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19/07/2006 | LUXEMBOURG | N°21641

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2006, 21641


Tribunal administratif Numéro 21641 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2006 Audience publique du 19 juillet 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21641 du rôle et déposée le 12 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité tunisie

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Tribunal administratif Numéro 21641 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2006 Audience publique du 19 juillet 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21641 du rôle et déposée le 12 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 juin 2006 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximale d'un mois audit Centre de séjour provisoire à partir de la notification de la décision en question;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2006;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2006 au nom de Monsieur …, préqualifié;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Madame la déléguée du gouvernement Claudine KOSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

Par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 juin 2006, Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations suivantes:

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu le rapport no 8643/2006 du 19 juin 2006 établi par la police grand-ducale, SREC/Esch-sur-Alzette;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 19 juin 2006;

Considérant que l'intéressé est démuni de toute pièce d'identité et de voyage valable;

- qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis;

- qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays;

Considérant qu'en attendant le résultat des recherches quant à l'identité et à la situation de l'intéressé, l'éloignement immédiat n'est pas possible;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement».

Par requête déposée le 12 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre la décision de placement du 20 juin 2006.

Monsieur … fait exposer qu'il dispose d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes, sur base duquel il séjourne et travaille de façon régulière en Italie. En juin 2006, à l'occasion d'un déplacement à Metz, il aurait décidé de visiter le Luxembourg où il aurait été appréhendé et placé au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Il aurait jusque-là été convaincu d'être en droit de circuler sur le sol luxembourgeois, au même titre que sur le territoire français.

Il estime que les conditions légales pour prononcer une mesure de placement ne seraient pas remplies. Il n'existerait dans son chef aucun danger réel de se soustraire à une mesure de rapatriement ultérieure. N'ayant commis aucun acte délictueux, il ne risquerait pas de compromettre l'ordre public luxembourgeois. Le gouvernement resterait encore en défaut d'effectuer toutes les démarches nécessaires en vue d'assurer que la mesure d'éloignement puisse être exécutée dans les plus brefs délais. En réalité, du fait que son identité ait pu être constatée sans difficulté dès son arrestation, la police disposant de son passeport tunisien, son séjour au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière serait à considérer comme anormalement long. Un certificat de résidence émis par la commune de Bussolengo (Italie) confirmerait encore les données relatives à son identité. Finalement, les conséquences de son placement seraient disproportionnées par rapport au reproche formulé à son égard. Il travaillerait régulièrement en Italie et risquerait d'y perdre son emploi.

Le délégué du gouvernement explique que Monsieur … aurait été intercepté en séjour irrégulier au pays et qu'il se serait légitimé moyennant un permis de conduire italien volé. Le 19 juin 2006, le parquet de Luxembourg aurait ordonné une mesure de rétention et le lendemain, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration aurait ordonné son placement au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Le ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration aurait contacté le centre de coopération policière qui l'aurait informé que l'intéressé serait de nationalité italienne, ce que ce dernier n'aurait pas réussi à prouver jusqu'à présent. Les 27 juin, 11 juillet et 13 juillet, le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration aurait contacté le consulat d'Italie afin d'obtenir rapidement un accord pour le retour vers l'Italie.

Le délégué du gouvernement estime que le danger de soustraction à la mesure de rapatriement est réel, étant donné que Monsieur …, dont la nationalité ne serait pas établie, serait un ressortissant tunisien en séjour irrégulier au pays qui s'est légitimé avec un passeport italien volé. De plus, la jurisprudence selon laquelle la personne à placer devrait constituer un danger pour l'ordre public ne serait "plus de l'actualité." Le gouvernement luxembourgeois aurait entrepris les démarches suffisantes en vue d'établir l'identité et la nationalité exactes du demandeur. Le certificat de résidence produit par celui-ci daterait de 1997 et il ne renseignerait pas sa nationalité. La mesure prise ne serait finalement pas disproportionnée, la disproportion étant invoquée par rapport au séjour de Monsieur … en Italie. Or, ce séjour ne serait pas prouvé.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours répondant par ailleurs aux exigences de forme et de délai, il est recevable.

Il se dégage des pièces produites, à savoir de deux rapports de police différents, que Monsieur … fut trouvé à Esch-sur-Alzette, le 15 décembre 2005, en possession d'un passeport italien volé moyennant lequel il essayait de se légitimer, et qu'il fut trouvé encore une fois à Esch-sur-Alzette, cette fois-ci sans être en possession d'un quelconque document d'identité, le 19 juin 2006.

Il s'ensuit que la matérialité des faits est différente à la fois de l'exposé des faits par le demandeur que par le délégué du gouvernement.

Le dossier administratif contient par ailleurs une photocopie d'un passeport tunisien de Monsieur ….

Il paraît donc que le demandeur soit de nationalité tunisienne.

Dans ces circonstances, il ne serait pas compréhensible pourquoi les autorités luxembourgeoises n'ont pas essayé de contacter les autorités tunisiennes en vue de vérifier l'identité de Monsieur … et d'obtenir de celles-ci un laissez-passer en vue de son rapatriement, ceci d'autant plus que le consulat italien à Luxembourg, contacté à trois reprises, n'a pas jugé utile de donner une quelconque suite aux requêtes lui adressées.

Or, à l'audience, le mandataire du demandeur a clairement indiqué que son mandant refusait le rapatriement vers la Tunisie et demandait à pouvoir rejoindre l'Italie.

A la date de l'audience, Monsieur … a produit des fiches de rémunération prouvant qu'il a un travail en Italie et une carte d'identité d'étranger délivré en sa faveur par les autorités italiennes.

Au vu de ces éléments, inconnus des autorités luxembourgeoises au moment du placement du demandeur et jusqu'à l'audience, c'est à bon droit et par une mesure proportionnée aux données de l'espèce que le placement du demandeur a été ordonné.

La mesure de placement se justifie encore par les nécessités d'organiser actuellement, matériellement, le transfert de Monsieur … vers l'Italie.

Il suit de ce qui précède que le recours en réformation n'est pas justifié et qu'il y a lieu d'en débouter le demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 juillet 2006 par :

M. Ravarani, président, M. Schockweiler, premier vice-président, Mme Lenert, vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 21641
Date de la décision : 19/07/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-07-19;21641 ?

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