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01/01/1970 | LUXEMBOURG | N°21872

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 701 septembre 2006, 21872


Tribunal administratif N° 21872 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 août 2006 Audience publique du 7… septembre 2006 Recours formé par les époux XXX et XXX XXX - XXX et consorts, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration et une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 21872 du rôle, déposée le 28 août 2006 au greffe du tribunal administratif par

Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats ...

Tribunal administratif N° 21872 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 août 2006 Audience publique du 7… septembre 2006 Recours formé par les époux XXX et XXX XXX - XXX et consorts, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration et une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 21872 du rôle, déposée le 28 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 1er mars 1967 à XXX (Albanie), et de son épouse, Madame XXX XXX, née le 12 mars 1973 à XXX (Albanie), agissant tant en leur nom personnel qu'en celui de leurs enfants mineurs XXX et XXX, tous de nationalité albanaise, ayant été retenus au Centre d'accueil intérimaire au Findel tendant à l’annulation de deux décisions de placement prises le 24 août 2006 par le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration à leur encontre pour une durée d’un mois à partir de leur notification, ainsi que contre une décision orale du ministre de la Justice du 28 août 2006 leur enjoignant de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 août 2006 ;

Vu le courrier daté du 1er septembre 2006 adressé par le litismandataire des requérants au tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en ses plaidoiries à l’audience publique du 6 septembre 2006.

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En date du 18 octobre 2004, Monsieur Martin XXX et son épouse, Madame XXX XXX, accompagnés de leurs enfants mineurs XXX et XXX, ci-après dénommés les « consorts XXX », introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés. Cette demande fut définitivement rejetée par un arrêt de la Cour administrative du 8 novembre 2005, n° du rôle 20172C.

Une nouvelle demande d'asile, déposée en date du 2 mars 2006 par le mandataire des consorts XXX, fut déclarée irrecevable en date du 22 juin 2006 par le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en vertu des dispositions de l'article 23 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, au motif que les demandeurs n'apporteraient aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité qu'ils remplissent les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Le recours gracieux introduit à l'encontre de la décision précitée du 22 juin 2006, fut à son tour rejeté par décision ministérielle du 24 août 2006.

Par deux arrêtés du 24 août 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration ordonna le placement des consorts XXX au Centre d’accueil intérimaire en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois, les deux arrêtés étant motivés comme suit :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu mon arrêté de refus d'entrée et de séjour du 24 août 2006 ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement (…) ».

Par requête déposée le 28 août 2006, inscrite sous le numéro 21872 du rôle, les consorts XXX ont introduit sous le libellé « recours requête en réformation », « le recours qui leur est ouvert en vertu de l’article 15 (9) de la loi du 28 mars 1972 telle que modifiée à l’encontre d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prise en date du 24 août 2006, sans préjudice quant à la date exacte de sa notification, ordonnant la rétention administrative des requérants pour une durée d’un mois au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière situé à proximité de Findel (sic) », ainsi qu’un recours, non autrement précisé, dirigé « à l’encontre d’une décision du ministre de la Justice leur notifiée oralement en date du 28 août 2006 aux termes de laquelle leur était sommé l’ordre de quitter le territoire, faute de quoi il serait procédé à leur éloignement forcé ».

A l’appui de leur recours, les demandeurs rappellent exhaustivement l'ensemble des persécutions dont ils auraient été victimes en Albanie en raison du refus de Monsieur XXX de collaborer avec des personnes qu'il considère être issues du milieu de la « mafia ». Ils se prévalent encore du fait que durant leur absence, des inconnus auraient interrogé des personnes, notamment leurs anciens voisins, pour obtenir des informations sur leur lieu de résidence et que le père de Madame XXX aurait été assassiné en avril 2006. Ils versent à ce sujet l'acte de décès.

Ils se basent en outre sur des attestations des autorités policières de Skoder pour soutenir que les autorités en place seraient dans l'incapacité de protéger leur famille. Sur base de l'ensemble de ces éléments, les demandeurs s'emparent de l'article 14 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l'entrée et le séjour des étrangers; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l'emploi de la main-d'oeuvre étrangère, de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, de l'article 33 de la Convention de Genève, des articles 1er et 3 de la Convention des Nations- Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, des articles 3, 10 et 16 de la Convention relative aux droits des enfants du 20 novembre 1989, approuvée au Grand-Duché de Luxembourg par une loi du 20 décembre 1993, ainsi que des articles 3 et 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, pour conclure qu'ils ne pourraient pas être renvoyés en Albanie sous peine de subir des traitements inhumains et d'être exposés à des persécutions qui pourraient se solder en une perte de leur vie sinon en une atteinte à leur intégrité physique.

