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30/08/2006 | LUXEMBOURG | N°21864

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 août 2006, 21864


Tribunal administratif Numéro 21864 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2006 Audience publique du 30 août 2006 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21864 du rôle et déposée le 24 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’

Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 14 octobre 1976 à XXX (Armé...

Tribunal administratif Numéro 21864 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2006 Audience publique du 30 août 2006 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21864 du rôle et déposée le 24 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 14 octobre 1976 à XXX (Arménie), de nationalité arménienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 août 2006 prorogeant son placement audit Centre de séjour provisoire pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 août 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Daniel BAULISCH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 août 2006.

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A la suite d’une demande d’asile présentée auprès du service compétent du ministère de la Justice le 3 octobre 2002, Monsieur XXX XXX, préqualifié, se vit refuser la délivrance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève par décision ministérielle du 20 août 2003. Le recours contentieux formé par Monsieur XXX contre cette décision de rejet fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 8 juillet 2004.

Une demande d’asile subséquente du demandeur, introduite en date du 24 janvier 2005 auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, fut déclarée irrecevable par décision ministérielle du 17 mai 2005.

Une troisième demande d’asile introduite le 29 novembre 2005 fut déclarée irrecevable par décision ministérielle du 21 décembre 2005 et le recours contentieux formé par Monsieur XXX contre cette décision d’irrecevabilité fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 20 février 2006, ledit jugement n’ayant pas été entrepris par la voie de l’appel.

A la suite d’un contrôle effectué dans un foyer pour réfugiés à Vianden lors duquel Monsieur XXX ne put pas présenter de pièce d’identité valable, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre », prit le 19 juillet 2006 à l’encontre de Monsieur XXX une décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 19 juillet 2006;

Considérant que l'intéressé est démuni de toute pièce d'identité et de voyage valable;

- qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays;

Considérant qu'un laissez-passer a été demandé auprès des autorités arméniennes;

- qu’en attendant l’émission de ce document, l'éloignement immédiat de l'intéressé n'est pas possible;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2006, Monsieur XXX fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 19 juillet 2006, recours qui fut cependant rejeté comme n’étant pas fondé par un jugement du tribunal administratif du 9 août 2006.

En date du 17 août 2006, le ministre prit un arrêté ordonnant la prorogation de la mesure de placement de Monsieur XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification aux motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté pris en date du 19 juillet 2006 décidant du placement temporaire de l'intéressé;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités arméniennes;

- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée le 24 août 2006, Monsieur XXX a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision de prorogation prévisée du 17 août 2006.

Le demandeur estime d’une part que les conditions légales pour la prorogation de la mesure de placement, notamment une nécessité absolue de reconduire la mesure, ne sont pas remplies. L’arrêté ministériel du 17 août 2006 ne renseignerait pas en quoi une telle nécessité absolue serait donnée. En plus, elle n’existerait pas, le gouvernement ayant omis d’entreprendre les démarches nécessaires en vue de procéder à un rapatriement du demandeur dans les plus brefs délais.

Il est d’autre part d’avis que son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière constituerait une mesure disproportionnée.

Le délégué du gouvernement souligne que, postérieurement à l’expiration du premier arrêté ordonnant le placement du demandeur pour une durée d’un mois, le gouvernement a entrepris d’autres démarches en vue d’arriver au rapatriement de celui-ci vers son pays d’origine, de sorte que l’organisation du rapatriement serait en cours.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté litigieux, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur conteste l’impossibilité de son éloignement immédiat en relevant que le ministre serait resté en défaut de justifier les circonstances de fait rendant son éloignement immédiat impossible et des démarches suffisantes de sa part pour écourter sa privation de liberté.

L’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre [compétent] à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

En l’espèce, il se dégage des éléments en cause que le ministre s’était déjà adressé en 2004 à l’ambassade d’Arménie à Bruxelles et qu’un accord de réadmission avait été émis par les autorités arméniennes le 27 avril 2004. Le ministre s’est, à la suite des mesures de placement des 19 juillet et 17 août 2006, adressé à plusieurs reprises aux autorités arméniennes et notamment les 19 et 28 juillet 2006, ainsi que le 17 août 2006 en vue d’obtenir les documents requis au rapatriement du demandeur et en insistant sur l’urgence de cette requête, sans obtenir de réponse par rapport à ces demandes. Le ministre reste partant dans l’attente de la délivrance d’un laissez-passer, seul document manquant pour assurer le rapatriement du demandeur vers son pays d’origine.

La nécessité absolue d’une prorogation de la mesure de placement initiale se dégage dès lors des éléments du dossier, de manière que le moyen afférent du demandeur est à rejeter.

En ce qui concerne le caractère approprié de la mesure entreprise, force est de constater que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base dudit article 15, en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, dont l’exécution était impossible en raison de circonstances de fait, de sorte qu’il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant en principe leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise. Le moyen tenant au caractère disproportionné de la rétention du demandeur est partant à rejeter.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, premier vice-président, Mme Lamesch, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 30 août 2006 par le premier vice-président en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21864
Date de la décision : 30/08/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-08-30;21864 ?

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