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02/08/2006 | LUXEMBOURG | N°21728

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 août 2006, 21728


Numéro 21728 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2006 Audience publique du 2 août 2006 Recours formé par Monsieur … contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 21728 du rôle, déposée le 27 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la C

our, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclar...

Numéro 21728 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2006 Audience publique du 2 août 2006 Recours formé par Monsieur … contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 21728 du rôle, déposée le 27 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né à …. le … et de nationalité bélarusse, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 19 juillet 2006 prorogeant son placement audit Centre de séjour provisoire pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2006;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 août 2006.

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Une demande d’asile présentée le 2 juin 2005 par Monsieur …, préqualifié, auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration fut rejetée pour ne pas être fondée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 septembre 2005 et un recours contentieux dirigé contre ladite décision ministérielle fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 11 mai 2006.

Il se dégage d’un rapport du service de police judiciaire de la police grand-ducale du 22 juin 2006 que Monsieur … a refusé d’indiquer l’identité exacte de ses parents, au motif que ceux-ci seraient décédés, en déclarant encore avoir fait l’objet d’un contrôle d’identité en Belgique où il aurait indiqué une fausse identité, en déclarant qu’il aurait quitté la Biélorussie moyennant un passeport lithuanien falsifié au nom de …. A cette occasion, il a encore indiqué à l’agent de la police grand-ducale qu’au vu de la situation régnant actuellement en Biélorussie, il ne serait jamais d’accord à y retourner volontairement. Enfin, il y a lieu de relever qu’il a encore fait la déclaration suivante audit agent de police : « Die luxemburgischen Behörden könnten ruhig bei der weissrussischen Botschaft betreffend seine Identität nachfragen. Es könnte ja auch sein dass er nie seine richtige Identität in Luxemburg angegeben hätte. Es wäre jetzt unsere Aufgabe seine wahre Identität herauszufinden ».

Le même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit un arrêté par lequel il a ordonné le placement de l’intéressé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Cette décision ministérielle est basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé auprès des autorités bélarusses ;

Considérant que l'éloignement immédiat de l'intéressé n'est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juillet 2006, Monsieur …, alias … a fait introduire à l’encontre de la décision ministérielle de placement du 22 juin 2006 un recours en réformation qui fut cependant rejeté comme n’étant pas fondé par jugement du tribunal administratif du 26 juillet 2006.

En date du 19 juillet 2006, le ministre prit un arrêté ordonnant la prorogation de la mesure de placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification aux motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté pris en date du 22 juin 2006 décidant du placement temporaire de l'intéressé;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités lituaniennes;

- qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; (…) ».

Cet arrêté fut notifié à Monsieur … le 21 juillet 2006.

Par requête déposée le 27 juillet 2006, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision de prorogation prévisée du 19 juillet 2006.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté litigieux, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant.

Le demandeur prétend que l’arrêté ministériel critiqué serait insuffisamment motivé en renvoyant seulement à sa susceptibilité de se soustraire à la mesure de transfert et au danger de fuite.

Force est cependant de constater qu’il se dégage du libellé ci-avant transcrit de l’arrêté ministériel du 19 juillet 2006 que ce dernier est motivé à suffisance tant en droit qu’en fait, le demandeur n’ayant nullement pu se méprendre sur la nature et la portée de l’arrêté et ayant pu assurer en parfaite connaissance de cause la sauvegarde de ses intérêts légitimes.

Le demandeur fait encore valoir que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en séjour irrégulier serait à assimiler, au vu du régime y appliqué, à un centre pénitentiaire et que le placement dans un tel établissement devrait rester une mesure d’exception indiquée seulement au cas où l’étranger est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.

C’est cependant à bon droit que le délégué du gouvernement précise que le demandeur n’a pas été incarcéré au Centre pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, établissement qui est distinct du Centre pénitentiaire à travers l’existence d’un bloc réservé à ces fins même s’il se trouve localisé matériellement dans l’enceinte du Centre pénitentiaire. Il y a lieu de retenir plus particulièrement que le placement des retenus au bloc C du Centre pénitentiaire et le régime leur appliqué suite aux événements du 30 janvier 2006 ont été considérés comme une situation qui doit être reconnue comme restant acceptable (cf. Cour adm. 16 mars 2006, n° 21089 du rôle, non encore publié). Le moyen afférent du demandeur est partant à écarter.

Le demandeur critique ensuite que l’arrêté se limiterait à affirmer l’existence d’un danger dans son chef de se soustraire à un rapatriement, mais que « le simple fait d’être prétendument susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement du territoire luxembourgeois ne saurait à lui seul constituer un argument suffisant » pour justifier son placement.

Force est de constater à cet égard qu’il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base dudit article 15, en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, dont l’exécution était impossible en raison de circonstances de fait, de sorte qu’il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-

ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant en principe leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise. Ce moyen du demandeur est partant à rejeter.

Le demandeur conteste finalement l’impossibilité de son éloignement immédiat en relevant que le ministre serait resté en défaut de justifier les circonstances de fait rendant son éloignement immédiat impossible et des démarches suffisantes de sa part pour écourter sa privation de liberté.

L’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre [compétent] à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

En l’espèce, il se dégage des éléments en cause qu’au vu des deux identités et nationalités utilisées par le demandeur, le ministre s’était adressé le 26 juin 2006 à l’ambassade de la République de Lituanie et à l’ambassade de la République de Bélarus en vue d’obtenir les documents requis au rapatriement du demandeur. L’ambassade lituanienne a réagi par courrier du 29 juin 2006 en invitant le ministre à faire remplir un questionnaire par le demandeur et le ministre a dû informer l’ambassade lituanienne par courrier du 21 juillet 2006 de ce que le demandeur refusait de remplir cette fiche et lui suggérait l’alternative d’une interview du demandeur. L’ambassade bélarusse, de son côté, a informé le ministre par courrier du 12 juillet 2006 de ce que « le Ministère de l’Intérieur de la République du Bélarus n’a confirmé les données personnelles ni la citoyenneté bélarussienne » du demandeur. Au vu de ces éléments et notamment des doutes substantiels quant à la véritable identité du demandeur et partant de l’absence de documents permettant son rapatriement, la subsistance d’une impossibilité d’un éloignement immédiat et en conséquence la nécessité absolue d’une prorogation se dégage clairement des éléments du dossier, d’autant plus que le demandeur refuse de manière évidente la collaboration requise de sa part en vue de l’établissement de son identité et de l’obtention des documents requis à son rapatriement, ainsi qu’en témoigne sa déclaration précitée telle que consignée dans le rapport prévisé du service de police judiciaire de la police grand-ducale du 22 juin 2006. Le moyen afférent du demandeur est dès lors à rejeter.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, M. SÜNNEN, juge, et lu à l’audience publique du 2 août 2006 par le premier juge en présence de Mme WILTZIUS, greffier de la Cour administrative, greffier assumé.

s. WILTZIUS s. SCHROEDER 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21728
Date de la décision : 02/08/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-08-02;21728 ?

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