Le délégué du Gouvernement pour sa part conclut à titre principal au défaut d’intérêt dans le chef des demandeurs à poursuivre une procédure visant à les faire sortir du Centre de séjour, en relevant que les demandeurs ont été rapatriés en Albanie le 29 août 2006.

Pour le surplus, il estime que les conditions de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée auraient été remplies, de sorte que les demandeurs seraient à débouter de leur recours.

Par courrier adressé le 1er septembre 2006 au tribunal administratif, le litismandataire des demandeurs a tenu à attirer l’attention du tribunal sur le fait que « le recours introduit par le soussigné dans le cadre de l'affaire sous rubrique et enregistré sous le numéro du rôle du 21872 vise uniquement à attaquer les décisions de refoulement, sinon d'expulsion, sous- jacentes à deux décisions de placement prises le 24 août 2006, sous l'angle d'annulation formulée erronément appelé une requête en réformation avec référence à l'article 15(9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 » en insistant sur le fait que « le susdit recours est introduit sous l'angle d'annulation et non celui d'une requête en réformation à l'encontre des mesures de placement ».

Le tribunal relève pour sa part que si la requêtele recours intitulé « recours requête en réformation » affirme dans un premier temps consister dans le recours « ouvert en vertu de l’article 15 (9) de la loi du 28 mars 1972 telle que modifiée à l’encontre d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prise en date du 24 août 2006, sans préjudice quant à la date exacte de sa notification, ordonnant la rétention administrative des requérants », ilmais tendsollicite ensuite dans son dispositif à l’annulation de la « décision du ministre de la Justice », il semblerait actuellement que les demandeurs entendaient en fait solliciter l’annulation des décisions de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacentes aux deux décisions de placement prises le 24 août 2006.

Il appartient dès lors au tribunal, avant tout autre progrès en cause, à de délimiter la portée exacte du présent recours, compte tenu notamment des dispositions de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Il est admis à ce sujet que les termes juridiques employés par un professionnel de la postulation sont à appliquer à la lettre, ce plus précisément concernant la nature du recours introduit, ainsi que son objet, tel que cerné à travers la requête introductive d’instance et précisé, le cas échéant, à travers le dispositif du mémoire en réplique (trib. adm, 16 juin 2005, n° 19368).

Si en l’espèce le dispositif se contente d’évoquer sans autre précision une décision attribuée au ministre de la Justice, il résulte en revanche du début de la requête que celle-ci a un double objet précis, à savoir, d’une part, « une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prise en date du 24 août 2006, sans préjudice quant à la date exacte de sa notification, ordonnant la rétention administrative des requérants pour une durée d’un mois au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière », et, d’autre part, une décision orale attribuée au ministre de la Justice datant du 28 août 2006 enjoignant aux demandeurs de quitter le territoire.

Le tribunal constate encore que les demandeurs identifient dans leur recours la décision critiquée comme étant celle « prononçant une mesure de placement ».

Force est encore de constater que la partie étatique considère de mêmepour les besoins de sa défense le recours comme portant sur les décisions de rétention datées du 24 août 2006 et qu’elle a développé son argumentation, à travers son mémoire en réponse, dans ce cadre précis.

Les demandeurs entendent actuellement procéder à une modification de l’objet de leur recours, en faisant plaider que celui-ci viserait en fait « sous l’angle de l’annulation », les décisions de refoulement, sinon d'expulsion, sous-jacentes à deux décisions de placement prises le 24 août 2006, et non les décisions de placement.

Si une décision d’expulsion ou de refoulement doit se trouver à la base de toute mesure de rétention, une telle décision d’expulsion ou de refoulement constitue néanmoins une décision administrative distincte de la mesure de rétention dont la légalité ne saurait en principe être examinée dans le cadre d’un recours dont l’objet est confiné par la requête introductive d’instance à l’analyse du bien-fondé de l’arrêté ministériel de placement (voir Cour adm. 7 juillet 2005, n° 20030C). En d’autres termes, un recours dirigé contre une décision de rétention n’implique pas ipso facto que le recours soit également dirigé contre la décision d’expulsion ou de refoulement, alors qu’il s’agit de deux actes juridiques distincts, la décision de refoulement ou d’expulsion étant en elle-même une décision susceptible d'un recours en annulation pour les vices qui lui sont propres.

Le tribunal ne saurait partant accepter l’interprétation avancée par le litismandataire des demandeurs dans son courrier du 1er septembre 2006, consistant en fait à vouloir modifier l’objet du recours. En effet, outre que les termes explicites de la requête, qui identifie expressément les décisions de rétention du 24 août 2006 comme étant les actes querellés et qui se rapporte au texte légal précis afférent - l’article 15 (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 -, termes qui excluent le moindre doute quant à l’objet du litige, il convient de souligner que la procédure devant les juridictions administratives étant écrite et le tribunal étant saisi par la requête dûment déposée au greffe dans le délai légal à partir de la notification due ou des actes concernés, requête délimitant part ailleurs également la portée et l’objet du litige à l’égard de la partie défenderesse, une modification de la demande par rapport au recours soumis au tribunal formulée en cours d’instance - de surcroît par simple courrier - est irrecevable.

