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04/07/2006 | LUXEMBOURG | N°21369C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juillet 2006, 21369C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 21369C Inscrit le 5 mai 2006

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 4 JUILLET 2006 Recours formé par M. …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié Appel (jugement entrepris du 5 avril 2006, no 20752 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 5 ma...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 21369C Inscrit le 5 mai 2006

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 4 JUILLET 2006 Recours formé par M. …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié Appel (jugement entrepris du 5 avril 2006, no 20752 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 5 mai 2006 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, au nom de M. …, né le … à … (Abia State/Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant à L-…, contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 5 avril 2006, par lequel, il a été débouté de son recours principal tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 novembre 2005, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, le recours subsidiaire tendant à l’annulation de la même décision ayant été déclaré irrecevable ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 mai 2006 par M.

le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le conseiller rapporteur entendu en son rapport et Maître Virginie VERDANET, en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que M. le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

Par jugement rendu le 5 avril 2006, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, après avoir déclaré le recours en annulation irrecevable, a débouté M. … de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 novembre 2005, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Maître François MOYSE a déposé le 5 mai 2006 une requête d’appel en nom et pour compte de M. …, par laquelle est sollicité la réformation du susdit jugement et de la décision ministérielle critiquée.

L’appelant fait soutenir que les premiers juges, de même que le ministre, auteur de la décision querellée, auraient fait une mauvaise appréciation des circonstances de fait et de droit de la cause et il conclut à se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Il relève que sa vie aurait été et serait en danger dans son pays d’origine, le Nigeria, en raison de la situation générale instable y régnant, ensemble le risque d’être persécuté du fait de sa confession chrétienne. Il expose que le 16 mars 2003, lors d’une prière organisée à son domicile avec d’autres chrétiens, son voisin, de confession musulmane et d’autres musulmans auraient fait irruption chez lui et durant la bagarre qui s’en serait suivie, son voisin musulman aurait été mortellement blessé au couteau. Craignant pour sa sécurité et sa vie, il se serait réfugié chez un ami qui l’aurait informé que les musulmans seraient à sa recherche, le croyant responsable de la mort de son voisin, ce qui l’aurait finalement amené à quitter son pays.

L’appelant reproche aux premier juges de ne pas avoir retenu l’existence d’un risque concret de persécution dans son chef, soutenant que même s’il n’avait pas personnellement subi des agressions répétées, il risquerait toutefois, au vu des nombreux affrontements interconfessionnels, d’être poursuivi du fait de son appartenance à la confession chrétienne. Il soutient encore ne pas pouvoir compter sur une protection efficace de la part des autorités de son pays d’origine et qu’une possibilité de fuite interne n’existerait pas.

L’Etat a pris position dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 mai 2006. Dans son mémoire, le délégué du gouvernement demande la confirmation du jugement entrepris pour les motifs y contenus et par référence à son mémoire de première instance.

L’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour arrive à la conclusion que ceux-ci ont apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

En effet, force est de constater qu’il ne se dégage pas des éléments d’appréciation de la cause que l’appelant fait état et justifie à suffisance de droit l’existence de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Ainsi, en faisant état de sa crainte d’actes de persécution provenant de membres de la communauté musulmane de son pays, l’appelant se prévaut d’actes de persécution émanant non pas des autorités publiques, mais de personnes privées. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains éléments de la population, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf.

Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, en l’espèce, l’appelant est resté et reste en défaut de démontrer concrètement que les autorités nigérianes chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient ni disposées ni capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant relevé qu’il ne s’est à aucun moment adressé aux autorités en place.

Par ailleurs, une possibilité de trouver refuge dans une autre partie de son pays d’origine, notamment dans les Etats du Sud du Nigeria majoritairement chrétiens, paraît en l’espèce tout à fait possible, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié. Cette conclusion n’est pas ébranlée par les arguments basés sur ce que les musulmans « se déplacent aussi vers le sud et qu’ils ont par ailleurs des connexions sur place », étant donné que les prétendus agresseurs, à savoir les amis ou connaissances de son voisin, apparaissent avoir un champ d’action essentiellement limité et l’appelant n’établit pas se trouver dans une situation tellement exposée qu’il puisse raisonnablement soutenir que son existence soit devenue intolérable sur l’entièreté du territoire nigérian.

L’appel n’étant pas fondé, le jugement entrepris est à confirmer dans toute sa teneur.

Par ces motifs, la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’acte d’appel du 5 mai 2006 ;

le dit non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 5 avril 2006 dans toute sa teneur ;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Henri Campill, conseiller rapporteur, et lu par le vice-président Jean-Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 21369C
Date de la décision : 04/07/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-07-04;21369c ?

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