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07/09/2006 | LUXEMBOURG | N°21876

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 septembre 2006, 21876


Tribunal administratif N° 21876 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 août 2006 Audience publique du 7 septembre 2006 Recours formé par les époux … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21876 du rôle et déposée le 28 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Cédric HIRTZBERGER, avocat à la Cour, inscri

t au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie), et ...

Tribunal administratif N° 21876 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 août 2006 Audience publique du 7 septembre 2006 Recours formé par les époux … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21876 du rôle et déposée le 28 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Cédric HIRTZBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie), et de son épouse, Madame …, née le … (Albanie), ainsi qu'en celui de leurs enfants mineurs … , tous de nationalité albanaise, ayant été retenus au Centre d’accueil intérimaire, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux décisions de placement prises le 24 août 2006 par le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration à leur encontre pour une durée d’un mois à partir de leur notification ;

Vu l’ordonnance du premier juge du tribunal administratif du 29 août 2006 déclarant irrecevable une demande déposée par les époux …-…, visant à voir « suspendre les effets de la décision de Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères du 24 août 2006 visant à placer les requérants en vue de leur éloignement forcé du territoire national » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 août 2006 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er septembre 2006 par Maître Cédric HIRTZBERGER au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Cédric HIRTZBERGER et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 septembre 2006.

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Par arrêté du 24 août 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration ordonna pour une durée d'un mois à partir de la notification de la décision en question le placement de Monsieur … et de son épouse, Madame …, ainsi que celui de leurs enfants mineurs … au Centre d’accueil intérimaire en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois, les deux arrêtés étant motivés comme suit :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu mon arrêté de refus d'entrée et de séjour du 24 août 2006 ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement (…) ».

Par requête déposée le 28 août 2006, portant le numéro 21876 du rôle, les consorts …-… ont fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre ces deux arrêtés ministériels.

Par requête du même jour, portant le numéro 21877 du rôle, les demandeurs ont encore fait introduire un recours visant à voir « suspendre les effets de la décision de Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères du 24 août 2006 visant à placer les requérants en vue de leur éloignement forcé du territoire national », recours déclaré irrecevable par ordonnance du premier juge du tribunal administratif du 29 août 2006.

A l’appui de leur recours au fond, les demandeurs rappellent l'ensemble des persécutions dont ils auraient été victimes en Albanie. Ils font encore valoir qu'une mesure d'éloignement ne serait pas compatible avec les droits de la défense dont ils pourraient se prévaloir et expliquent à ce sujet que « concrètement, si la mesure d'éloignement devait avoir lieu, [leur] mandataire (…) n'aurait plus les moyens de défendre de la meilleure façon qu'il soit les intérêts de ses mandants, alors que l'éloignement deviendrait un obstacle évident ».

Ils considèrent encore les décisions de rétention seraient nulles, au motif qu’ils n’auraient eu aucune connaissance d'une décision d'expulsion ou de refoulement ayant précédé la décision de placement qui leur a été notifiée.

Ils font plaider qu’à défaut de motivation expresse les décisions déférées devraient être déclarées non fondées, sinon être annulées pour violation de l'article 6 du règlement grand-ducal de 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Enfin, ils insistent encore sur le fait que les décisions déférées porteraient préjudice à leurs droits de la défense « alors que si cette mesure d'éloignement devait devenir effective, [ils] ne seraient plus en mesure de faire valoir, de manière efficace, leur droits. En effet, un tel éloignement ne saurait permettre au mandataire des requérants de préparer une défense au mieux de leurs intérêts ».

Le délégué du Gouvernement, pour sa part, conclut à titre principal au défaut d’intérêt dans le chef des demandeurs à poursuivre une procédure visant à les faire sortir du Centre de séjour, en relevant que les demandeurs ont été rapatriés en Albanie le 29 août 2006.

Pour le surplus, il estime que les conditions de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers auraient été remplies, de sorte que les demandeurs seraient à débouter de leur recours.

