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09/08/2006 | LUXEMBOURG | N°21757

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 août 2006, 21757


Tribunal administratif Numéro 21757 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er août 2006 Audience publique du 9 août 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21757 du rôle et déposée le 1er août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord

re des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, de nationalité arménienne, actuellement rete...

Tribunal administratif Numéro 21757 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er août 2006 Audience publique du 9 août 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21757 du rôle et déposée le 1er août 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, de nationalité arménienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 19 juillet 2006 ordonnant son placement audit Centre de séjour provisoire pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification dudit arrêté ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 août 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Daniel BAULISCH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 août 2006.

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A la suite d’une demande d’asile présentée auprès du service compétent du ministère de la Justice le 3 octobre 2002, Monsieur …, préqualifié, se vit refuser la délivrance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève par décision ministérielle du 20 août 2003. Le recours contentieux formé par Monsieur … contre cette décision de rejet fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 8 juillet 2004.

Une demande d’asile subséquente du demandeur, introduite en date du 24 janvier 2005 auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, fut déclarée irrecevable par décision ministérielle du 17 mai 2005.

Une troisième demande d’asile introduite le 29 novembre 2005 fut déclarée irrecevable par décision ministérielle du 21 décembre 2005 et le recours contentieux formé par Monsieur … contre cette décision de rejet fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 20 février 2006, ledit jugement n’ayant pas été entrepris par la voie de l’appel.

A la suite d’un contrôle effectué dans un foyer pour réfugiés à Vianden lors duquel Monsieur … ne put pas présenter de pièce d’identité valable, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre », prit le 19 juillet 2006 à l’encontre de Monsieur … une décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 19 juillet 2006;

Considérant que l'intéressé est démuni de toute pièce d'identité et de voyage valable;

- qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays;

Considérant qu'un laissez-passer a été demandé auprès des autorités arméniennes;

- qu’en attendant l’émission de ce document, l'éloignement immédiat de l'intéressé n'est pas possible;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2006, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 19 juillet 2006.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté litigieux, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que le fait qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays ne justifierait nullement une mesure de placement à son égard, qu’une mesure de privation de liberté devrait rester exceptionnelle et ne se justifierait qu'au cas où l'exécution de la mesure d'éloignement se révélerait être impossible en raison de circonstances de fait et qu’en l'espèce de telles circonstances feraient défaut. De plus, le demandeur conteste l’existence d’un risque de fuite ou de soustraction à la mesure d'éloignement dans son chef.

Finalement, Monsieur … soutient que le fait qu’il ne disposerait pas de moyens d'existence personnels ne saurait justifier une mesure de rétention à son égard, ce d’autant plus au vu de sa qualité de demandeur d’asile.

Le délégué du gouvernement relève que Monsieur … aurait été définitivement débouté de sa demande d'asile au Luxembourg et qu’il ne saurait partant faire valoir la qualité de demandeur d’asile, que le jour de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière un courrier aurait été adressé à l’ambassade d’Arménie à Bruxelles en vue de la délivrance d’un document de voyage permettant le rapatriement du demandeur et qu’un rappel aurait été adressé à ladite ambassade en date du 28 juillet 2006. Etant donné que Monsieur … séjournerait de manière irrégulière au Grand-Duché de Luxembourg, la mesure de placement serait justifiée.

Il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 et 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

Le ministre compétent est dans l’impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son refoulement immédiat et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé et desdits documents. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur lui a conféré un délai initial maximal d’un mois pour obtenir de la part des autorités étrangères concernées les documents de voyage nécessaires.

Or, en l’espèce, il ressort des éléments incontestés du dossier qu’un arrêté de refus d’entrée et de séjour a été pris en date du 19 juillet 2006 à l’encontre de Monsieur …, que celui-ci est dépourvu de papiers d’identité et d’un titre de voyage et que le ministre a contacté à deux reprises les autorités arméniennes afin d’obtenir un laissez-passer pour permettre le rapatriement du demandeur.

Il s’ensuit que la condition légale de l’impossibilité d’un éloignement immédiat se trouve vérifiée en l’espèce, de sorte que le ministre a pu ordonner le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et le moyen afférent du demandeur est à rejeter.

Dans la mesure où Monsieur …, en sa qualité d’étranger se trouvant en situation irrégulière au Luxembourg, rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, et que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, de sorte que la rétention de Monsieur … dans ledit Centre de séjour est en l’espèce justifiée dans son principe, ceci afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Il y a lieu encore de relever dans ce contexte que non seulement Monsieur … a été définitivement débouté de sa demande d’asile au Luxembourg et ne saurait partant se prévaloir de la qualité de demandeur d’asile, mais qu’il a en outre fait l’objet d’une décision de refus d’entrée et de séjour.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Mme Lenert, vice-président, M. Spielmann, juge, M. Sünnen, juge, et lu à l’audience publique du 9 août 2006 par le vice-président en présence de Mme Wiltzius, greffier de la Cour administrative, greffier assumé.

s. Wiltzius s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21757
Date de la décision : 09/08/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-08-09;21757 ?

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