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13/09/2006 | LUXEMBOURG | N°21849

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 septembre 2006, 21849


Tribunal administratif Numéro 21849 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 août 2006 Audience publique du 13 septembre 2006 Recours formé par Monsieur … et son épouse Madame … et consort, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 21849 du rôle et déposée le 18 août 2006 au greffe du tribunal administrati

f par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à...

Tribunal administratif Numéro 21849 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 août 2006 Audience publique du 13 septembre 2006 Recours formé par Monsieur … et son épouse Madame … et consort, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 21849 du rôle et déposée le 18 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Gniljane (Kosovo) et de son épouse, Madame …, née le … à Gniljane, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leur enfant mineur Marko, né le … à Gniljane, tous de nationalité serbe, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 juillet 2006 déclarant irrecevable leur demande en obtention d’une protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 août 2006 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2006 par Maître Nicky STOFFEL pour compte des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 13 septembre 2006.

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Par arrêt du 17 mars 2005 (n° 19006 C du rôle) la Cour administrative confirma définitivement deux décisions du ministre de la Justice des 18 mars et 24 mai 2004 rejetant comme non fondée la demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mars 1953 et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, introduite le 28 juillet 2003 par Monsieur … et Madame …, tant en leur nom personnel ainsi qu’en celui de leurs enfants mineurs …, ci-après dénommés « les consorts … ».

Suivant courrier de leur mandataire du 18 avril 2005, les consorts … sollicitèrent de la part du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires respectivement la reconnaissance d’un statut de tolérance conformément à l’article 13 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ;

2) d’un régime de protection temporaire.

Par décision du 11 mai 2005, le ministre accorda aux consorts … une tolérance provisoire jusqu’au 31 octobre 2005, tolérance qui fut prolongée suivant décision du 17 novembre 2005 jusqu’au 31 mai 2006.

Suite à une nouvelle demande datée au 19 mai 2006 en vue de la prolongation de la mesure de tolérance, le ministre, en vertu de l’article 22 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 », prolongea la tolérance provisoire jusqu’au 30 novembre 2006.

En date du 12 juillet 2006, le mandataire des consorts … introduisit une demande en réexamen du « dossier d’asile politique » de ses mandants, estimant que « certains points précisés lors de leur audition n’ont pas été pris en considération à leur juste valeur par les décisions négatives intervenues ».

Par décision du 17 juillet 2006, le ministre rejeta la demande des consorts … aux motifs suivants :

« Par la présente, j’accuse réception de votre courrier du 12 juillet 2006 dans lequel vous demandez le « réexamen du dossier d’asile politique » de vos mandants Monsieur et Madame …-… et leurs enfants mineurs.

Il ressort du dossier de vos mandants qu’ils ont déposé une première demande d’asile le 28 juillet 2003, demande qui a été rejetée comme non fondée par une décision du 18 mars 2004. La demande d’asile a été définitivement rejetée par la Cour administrative en date du 17 mars 2005. Vos mandants ont invoqué à la base de cette demande leur appartenance à la minorité serbe du Kosovo. Ils auraient habité à Koretista, respectivement à Kusce, commune de Gniljane à prédominance serbe. Vos mandants font également état d’incidents ayant eu lieu en 1999. En 2002 des albanais auraient cassé le pare-brise de la voiture de votre mandant. Depuis 2002, vos mandants n’auraient plus eu de problèmes similaires.

Vos mandants bénéficient du statut de tolérance depuis le 11 mai 2005.

Vous motivez votre nouvelle demande en estimant que certains points lors des auditions de vos mandants « n’ont pas été pris en considération à leur juste valeur par les décisions négatives intervenues ». Vous vous bornez à rappeler dans votre courrier que vos mandants appartiennent à la minorité serbe de confession orthodoxe résidant à Gniljane, une enclave serbe. Vous faites également état d’un arrêt de la Cour d’appel du 30 juin 2005 accordant le statut de réfugié à une famille serbe de Pasjane et dites que la situation de la famille … serait similaire.

Je suis toutefois au regret de vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, votre demande de protection internationale pour le compte de vos mandants Monsieur et Madame …-… et leurs enfants mineurs est irrecevable au motif que vous n’avez présenté aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité qu’il remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale. Vous ne faites pas état d’éléments nouveaux et le simple fait que la Cour administrative ait accordé le statut de réfugié à une autre famille ne saurait avoir d’incidence directe sur la situation personnelle de vos mandants.

La nouvelle demande en obtention d’une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable (…) ».

Le 18 août 2006, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la prédite décision du ministre du 17 juillet 2006.

