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23/08/2006 | LUXEMBOURG | N°21835

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 août 2006, 21835


Tribunal administratif Numéro 21835 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2006 Audience publique du 23 août 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21835 du rôle et déposée le 16 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Or

dre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro), de nationa...

Tribunal administratif Numéro 21835 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2006 Audience publique du 23 août 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21835 du rôle et déposée le 16 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro), de nationalité monténégrine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 9 août 2006, ordonnant son placement audit Centre de séjour provisoire pour une durée maximale de trois mois qui expire le 20 octobre 2006 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 août 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Nicky STOFFEL, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 août 2006.

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Il se dégage d’un rapport de la police grand-ducale du 17 juillet 2006 que Monsieur … a fait l’objet d’un contrôle d’identité en date du même jour, lors duquel il n’a pas pu présenter des papiers d’identité. Il se dégage encore dudit rapport que Monsieur … a informé à cette occasion les agents des forces de l’ordre qu’il résidait depuis environ 6 mois auprès de sa famille à M…., sans y être enregistré ou déclaré. Une mesure de rétention fut alors prise par le Parquet à son encontre.

Par arrêté du 18 juillet 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna à l’encontre de Monsieur … le placement pour une durée maximale d’un mois au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, ladite décision étant basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport no 21043 du 17 juillet 2006 établi par la police grand-ducale, Luxembourg ;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 17 juillet 2006 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé auprès des autorités monténégrines ;

Considérant que l’éloignement immédiat de l’intéressé n'est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; (…) ».

Par courrier daté au 20 juillet 2006, à savoir à une date à laquelle il faisait l’objet d’une mesure de rétention, Monsieur … adressa au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande par laquelle il sollicita l’asile politique.

Par arrêté du 28 juillet 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa à Monsieur … l’entrée et le séjour au pays au vu du rapport précité du 17 juillet 2006 établi par la police grand-ducale et aux motifs qu’il ne disposait pas de moyens d’existence personnels légalement acquis, qu’il se trouvait en séjour irrégulier au pays et qu’il était susceptible de compromettre l’ordre et la sécurité publics.

Par décision du 3 août 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration décida de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale formulée par Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée, en se référant aux dispositions de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, au motif que Monsieur … tombait sous un des cas prévus au paragraphe (1) dudit article. La décision afférente est notamment basée sur le motif que la demande de protection internationale ainsi formulée n’aurait été déposée qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision entraînant l’éloignement de l’intéressé du territoire luxembourgeois.

Par décision du même jour, ledit ministre refusa de faire droit à la demande en obtention d’une protection internationale, en se référant à l’article 20 de la loi précitée du 5 mai 2006, au motif que le récit présenté par Monsieur … ne contiendrait pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il risque de courir un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, en précisant que la décision en question « vaut ordre de quitter le territoire ».

Par arrêté du 9 août 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit à l’encontre de Monsieur … une nouvelle décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale de trois mois qui expire le 20 octobre 2006, ladite décision étant basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport N° 21043 du 17 juillet 2006 établi par la Police Grand-Ducale, Luxembourg ;

Vu mon arrêté de mise à la disposition du Gouvernement du 18 juillet 2006 ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 20 juillet 2006 ;

- que l’intéressé n’a déposé une demande qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision entraînant son éloignement du territoire ;

- que la demande de protection internationale est traitée dans le cadre d’une procédure accélérée conformément à l’article 20 (1) i) et k) de la loi du 5 mai 2006 pré-

mentionnée ;

- que l’intéressé est entré et a prolongé son séjour illégalement sur le territoire du Grand-Duché et, sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités et introduit sa demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée sur le territoire ;

- que les autorités monténégrines ont marqué leur accord de réadmission en date du 27 juillet 2006 ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;

- que la mesure de placement est nécessaire afin de ne pas compromettre le rapatriement de l’intéressé vers le Monténégro ; (…)» Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2006, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision de placement précitée du 9 août 2006.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d'œuvre étrangère, rendu applicable en vertu du paragraphe (4) de l’article 10 de la loi précitée du 5 mai 2006, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Le demandeur, après avoir exposé être placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig « au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg » et après avoir affirmé que le régime auquel il y serait soumis serait « similaire voire identique » à celui des détenus normaux, conclut encore à ce que le placement « au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg » devrait rester une mesure d’exception indiquée uniquement au cas où l’étranger serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.

Il reproche encore au ministre de ne pas avoir motivé sa décision par un quelconque risque de fuite dans son chef et estime que la simple référence à un risque de fuite ne saurait à lui seul justifier la mesure de rétention.

Il est en l’espèce cependant constant que le demandeur est placé, non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Par ailleurs, il échet de relever que l’article 10, paragraphe (1) de la loi précitée du 5 mai 2006, disposition légale sur base de laquelle a été prise la décision litigieuse, prévoit un placement « dans une structure fermée », sans préciser le type de structure fermée au sein de laquelle un demandeur de protection internationale peut être placé. En l’absence toutefois de plus amples précisions quant au type de structures ainsi visées par le texte légal en question, il échet toutefois de retenir que ladite structure fermée doit être appropriée au vu de la situation particulière du demandeur de protection internationale ainsi concerné.

