La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/09/2006 | LUXEMBOURG | N°21320

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 septembre 2006, 21320


Tribunal administratif N° 21320 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2006 Audience publique du 25 septembre 2006 Recours formé par Monsieur …, … contre trois décisions du ministre des Transports en matière de permis à points

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21320 du rôle et déposée le 27 avril 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, chauffeur professionnel, demeurant à L-…, tendant à la réformation, s

inon à l’annulation de trois décisions du ministre des Transports prises respectiveme...

Tribunal administratif N° 21320 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2006 Audience publique du 25 septembre 2006 Recours formé par Monsieur …, … contre trois décisions du ministre des Transports en matière de permis à points

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21320 du rôle et déposée le 27 avril 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, chauffeur professionnel, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de trois décisions du ministre des Transports prises respectivement les 28 février, 1er mars et 8 mars 2006, la première l'informant qu'il lui restait un crédit de 2 points sur son permis à points, la seconde l'informant qu'il ne lui restait plus de crédit sur ledit permis, et la troisième portant suspension de son droit de conduire un véhicule automoteur pour une durée de 12 mois ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 3 mai 2006 déclarant la demande de sursis à exécution des trois décisions ministérielles non fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en sa plaidoirie.

Par courrier du 28 février 2006, le ministre des Transports informa Monsieur … de ce qu'en raison d'une infraction aux règles du code de la route du 24 janvier 2006, deux points avaient été retirés du capital de points dont était doté son permis de conduire et qu'il lui restait un capital de deux points.

Par courrier du 1er mars suivant, Monsieur … fut informé par ledit ministre de ce qu'en vertu d'une autre infraction aux règles du code de la route, commise le 25 janvier 2006, deux nouveaux points lui avaient été retirés et que son capital de points s'élevait par conséquent à zéro point.

Par arrêté ministériel du 8 mars 2006, le ministre des Transports, se basant sur les dispositions du paragraphe 3 de l'article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ordonna la suspension du droit de Monsieur … de conduire un véhicule automoteur pour une durée de douze mois, en précisant que cette suspension valait également à l’égard des permis de conduire internationaux délivrés à l’intéressé sur le vu de son permis de conduire national.

Par requête déposée en date du 27 avril 2006, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 28 février, 1er mars et 8 mars 2006, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 21321 du rôle, il a introduit une demande tendant à voir ordonner le sursis à l’exécution des prédites décisions.

Par ordonnance du 3 mai 2006, le président du tribunal administratif a déclaré la demande en sursis à exécution non justifiée et en a débouté le demandeur.

Aucun texte de loi ne prévoyant un recours au fond dans la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.

Il s’ensuit que seul un recours en annulation, recours de droit commun, a pu être introduit par le demandeur à l’encontre des décisions ministérielles litigieuses, lequel recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur invoque en premier lieu le moyen de la violation des formes destinées à protéger les intérêts privés. Dans ce contexte, il se plaint de ce que par courrier du 28 février 2006, il a été informé qu'il lui restait deux points et que s'il participait à un cours de formation complémentaire au Centre de formation pour conducteurs à Colmar-Berg, il pourrait se voir accorder une reconstitution de trois points et que, par courrier daté du lendemain, alors qu’il s’était décidé à contacter ledit centre en vue de la fixation d'un rendez-vous, on lui communiquait que son capital de points était réduit à zéro, situation dans laquelle une reconstitution de points par la participation à un cours de formation complémentaire n'est légalement plus possible. Il estime que par cette façon de procéder, l’autorité ministérielle l’aurait privé de la possibilité de procéder à une reconstitution de ses points et qu’elle aurait vidé de la sorte la loi sur le permis à points de tout son sens et de sa vocation éducative.

Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre des Transports n’aurait fait qu’appliquer la loi selon laquelle le paiement d’un avertissement taxé entraînerait de plein droit une réduction du nombre de points affecté au permis de conduire. En réglant les différents avertissements taxés dressés à son encontre entre le 31 mars 2004 et le 25 janvier 2006, le demandeur aurait ainsi accepté la réalité et le caractère pénal des faits lui reprochés. Il souligne encore que le demandeur aurait à chaque fois, conformément aux termes de l’article 15 du règlement grand-ducal modifié du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non résidents ainsi qu’aux mesures d’exécution de la législation en matière de mise en fourrière des véhicules et en matière de permis à points, été en bonne et due forme informé par le ministre des Transports des réductions conséquentes de points et que le même article 15 ne prévoirait pas de délai d’attente entre les différents retraits de points. Le représentant étatique estime encore qu’après avoir commis les infractions des 24 et 25 janvier 2006, le demandeur aurait eu largement le temps de s’inscrire au Centre de formation pour conducteurs à Colmar-Berg afin de reconstituer son capital de points avant de régler les avertissements taxés afférents, de sorte que les décisions litigieuses des 28 février et 1er mars 2006 ne seraient pas atteintes dans leur légalité.

C’est à tort que le demandeur estime que le ministre des Transports aurait violé les formes destinées à protéger ses intérêts privés. En effet, il ressort des éléments du dossier administratif que l’intéressé a commis entre le 7 avril 2004 et le 25 janvier 2006 six infractions au code de la route ayant chacune donné lieu à une réduction de points ce dont le demandeur a été informé par écrit par le ministre des Transports suivant courriers recommandés des 13 et 19 avril 2004, 7 avril 2005, 14 décembre 2005, 28 février et 1er mars 2006. Ces mêmes courriers l’ont également à chaque fois rendu attentif à la possibilité de suivre un cours de formation complémentaire pour reconstituer partiellement le capital de points dont son permis de conduire est affecté, mais il n'en a jamais profité avant le 1er mars 2006, date à laquelle il avait perdu tous ses points et n'avait plus, en vertu du paragraphe 4 de l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955, précitée, la possibilité de suivre un tel cours de formation complémentaire.

S’il est vrai que le courrier du 28 février 2006 l’a informé que son capital résiduel de points s’élevait après l’infraction commise le 24 janvier 2006 à 2 points et qu’il disposait de la possibilité d’une reconstitution de trois points en suivant un cours de formation complémentaire et que celui du 1er mars 2006 l’a informé que son capital de points était réduit à zéro en raison de l’infraction commise le 25 janvier 2006, le fait qu’il se trouve actuellement dans l’impossibilité de reconstituer son capital de trois points ne résulte pas de l’envoi dans l’intervalle d’un jour de ces deux courriers, mais dans le fait qu’il a commis deux infractions au code de la route dans l’intervalle d’un jour seulement, la possibilité de suivre un cours de formation complémentaire en vue de reconstituer le capital de son permis de trois points existant encore après l'infraction du 24 janvier 2006, mais ayant cessé d'exister depuis le paiement de l’avertissement taxé relatif à celle du lendemain.

Le demandeur invoque en ordre subsidiaire une violation du principe de proportionnalité en ce que le retrait automatique de l'intégralité des points de son permis de conduire sans possibilité de recours devant un organe judiciaire l'aurait privé de son droit à un tribunal au sens de l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen en estimant que le retrait administratif d’un permis de conduire encouru après six infractions au code de la route, dont une a été sanctionnée par une condamnation par un tribunal judiciaire, ne violerait pas le principe de proportionnalité.

Force est de constater que la perte de tous les points affectés au permis de conduire du demandeur et la suspension subséquente du permis de conduire, après la commission de six infractions au code de la route dans un laps de temps situé entre le 7 avril 2004 et le 25 janvier 2006, sanctionnées par une décision judiciaire devenue irrévocable, rendue le 11 février 2005 par le tribunal correctionnel de Diekirch, respectivement par cinq avertissements taxés, ne violent pas le principe de proportionnalité invoqué par le demandeur dans le cadre de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En effet, le but assigné à un retrait administratif du permis de conduire est de protéger, pour l’avenir, la sécurité des autres usagers de la route contre des personnes représentant un danger potentiel à leur égard et non celui de sanctionner les personnes concernées pour des faits commis dans le passé. La perte de points et l’annulation du permis qui en découle sont dès lors une sanction administrative, mais soumise aux règles posées par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne, d’une part, le retrait de points suite à la décision judiciaire précitée du tribunal correctionnel de Diekirch, force est d’admettre que ce retrait est la conséquence d’une procédure pénale ayant permis au demandeur de prétendre à un procès devant un tribunal indépendant, à savoir le tribunal correctionnel de Diekirch, qui a condamné le demandeur, condamnation actuellement irrévocable. Pour le surplus, la décision ministérielle de retrait de points, suite à la condamnation pénale devenue irrévocable, est encore susceptible de faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative, par l’introduction d’un recours en annulation, afin de vérifier si l’autorité administrative qui procède au retrait de points a agi à l’issue d’une procédure régulière, faculté dont le demandeur n’a, d’après les éléments soumis au tribunal, pas fait usage.