Les demandeurs, dans leur mémoire en réplique, se rapportent à prudence de justice en ce qui concerne le prédit moyen d’irrecevabilité, mais font néanmoins plaider qu’ils estiment avoir toujours intérêt à poursuivre « cette procédure ».

Ils exposent qu'en l'espèce, les décisions déférées seraient contraires à l'exercice efficace de leurs droits de la défense, étant donné que leur refoulement en Albanie intervenu le 29 août dernier restreindrait significativement « les possibilités offertes à leur mandataire de les défendre de la meilleure façon qu’il soit » et estiment « que cette situation est en parfaite contradiction avec le principe même reconnu par la Convention européenne des droits de l'homme qui est celui du procès équitable » , étant donné qu’il serait « impensable de considérer que les requérants puissent présenter une défense efficace, alors qu’ils se trouvent à plusieurs milliers de kilomètres de leur mandataire ».

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre les décisions litigieuses.

Il est constant en cause que les demandeurs ne sont plus à l’heure actuelle placés au Centre d’accueil intérimaire sur base des décisions de placement litigieuses, de sorte que la demande des consorts …-… tendant à la réformation des décisions litigieuses et par conséquent à voir mettre un terme aux mesures de placement prises à leur égard, est dès lors à considérer comme étant devenue sans objet.

En revanche, si dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut encore à titre subsidiaire à l’annulation de la décision attaquée, ce recours en annulation est recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition toutefois que l’intérêt à agir du demandeur soit vérifié par rapport à cette demande en annulation, de sorte que le recours en annulation formulé à titre subsidiaire par les demandeurs pourrait sous ces conditions être déclaré recevable.

Il y a cependant lieu de rappeler à ce sujet que l’intérêt à agir doit être personnel et direct, en ce sens qu’il appartient au demandeur d’établir dans quelle mesure une éventuelle annulation de la décision attaquée est susceptible de lui causer une quelconque satisfaction, ainsi que né et actuel, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire un caractère suffisamment certain, de l’intérêt invoqué impliquant qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte soit déclaré recevable (trib. adm. 27 juin 2001, n° 12485, confirmé par arrêt du 17 janvier 2002, n° 13800C, Pas. adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 12).

Il y a encore lieu de souligner que le juge administratif doit seulement avoir égard à ce que le demandeur avance à ce sujet, dès lors qu'il appartient à un demandeur de démontrer son intérêt.

Or en l’espèce les demandeurs n’ont pas pris position par rapport au moyen d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à poursuivre l’annulation des décisions de rétention soulevé par le délégué du Gouvernement, ni n’ont d’une quelconque façon indiqué quel serait leur intérêt à solliciter l’annulation des décisions de rétention qui ont cessé tout effet, tant les moyens invoqués par les demandeurs que l’intérêt mis par eux en avant ayant en effet trait aux décisions de refoulement sous-jacentes aux décisions de rétention, mais non aux décisions de rétention per se, pourtant seules litigieuses en l’espèce.

Si une décision d’expulsion ou de refoulement doit se trouver à la base de toute mesure de rétention, une telle décision d’expulsion ou de refoulement constitue néanmoins une décision administrative distincte de la mesure de rétention dont la légalité ne saurait en principe être examinée dans le cadre d’un recours dont l’objet est confiné par la requête introductive d’instance à l’analyse du bien-fondé de l’arrêté ministériel de placement (voir Cour adm. 7 juillet 2005, n° 20030C). En d’autres termes, un recours dirigé contre une décision de rétention n’implique pas ipso facto que le recours soit également dirigé contre la décision d’expulsion ou de refoulement, alors qu’il s’agit de deux actes juridiques distincts, la décision de refoulement ou d’expulsion étant en elle-même une décision susceptible d'un recours en annulation pour les vices qui lui sont propres.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent qu’à défaut pour les demandeurs d’avoir avancé un quelconque intérêt à poursuivre l’annulation de décisions dont les effets ont cessé à l’heure actuelle, le recours en annulation encourt l’irrecevabilité.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

dit que le recours en réformation est devenu sans objet;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 septembre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Gillardin, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. May, greffier en chef à la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21876
Date de la décision : 07/09/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-09-07;21876 ?

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