En l’espèce, il échet de retenir que le demandeur, hormis l’affirmation vague et non circonstanciée qu’il serait soumis à un régime « similaire voire identique » à celui des détenus de droit commun, n’a fait état d’aucun élément personnel duquel il ressortirait que les limites apportées à sa liberté de circulation seraient disproportionnées par rapport à l’objectif d’une mesure de placement.

Il convient par ailleurs de rappeler que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Le demandeur n’ayant pas contesté en l’espèce rentrer dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, le moyen basé sur l’absence d’un risque de fuite dans son chef laisse encore d’être fondé.

Le demandeur reproche encore au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir motivé son arrêté sous analyse par le fait qu’il serait démuni de toutes pièces d’identité et de voyage valables, qu’il ne disposerait pas de moyens d’existence personnels légalement acquis et qu’il se trouverait en séjour irrégulier au pays. Il échet toutefois de confirmer le délégué du gouvernement dans son analyse suivant laquelle, tout d’abord, la décision prise le 9 août 2006 ne constitue pas une décision de prorogation d’une mesure de placement prise sur base de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, mais une nouvelle mesure de placement prise en vertu de la loi précitée du 5 mai 2006 et, ensuite, elle ne mentionne aucun des trois motifs ainsi cités par la partie demanderesse. Le reproche afférent est partant sans objet.

Le demandeur reproche par ailleurs au ministre compétent d’avoir pris la mesure litigieuse à son encontre, en soulignant qu’il aurait « entretemps » formulé une demande d’asile et qu’il aurait été auditionné par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, de sorte qu’en vertu du principe du non-refoulement, une mesure d’éloignement du territoire luxembourgeois ne pourrait pas être prise à son encontre aussi longtemps qu’il n’aurait pas été statué définitivement sur sa demande d’asile. Dans ce contexte, il fait encore état de ce qu’il aurait une tante qui habiterait au Luxembourg et qui aurait accepté de le prendre en charge et qu’il bénéficierait déjà d’une promesse d’emploi au Luxembourg.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement insiste sur le fait que la décision litigieuse a été prise sur base de l’article 10, paragraphe (1) de la loi précitée du 5 mai 2006 suivant lequel une décision de placement dans une structure fermée peut être prise par le ministre compétent notamment au cas où une « demande de protection internationale a été déposée dans le but de prévenir un éloignement de la personne concernée alors que celle-ci se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg » ou au cas où « la demande de protection internationale est traitée dans le cadre d’une procédure accélérée conformément à l’article 20 paragraphes (1) d), e), f), i), k), l) ou m) » de la loi précitée du 5 mai 2006.

La disposition légale précitée vise partant bien différentes hypothèses dans lesquelles, même en cas de dépôt par le destinataire de la mesure de placement d’une demande de protection internationale, celui-ci peut néanmoins faire l’objet d’une mesure de placement dans une structure fermée. En l’espèce, la mesure litigieuse a été prise tant sur base du point a) que sur base du point c) du paragraphe (1) de l’article 10 précité, en ce qu’il est reproché au demandeur de n’avoir déposé sa demande de protection internationale qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision entraînant son éloignement du territoire et qu’il est fait référence au fait que la demande de protection internationale est traitée dans le cadre d’une procédure accélérée conformément à l’article 20 paragraphe (1) i) et k) de la loi précitée du 5 mai 2006.

Il se dégage en effet de la décision litigieuse que celle-ci a été prise sur base de l’article 20 paragraphe (1) i) et k), ce qui est notamment établi par le fait qu’en date du 3 août 2006 a été prise une décision de refus de protection internationale à l’encontre du demandeur. Il s’ensuit que celui-ci rentre parfaitement dans les prévisions de l’article 10 paragraphe (1) de la loi précitée du 5 mai 2006 et qu’aucun reproche à cet égard ne saurait être adressé au ministre compétent.

Enfin, dans la mesure où la décision litigieuse a été prise non pas sur base de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, mais sur base de l’article 10 paragraphe (1) de la loi précitée du 5 mai 2006, le ministre compétent n’avait pas à justifier des circonstances de fait rendant impossible l’éloignement immédiat du demandeur comme l’a relevé à bon droit le délégué du gouvernement suite au reproche afférent formulé par le demandeur dans sa requête introductive d’instance. Il s’ensuit encore du fait que le ministre n’a pas à justifier des circonstances de fait qui rendent impossible l’éloignement immédiat du demandeur, qu’il n’a pas à justifier, au moins en ce qui concerne la mesure de placement initiale, des démarches entreprises par lui afin d’écourter au maximum le placement du demandeur.

Aucun autre moyen n’ayant été formulé à l’appui du recours sous analyse, celui-ci est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, premier vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 23 août 2006 par le premier vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21835
Date de la décision : 23/08/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-08-23;21835 ?

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