En ce qui concerne, d’autre part, le retrait de points à la suite des cinq avertissements taxés, il échet de rappeler que la réduction de points est une mesure administrative qui intervient de plein droit, chaque fois que les conditions d’application en sont réunies. Concernant les avertissements taxés, la perte de points intervient au moment du paiement de la taxe, paiement qui implique la reconnaissance implicite par l’auteur de son comportement fautif et l’acceptation tacite du retrait de points.

En effet, le paiement de l’avertissement taxé, effectué dans un délai de 45 jours, à compter de la constatation de l’infraction, s’analyse en une transaction, laquelle a pour effet d’arrêter toute poursuite avec, comme corollaire, la conséquence d’enlever au conducteur la possibilité de voir contrôler devant le juge pénal, seul compétent à cet égard, la réalité des faits à l’origine de l’infraction en cas de contestation.

C’est la raison pour laquelle l’information du conducteur relative à l’existence de la perte de points et au nombre afférent est substantielle afin de garantir ses droits, cette information devant par ailleurs être préalable afin de mettre le conducteur en mesure de payer et de signer l’avertissement taxé en connaissance de cause.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le demandeur a été informé sur le fait que le paiement des avertissements taxés dressés à son encontre était susceptible d’entraîner une réduction de points et qu’il a préféré payer les avertissements taxés plutôt que de contester la réalité de l’infraction qui lui était reprochée devant le juge compétent.

Il s’ensuit que les décisions ministérielles attaquées ne sont pas contraires à l’article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ceci d’autant plus que le retrait d’un certain nombre de points du capital à points ne conduit pas automatiquement à une interdiction de piloter un véhicule sur le territoire luxembourgeois, mais se trouve limité à 8 points maximum du capital initial de 12 points, et que le conducteur visé dispose toujours de la possibilité, sous certaines conditions, de procéder à une reconstitution de trois points dudit capital à points (cf. trib. adm. 24 juin 2004, n° du rôle 17342, confirmé par arrêt du 26 octobre 2004 n° 18266 C, Pas. adm. 2005, V° Transports, n°35).

Le moyen tiré de la violation de l’article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est dès lors également à rejeter.

Le demandeur conclut en ordre plus subsidiaire à une violation du principe de non-rétroactivité de la loi pénale inscrit à l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, « sinon du moins de celui de la légalité des délits et des peines et de celui qui commande de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au désavantage de l'accusé ».

Le délégué du gouvernement rétorque que ledit moyen laisserait d’être fondé au motif, d’une part, que la perte du permis de conduire constituerait une sanction administrative et, d’autre part, que l’incrimination des faits que le demandeur a commis aurait été connue par celui-ci avant leur commission. Il conteste par ailleurs que la loi ait été appliquée en l’espèce de façon excessive, estimant au contraire qu’elle l’aurait été de manière mécanique, la sanction de la suspension du permis de conduire pour une durée de douze mois intervenant automatiquement après la perte de tous les points affectés au permis de conduire.

Dans la mesure où la perte de la totalité des points et la suspension subséquente du permis de conduire pour une durée de douze mois ne constituent pas une sanction pénale mais une sanction administrative, elle ne doit pas satisfaire aux exigences qui régissent la répression pénale elle-même, à savoir les principes de la non-rétroactivité de la loi pénale et de la légalité des délits et des peines.

Le demandeur reste encore en défaut d’expliquer en quoi la loi eût été appliquée de manière extensive à son désavantage. Au contraire, la suspension de son droit de conduire un véhicule automoteur pour la durée de douze mois n’est que la conséquence automatique de la perte de la totalité de ses points suite à des infractions commises aux règles du code de la route sur un laps de temps d’un peu moins de deux ans.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun des moyens et arguments présentés par le demandeur n’est de nature à entraîner l’annulation des décisions attaquées, de sorte que le recours sous analyse est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, premier vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 25 septembre 2006 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 21320
Date de la décision : 25/09/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-09-25;21320 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award