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07/09/2006 | LUXEMBOURG | N°21881

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 septembre 2006, 21881


Tribunal administratif Numéro 21881 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 août 2006 Audience publique du 7 septembre 2006 Recours formé par Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21881 du rôle et déposée le 31 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Sébastien RIMLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, déc

larant être né le 10 février 1982 à XXX (Liberia) et être de nationalité libérienne,...

Tribunal administratif Numéro 21881 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 août 2006 Audience publique du 7 septembre 2006 Recours formé par Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21881 du rôle et déposée le 31 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Sébastien RIMLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, déclarant être né le 10 février 1982 à XXX (Liberia) et être de nationalité libérienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 juillet 2006, prorogeant pour une durée d'un mois son placement audit Centre de séjour provisoire institué initialement par arrêté du même ministre du 12 juillet 2006 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en ses plaidoiries à l’audience publique du 6 septembre 2006.

______________________________________________________________________________

En date du 27 mai 2004, Monsieur XXX XXX, né le 10 février 1982 à Sinkor (Liberia), alias XXX XXX, né le 10 février 1982 à Port-Harcourt (Nigeria), présenta une demande en reconnaissance du statut de réfugié, laquelle fut rejetée comme n’étant pas fondée par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », du 28 avril 2005, confirmée suite à l’introduction d’un recours contentieux par Monsieur XXX par jugement du tribunal administratif du 24 octobre 2005, l’appel contre ce jugement ayant été déclaré irrecevable par arrêt de la Cour administrative du 14 mars 2006.

En date du 31 mars 2006, le ministre prit à l’encontre de Monsieur XXX un arrêté de refus d’entrée et de séjour fondé sur les motifs tirés du défaut d’un titre de voyage valable, du défaut de moyens d’existence personnels, du séjour irrégulier au pays et du danger pour l’ordre et la sécurité publics.

Le même jour, le ministre ordonna également le placement de Monsieur XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de ladite décision dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois. Cette dernière mesure fut prorogée une première fois par un arrêté ministériel du 8 mai 2006 et une deuxième fois suivant arrêté ministériel du 8 juin 2006.

Le recours introduit par Monsieur XXX contre la première décision de placement du 31 mars 2006 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 19 avril 2006.

Par courrier du 10 juillet 2006, le ministre saisit la direction générale de la police grand-

ducale d’une demande de faire signaler et de découvrir la résidence actuelle de Monsieur XXX.

En date du 12 juillet 2006, Monsieur XXX fit l’objet d’un nouvel arrêté ministériel ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Cette décision est fondée sur les considérations et motifs suivants:

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le procès-verbal no 935 - 2 du 12 juin 2006 établi par la Police grand-ducale;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 31 mars 2006 lui notifié ;

Considérant que l’intéressé est dépourvu du visa requis ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

-

qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

-

que l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités nigérianes ;

-

qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Cet arrêté fut notifié à Monsieur XXX le 27 juillet 2006 et mis en exécution à partir de la même date.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 août 2006, Monsieur XXX fit introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 12 juillet 2006. Ce recours fut rejeté comme non fondé par jugement du tribunal administratif du 16 août 2006, numéro 21814 du rôle, l’appel interjeté contre ce jugement ayant été retiré par le demandeur.

En date du 23 août 2006, le ministre prit un arrêté ordonnant la prorogation de la mesure de placement de Monsieur XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification aux motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 12 juillet 2006 décidant du placement temporaire de l'intéressé ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités nigérianes ;

-

qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement (…) ».

Par requête déposée le 31 août 2006 au greffe du tribunal administratif, Monsieur XXX a fait introduire un recours en réformation et subsidiairement en annulation à l'encontre de la décision de prorogation du 23 août 2006.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il vivrait depuis 2004 une «relation amoureuse» avec Mademoiselle XXX XXX, de nationalité luxembourgeoise, qu’ils vivraient ensemble depuis un an, que sa compagne serait enceinte de 8 mois et qu’il serait le père de l’enfant.

Il soutient que la décision de placement litigieuse violerait l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale, au motif qu’elle constituerait une ingérence injustifiée dans sa vie familiale et privée. Il fait valoir dans ce contexte qu’il leur serait difficile de s’installer dans un autre pays dans la mesure où sa compagne s’adonnerait à une activité rémunérée au pays.

Il conteste encore avoir vendu des drogues.

Le demandeur estime ensuite que la mesure de placement litigieuse violerait l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce qu’elle constituerait un traitement inhumain et dégradant dans la mesure où son éloignement l’empêcherait de connaître et de voir son enfant et qu’elle serait « non proportionnelle, non nécessaire et non justifiable ».

Dans son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement fait exposer qu’en mai 2004, le demandeur avait introduit une demande d’asile sous l’identité de XXX XXX, déclarant être originaire du Liberia, et que cette demande aurait été définitivement rejetée par un arrêt de la Cour administrative du 14 mars 2006. Il précise que le demandeur se serait entre-temps fait connaître comme trafiquant de drogues et qu’il aurait fait l’objet de trois mesures de placement entre avril et juin 2006 sans qu’il n’ait pu être rapatrié. Il se serait alors avéré que le demandeur aurait indiqué une fausse identité et que son véritable nom serait XXX XXX et qu’il serait originaire du Nigeria. Il ajoute qu’en date du 9 août 2006, l’intéressé aurait été présenté à l’ambassade du Nigeria à Bruxelles et que par courrier du 21 août 2006, l’ambassade aurait informé le ministre qu’elle avait obtenu des informations utiles concernant le requérant, informations qu’elle chercherait actuellement à confirmer.

Le représentant étatique conteste ensuite les affirmations du demandeur quant à l’existence d’une vie familiale, d’une future paternité et d’une activité salariée régulière de la prétendue amie du demandeur, à défaut d’avoir versé des pièces à l’appui. Même à supposer établie une vie familiale, il estime que l’ingérence serait justifiée au regard de l’usage d’une fausse identité par le demandeur dans le cadre de sa demande d’asile et du fait de s’être livré à un trafic de drogues, notamment près des écoles, ainsi que cela résulterait d’un rapport de la police grand-ducale du mois de juin 2006.

Quant au moyen tiré d’une violation de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ledit moyen ne serait pas autrement explicité ni circonstancié, de sorte qu’il serait à rejeter comme non fondé.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté litigieux. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

Force est au tribunal de constater que les seuls moyens présentés par le demandeur pour contester la légalité et la régularité de la décision de prorogation soumise au tribunal consistent à soutenir que sa rétention, en tant que telle, violerait l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, garantissant une vie familiale ainsi que l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il échet cependant de relever que le demandeur a déjà soulevé les mêmes moyens dans le cadre de son recours dirigé à l’encontre de l’arrêté ministériel du 12 juillet 2006 ayant ordonné son placement initial au Centre de séjour provisoire, sans apporter un quelconque élément nouveau se rapportant spécifiquement à la décision de prorogation, et que le tribunal a rejeté ces moyens dans son jugement du 16 août 2006.

Dans la mesure où les moyens prévisés ont ainsi été rejetés par la décision judiciaire prévisée du 16 août 2006, il n’y a plus lieu d’y revenir au vu de l’autorité de chose jugée attachée actuellement à cette décision, décision que le demandeur n’a d’ailleurs pas poursuivie en instance d’appel.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse, en l’absence de tout autre moyen utile, n’est justifié en aucun de ses moyens et doit partant être rejeté comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 septembre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Gillardin, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. May, greffier en chef à la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21881
Date de la décision : 07/09/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-09-07;21881 ?

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