tenir compte des résultats de l’expertise RUK UMWELTANALYTIK.

Il résulte des développements qui précèdent que les moyens du demandeur tendant à énerver l’arrêté ministériel déféré, en ce que celui-ci a retenu que la cabine de peinture telle qu’exploitée viole l’autorisation d’exploitation initialement accordée en date du 28 juin 1984 en rejetant des émissions de COV largement supérieures à la valeur maximale tolérée et en ce que l’arrêté ministériel déféré retient que la cabine de peinture projetée ne respecte pas les normes, notamment en matière de protection olfactive, retenues par le TÜV, ne sont, en l’état actuel des arguments avancés, pas fondés.

Cette conclusion n’est pas énervée par les affirmations du demandeur selon lesquelles il serait disposé à rehausser la cheminée à 10 mètres, mais qu’il aurait attendu pour ce faire l’autorisation du ministère. Il convient en effet de rappeler que le tribunal, tout comme le ministre avant lui, est saisi de la question de l’autorisabilité d’une demande déposée sur base d’un dossier déterminé. Le tribunal ne saurait dès lors tenir compte d’éléments simplement allégués non soumis et toisés préalablement par le ministre : il conviendrait le cas échéant au demandeur de présenter un nouveau dossier de demande intégrant ces nouveaux éléments au ministre, avant que le tribunal ne soit susceptible de les toiser suite à la future décision ministérielle à intervenir dans le cadre d’un éventuel futur recours.

Quant aux explications du demandeur relatives aux circonstances particulières dans lesquelles des plaintes auraient été adressées par un ou plusieurs voisins au ministre, il y a lieu de souligner que ces circonstances ne sont en l’espèce pas pertinentes et qu’elles ne sauraient à elles seules justifier une réformation ou annulation de la décision ministérielle.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé, les arrêtés ministériels litigieux étant motivés à suffisance de droit et de fait par le seul constat du non-respect de l’autorisation initiale et des normes de référence, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs respectivement de refus et de retrait invoqués à l’appui de l’arrêté ministériel, ainsi que les moyens y afférents.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 octobre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17218
Date de la décision : 09/10/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-10-09;17218 ?

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