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16/08/2006 | LUXEMBOURG | N°21805

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 août 2006, 21805


Tribunal administratif Numéro 21805 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2006 Audience publique du 16 août 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21805 du rôle et déposée le 8 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre d

es avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Medina (Algérie), de nationalité alg...

Tribunal administratif Numéro 21805 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2006 Audience publique du 16 août 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21805 du rôle et déposée le 8 août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Medina (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 4 août 2005, ordonnant son placement audit Centre de séjour provisoire pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification dudit arrêté ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 août 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nicky STOFFEL et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 août 2006.

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A la suite d’une demande d’asile présentée auprès du service compétent du ministère de la Justice le 25 février 2004, Monsieur …, préqualifié, se vit refuser la délivrance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève par décision ministérielle du 12 mai 2004. Le recours contentieux formé par Monsieur … contre cette décision de rejet fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 17 mars 2005.

Par courrier du 4 août 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-

après désigné par « le ministre », saisit la direction générale de la police grand-ducale d’une demande de faire signaler et de découvrir la résidence actuelle de Monsieur ….

Le même jour, le ministre prit un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur … fondé sur les motifs tirés du défaut d’un titre de voyage valable, du défaut de moyens d’existence personnels, du séjour irrégulier au pays et du danger pour l’ordre et la sécurité publics.

En date du même 4 août 2005, le ministre ordonna le placement de l’intéressé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 4 août 2005;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement dans l’attente de l’établissement d’un document de voyage par les autorités algériennes ».

Cet arrêté fut notifié à Monsieur … le 19 juillet 2006 et mis en exécution à partir de la même date.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2006, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 4 août 2005.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté litigieux.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient tout d’abord de manière générale que la décision de placer un étranger au Centre « pénitentiaire de Luxembourg » devrait rester une mesure exceptionnelle et être limitée au cas où l’étranger en question serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics. Il fait dans ce contexte valoir que le régime de détention applicable aux étrangers placés au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, situé au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg, serait presque identique aux détenus « normaux », à l’exception de ce que les étrangers en question pourraient bénéficier d’un droit illimité à la correspondance, qu’ils seraient dispensés de l’obligation de travail et qu’ils seraient autorisés à téléphoner une fois par semaine.

Tout en ayant exposé ces considérations d’ordre général, le demandeur n’a pas formulé de moyen afférent qui serait de nature à aboutir, le cas échéant, à la réformation de la décision entreprise, de sorte que le tribunal n’a pas à prendre position par rapport à ces considérations d’ordre général, étant relevé pour le surplus, comme l’a d’ailleurs indiqué à bon droit le délégué du gouvernement, que le demandeur ne se trouve pas détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, mais placé dans le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, établissement qui est distinct du Centre pénitentiaire à travers l’existence d’un bloc réservé à ces fins même s’il se trouve localisé matériellement dans l’enceinte du Centre pénitentiaire. Il y a lieu de retenir plus particulièrement que le placement des retenus au bloc C du Centre pénitentiaire et le régime leur appliqué suite aux événements du 30 janvier 2006 ont été considérés comme une situation qui doit être reconnue comme restant acceptable (cf. Cour adm. 16 mars 2006, n° 21088 ; Cour adm. 16 mars 2006, n° 21089 ; Cour adm. 30 mars 2006, n° 21163 ; Cour adm. 16 mars 2006, n° 21164C, non encore publiés).

En second lieu, le demandeur reproche au ministre d’avoir motivé la décision litigieuse de manière insuffisante, en se limitant à énoncer dans l’arrêté critiqué qu’il serait susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement et qu’il existerait de ce fait un danger de fuite, sans préciser les raisons concrètes susceptibles de justifier en l’espèce sa décision.

Force est cependant de constater qu’il se dégage du libellé ci-avant transcrit de l’arrêté ministériel du 4 août 2005 que ce dernier est motivé à suffisance tant en droit qu’en fait, le demandeur n’ayant nullement pu se méprendre sur la nature et la portée de l’arrêté et ayant pu assurer en parfaite connaissance de cause la sauvegarde de ses intérêts légitimes.

Le moyen afférent du demandeur laisse partant d’être fondé.

Le demandeur critique ensuite que le ministre se serait borné à invoquer un risque de fuite dans son chef, alors qu’un simple et prétendu risque par lui de se soustraire à une mesure d’éloignement ne saurait à lui seul constituer un motif suffisant pour justifier son placement.

Force est de constater à cet égard qu’il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base de l’article 15 de ladite loi de 1972, en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, dont l’exécution était impossible en raison de circonstances de fait, de sorte qu’il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant en principe leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise. Ce moyen du demandeur est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Le demandeur critique encore que l’arrêté déféré ne mentionnerait pas l’existence de circonstances de fait qui rendraient impossible l’exécution immédiate de la mesure d’éloignement à son égard et que le ministre resterait en défaut de justifier de l’accomplissement des démarches nécessaires en vue de son éloignement du pays dans les meilleurs délais et afin d’écourter au maximum sa privation de liberté.

Le ministre compétent est dans l’impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son refoulement immédiat et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé et desdits documents. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur lui a conféré un délai initial maximal d’un mois pour obtenir de la part des autorités étrangères concernées les documents de voyage nécessaires.

En l’espèce, il ressort des pièces et éléments incontestés du dossier qu’un arrêté de refus d’entrée et de séjour a été pris en date du 4 août 2005 à l’encontre de Monsieur … et que celui-ci est dépourvu d’un titre de voyage valable.

Or, à défaut de papiers de légitimation et de voyage dans le chef du demandeur, le ministre se voyait effectivement dans l’impossibilité d’une exécution immédiate de la mesure de refoulement prise et qu’il est tenu d’obtenir des autorités algériennes un laissez-passer pour que la mesure d’éloignement puisse être exécutée, cette dernière circonstance étant par ailleurs expressément mentionnée par l’arrêté litigieux.

Il s’ensuit que la condition légale de l’impossibilité d’un éloignement immédiat se trouve vérifiée en l’espèce, de sorte que le ministre a pu ordonner le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et le moyen afférent du demandeur est à rejeter.

Quant aux démarches entreprises par le ministre, il ressort des éléments en cause que le ministre s’était adressé dès le 4 mai 2006, soit avant l’exécution de la décision de placement litigieuse au Consulat Général d’Algérie à Bruxelles en vue d’obtenir les documents requis au rapatriement du demandeur. Par courrier du 23 mai 2006, le Consulat Général d’Algérie a informé le ministre que le dossier de l’intéressé avait été transmis aux autorités algériennes compétentes aux fins d’identification. Le 20 juillet 2006, soit le lendemain du placement de Monsieur …, le ministre s’est encore adressé au Consulat Général d’Algérie pour l’informer que l’intéressé faisait l’objet d’une mesure de placement et pour connaître l’état d’avancement du dossier, tout en proposant aux autorités algériennes de procéder à une audition de l’intéressé au Centre de séjour provisoire.

Il s’ensuit que le moyen relatif à l’insuffisance des démarches accomplies par le ministre laisse également d’être fondé.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 août 2006 par :

M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Spielmann 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21805
Date de la décision : 16/08/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-08-16;21805 ?

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