Aucun recours au fond n’étant prévu à l’encontre d’une décision ministérielle d’irrecevabilité prise sur base de l’article 23 (1) de la loi du 5 mai 2006, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les consorts … justifient leur nouvelle demande en obtention d’une protection internationale « par le fait que d’autres familles dans des situations similaires ont pu obtenir le statut de réfugié politique ». Dans ce contexte, les demandeurs se réfèrent à un arrêt rendu par la Cour administrative en date du 30 juin 2005 (n° 19631 C du rôle) duquel il ressortirait que des personnes contraintes de vivre dans une enclave serbe dans la commune de Gniljane au Kosovo se verraient reconnaître le statut de réfugié, étant donné qu’il ne serait pas possible de quitter cette enclave en l’absence d’une protection rapprochée par des militaires de la KFOR. Comme ledit arrêt de la Cour administrative serait postérieur à la décision de la Cour administrative du 17 mars 2005 les ayant définitivement déboutés de leur demande d’asile, les demandeurs s’estiment en droit de pouvoir profiter de ce revirement jurisprudentiel, de sorte que leur demande de réexamen aurait été déclarée à tort irrecevable.

Le délégué du gouvernement estime que les consorts … se contenteraient de reproduire les mêmes faits que ceux produits dans le cadre de la première demande d’asile et que si l’arrêt de la Cour administrative du 30 juin 2005 viserait également une famille serbe du Kosovo, force serait de constater que les faits reproduits audit arrêt ne seraient pas les mêmes que dans la présente affaire. Pour le surplus, les consorts … auraient eux-mêmes admis dans le cadre de la première procédure d’asile que depuis 2001 ils n’auraient pas connu d’autres problèmes dans leur pays d’origine. Partant, le simple fait que la Cour administrative, dans le cadre d’un examen individuel d’une demande d’asile d’une autre famille serbe du Kosovo, ait reconnu le statut de réfugié à cette famille ne saurait avoir une incidence directe sur la situation personnelle des consorts … dont la situation ne serait pas identique.

Dans leur mémoire en réplique, les consorts … répètent qu’ils vivraient dans la même commune que les personnes auxquelles le statut de réfugié a été accordé par l’arrêt de la Cour administrative du 30 juin 2005. Pour le surplus, un rapport de l’UNHCR, datant du mois de juillet 2006, démontrerait que les minorités ethniques au Kosovo « devraient être encore considérées comme courant un risque de persécution et continuer à bénéficier de la protection internationale des pays d’asile ».

Aux termes de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 :

« (1) Le ministre considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle la protection internationale a été définitivement refusée ou d’une personne qui a explicitement ou implicitement retiré sa demande de protection internationale, à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

(2) Le demandeur concerné devra indiquer les faits et produire les éléments de preuve à la base de sa nouvelle demande de protection internationale dans un délai de 15 jours à compter du moment où il a obtenu ses informations. Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire prévu au paragraphe (1) en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien ».

Le droit à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’instruction d’une demande de protection internationale est ainsi conditionné par la soumission d’éléments qui, d’une part, doivent être invoqués dans un délai de 15 jours à compter du moment où le demandeur les a obtenus et, d’autre part, augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire.

Or, indépendamment de la considération si les consorts … ont invoqué les « éléments ou faits nouveaux », à savoir l’arrêt de la Cour administrative du 30 juin 2005, dans le prédit délai de 15 jours, force est de constater qu’ils n’invoquent pas des éléments ou des faits nouveaux par rapport aux motifs ayant été à la base de leur demande initiale, tels que transcrits dans les deux rapports d’audition des 12 septembre et 1er octobre 2003, motifs que le ministre de la Justice n’a pas jugé suffisants dans ses décisions des 18 mars et 24 mai 2004 pour conférer le statut de réfugié au consorts …. En effet, ceux-ci se bornent à faire état d’un arrêt rendu par la Cour administrative en date du 30 juin 2005 dans une autre affaire, retraçant des faits extrinsèques à leur propre situation dans leur pays d’origine et continuent à se prévaloir en substance des mêmes faits que dans le cadre de la première procédure de demande d’asile, à savoir leur appartenance à la communauté serbe vivant dans l’enclave de la commune de Gniljane au Kosovo.

Il s’ensuit que les consorts …, résidant au Luxembourg depuis le mois de juillet 2003 et n’étant plus retournés dans leur pays d’origine, entendent étayer les mêmes motifs de fuite déjà avancés par eux en 2003, rejetés par les premières décisions ministérielles de refus, confirmées par les décisions du tribunal administratif du 15 novembre 2004 et de la Cour administrative du 17 mars 2005. Partant, leur nouvelle demande ne contient pas des éléments ou faits nouveaux au sens de l’article 23 cité ci-avant et ne saurait dès lors fonder une nouvelle demande de protection internationale. Le tribunal ne saurait tenir compte de l’argumentation actuelle des consorts … sans heurter l’autorité de chose jugée dont est revêtu l’arrêt de la Cour administrative du 17 mars 2005 ayant tranché définitivement les moyens et faits présentés par les consorts … et les ayant déboutés de leur demande d’asile.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale sous analyse comme étant irrecevable en application de l’article 23 (1) de la loi du 5 mai 2006, les consorts … ne fournissant aucun élément ou fait nouveau qui augmenterait de manière significative la probabilité qu’ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours introduit par les demandeurs est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 septembre 2006 par :

M. Ravarani, président, Mme Lenert, vice-président M. Spielmann, juge, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21849
Date de la décision : 13/09/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-09-13;21849 ?

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