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13/09/2006 | LUXEMBOURG | N°21899

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 septembre 2006, 21899


Tribunal administratif Numéro 21899 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2006 Audience publique du 13 septembre 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21899 du rôle et déposée le 5 septembre 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Krstac (Kosovo), de n...

Tribunal administratif Numéro 21899 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2006 Audience publique du 13 septembre 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21899 du rôle et déposée le 5 septembre 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Krstac (Kosovo), de nationalité serbe, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 août 2006, ordonnant son placement audit Centre de séjour provisoire pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification dudit arrêté ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 septembre 2006.

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A la suite d’une demande d’asile présentée auprès du service compétent du ministère de la Justice le 2 février 2004, Monsieur … se vit refuser la délivrance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève par décision ministérielle du 3 septembre 2004. Le recours contentieux formé par Monsieur … contre cette décision de rejet fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 28 juin 2005.

Une demande en obtention du statut de tolérance formulée par le mandataire de Monsieur … sur base de l’article 13 (3) de la loi du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire fut rejetée par une décision prise le 3 février 2006 par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé le « ministre ».

Une nouvelle demande en obtention du statut de tolérance formulée sur base de l’article 22 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection fut rejetée par décision ministérielle du 13 juin 2006. Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 18 août 2006 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre confirma sa décision initiale le 29 août 2006.

En date du 30 août 2006, le ministre ordonna le placement de l’intéressé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- que l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé dans les meilleurs délais auprès des autorités serbes ;

- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Cet arrêté fut notifié à Monsieur … le même jour et mis en exécution à partir de cette date.

Le lendemain, le ministre prit encore un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur … fondé sur les motifs tirés du défaut de moyens d’existence personnels, du séjour irrégulier au pays et du danger pour l’ordre public.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2006, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 30 août 2006.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté litigieux.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient tout d’abord de manière générale que la décision de placer un étranger au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière devrait rester une mesure exceptionnelle et être limitée au cas où l’étranger en question serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics. Il fait dans ce contexte valoir que le régime de détention applicable aux étrangers placés au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, situé au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg, serait presque identique aux détenus « normaux », à l’exception de ce que les étrangers en question pourraient bénéficier d’un droit illimité à la correspondance, qu’ils seraient dispensés de l’obligation de travail et qu’ils seraient autorisés à téléphoner une fois par semaine.

Tout en ayant exposé ces considérations d’ordre général, le demandeur n’a pas formulé de moyen afférent qui serait de nature à aboutir, le cas échéant, à la réformation de la décision entreprise, de sorte que le tribunal n’a pas à prendre position par rapport à ces considérations d’ordre général, étant relevé pour le surplus que le demandeur ne se trouve pas détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, mais placé dans le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, établissement qui est distinct du Centre pénitentiaire à travers l’existence d’un bloc réservé à ces fins, même s’il se trouve localisé matériellement dans l’enceinte du Centre pénitentiaire. Il y a lieu de retenir plus particulièrement que le placement des retenus au bloc C du Centre pénitentiaire et le régime leur appliqué suite aux événements du 30 janvier 2006 ont été considérés comme une situation qui doit être reconnue comme restant acceptable (cf. Cour adm. 16 mars 2006, n° 21088 ; Cour adm. 16 mars 2006, n° 21089 ; Cour adm. 30 mars 2006, n° 21163 ; Cour adm.

16 mars 2006, n° 21164C, non encore publiés).

En second lieu, le demandeur reproche au ministre d’avoir motivé la décision litigieuse de manière insuffisante, en se limitant à énoncer dans l’arrêté critiqué que Monsieur … serait susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement et qu’il existerait de ce fait un danger de fuite dans son chef.

Force est cependant de constater qu’il se dégage du libellé ci-avant transcrit de l’arrêté ministériel du 30 août 2006 que ce dernier est motivé à suffisance tant en droit qu’en fait, le demandeur n’ayant nullement pu se méprendre sur la nature et la portée de l’arrêté et ayant pu assurer en parfaite connaissance de cause la sauvegarde de ses intérêts légitimes.

Le moyen afférent du demandeur laisse partant d’être fondé.

Le demandeur critique ensuite que le ministre se serait borné à invoquer un risque de fuite dans son chef, alors qu’un simple et prétendu risque par lui de se soustraire à une mesure d’éloignement ne saurait à lui seul constituer un motif suffisant pour justifier son placement.

Force est de constater à cet égard qu’il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base de l’article 15 de ladite loi de 1972, en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, dont l’exécution était impossible en raison de circonstances de fait, de sorte qu’il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant en principe leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise. Ce moyen du demandeur est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Le demandeur critique encore que l’arrêté déféré ne mentionne pas l’existence de circonstances de fait qui rendraient impossible l’exécution immédiate de la mesure d’éloignement à son égard et que le ministre resterait en défaut de justifier de l’accomplissement des démarches nécessaires en vue de son éloignement du pays dans les meilleurs délais et afin d’écourter au maximum sa privation de liberté.

Le ministre compétent est dans l’impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son refoulement immédiat et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé et desdits documents. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur lui a conféré un délai initial maximal d’un mois pour obtenir de la part des autorités étrangères concernées les documents de voyage nécessaires.

En l’espèce, il ressort des pièces et éléments incontestés du dossier qu’un arrêté de refus d’entrée et de séjour a été pris en date du 31 août 2006 à l’encontre de Monsieur … et que celui-ci est dépourvu d’un titre de voyage valable.

Or, à défaut de papiers de légitimation et de voyage dans le chef du demandeur, le ministre se voyait effectivement dans l’impossibilité d’une exécution immédiate de la mesure de refoulement prise et il est tenu d’obtenir des autorités serbes un laissez-passer pour que la mesure d’éloignement puisse être exécutée, cette dernière circonstance étant par ailleurs expressément mentionnée par l’arrêté litigieux.

Il s’ensuit que la condition légale de l’impossibilité d’un éloignement immédiat se trouve vérifiée en l’espèce, de sorte que le ministre a pu ordonner le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et le moyen afférent du demandeur est à rejeter.

Quant aux démarches entreprises par le ministre, il ressort des éléments en cause que les autorités serbes avaient dès le mois de février 2006 donné leur accord de principe pour la délivrance d’un laissez-passer au nom de Monsieur …, soit déjà avant la décision de placement litigieuse, et qu’une nouvelle demande de délivrance d’un laissez-passer a été adressée aux dites autorités serbes en date du 5 septembre 2006.

Il s’ensuit que le moyen relatif à l’insuffisance des démarches accomplies par le ministre laisse également d’être fondé.

Concernant finalement l’affirmation du demandeur qu’il serait originaire du Kosovo et que partant le ministre aurait dû lui accorder un statut de tolérance provisoire, il échet de retenir que ladite affirmation n’est pas de nature à mettre en cause la légalité de la décision de placement du 30 août 2006, seule décision critiquée par le recours sous analyse.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 septembre 2006 par :

M. Ravarani, président, Mme Lenert, vice-président, M. Spielmann, juge, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21899
Date de la décision : 13/09/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-09-13;21899 ?

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