Il s’ensuit que le contrôle du tribunal se limite aux seules décisions ministérielles de rétention ainsi qu’à la décision orale attribuée au ministre de la Justice comportant ordre pour les demandeurs de quitter le territoire.

En ce qui concerne les deux décisions de rétention soumises au tribunal, le délégué du Gouvernement souligne que les demandeurs ont été rapatriés, et partant remis en liberté, en date du 29 août 2006, de sorte à ne plus avoir d’intérêt à poursuivre une procédure visant à les faire sortir du centre de séjour.

Les demandeurs, dans leur requête introductive d’instance affirment, pour leur part, avoir « un intérêt personnel, direct, né et actuel à introduire le présent recours, alors que la décision critiquée prononçant une mesure de placement à [leur] égard leur cause manifestement un préjudice certain ».

Il résulte encore tant du dispositif du recours que des explications fournies par le litismandataire des demandeurs que ceux-ci ont limité leur recours à la seule annulation des décisions déférées.

En effet, il est constant que les demandeurs ne sont plus à l’heure actuelle placés au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulièred’accueil intérimaire sur base des décisions de placement litigieuses, de sorte qu’une demande à voir mettre un terme, par voie de réformation, aux mesures de placement serait à considérer comme étant devenue sans objet.

En revanche, si dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition toutefois que l’intérêt à agir du demandeur soit vérifié par rapport à cette demande, de sorte que le recours en annulation formulé par les demandeurs en lieu et place du recours en réformation prévu par la loi pourrait sous ces conditions être déclaré recevable.

Il y a cependant lieu de rappeler à ce sujet que l’intérêt à agir doit être personnel et direct, en ce sens qu’il appartient au demandeur d’établir dans quelle mesure une éventuelle annulation de la décision attaquée est susceptible de lui causer une quelconque satisfaction, ainsi que né et actuel, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire un caractère suffisamment certain, de l’intérêt invoqué impliquant qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte soit déclaré recevable (trib. adm. 27 juin 2001, n° 12485, confirmé par arrêt du 17 janvier 2002, n° 13800C, Pas. adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 12).

Il y a encore lieu de souligner que le juge administratif doit seulement avoir égard à ce que le demandeur avance à ce sujet, dès lors qu'il appartient à un demandeur de démontrer son intérêt.

Or en l’espèce les demandeurs n’ont pas pris position par rapport au moyen d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt soulevé par le délégué du Gouvernement, ni n’ont d’une quelconque façon indiqué quel serait leur intérêt à solliciter l’annulation de décisions qui ont cessé tout effet.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent qu’à défaut pour les demandeurs d’avoir avancé un quelconque intérêt à poursuivre l’annulation de décisions dont les effets ont cessé à l’heure actuelle, le recours encourt l’irrecevabilité dans la mesure où il est dirigé contre les décisions de rétention..

En ce qui concerne le recours dirigé « à l’encontre d’une décision du ministre de la Justice leur notifiée oralement en date du 28 août 2006 aux termes de laquelle leur était sommé l’ordre de quitter le territoire, faute de quoi il serait procédé à leur éloignement forcé », le tribunal doit constater que les demandeurs ne fournissent dans leurs écrits aucune précision quant aux circonstances dans lesquelles la décision alléguée aurait été prise, ni ne formulent aucun moyen en fait ou en droit propre à cette décision orale.

Il se dégage dès lors des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait ni constater l’existence effective d’une telle décision, ni utilement mettre en cause la légalité et le bien-fondé de la prétendue décision orale attribuée au ministre de la Justice enjoignant prétendument aux demandeurs de quitter le territoire dans la mesure où les demandeurs restent en défaut de formuler utilement un quelconque moyen de légalité, voire seulement d’invoquer une quelconque base légale susceptible d’étayer leurs prétentions.

Partant, le recours en annulation est à rejeter en ce qui concerne cette prétendue décision orale comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

se déclare compétent pour connaître du recours en annulation ;

déclare le recours irrecevable dans la mesure où il tend à l’annulation des décisions de rétention déférées ;

le déclare non fondé dans la mesure où il tend à l’annulation d’une décision orale attribuée au ministre de la Justice enjoignant aux demandeurs de quitter le territoire ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 7 septembre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Gillardin, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. May, greffier en chef à la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Lenert 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21872
Date de la décision : 01/01/1970

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-09-701;21872 ?

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