GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 21270 C Inscrit le 18 avril 2006
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AUDIENCE PUBLIQUE DU 4 JUILLET 2006 Recours formé par …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -
(jugement entrepris du 16 mars 2006, no 20494 du rôle)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 18 avril 2006 par Maître Gilles Plottké, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à .. (Liberia), de nationalité libérienne, demeurant actuellement à L-…, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié par le tribunal administratif à la date du 16 mars 2006, à la requête de l’actuel appelant tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 1er août 2005, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 22 septembre 2005 rendue sur recours gracieux.
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 avril 2006 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.
Ouï le conseiller en son rapport, Maître Brigitte Czoske, en remplacement de Maître Gilles Plottké, ainsi que la déléguée du Gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs observations orales.
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Par requête inscrite sous le numéro 20494 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2005 par Maître Gilles Plottké, avocat à la Cour, …, né le … à Voinjamin (Liberia), de nationalité libérienne, demeurant actuellement à L-…, a demandé la réformation sinon l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 1er août 2005, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 22 septembre 2005 rendue sur recours gracieux.
Le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 16 mars 2006, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.
Maître Gilles Plottke, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 18 avril 2006.
L’appelant reproche aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause, alors qu’il aurait fait état d’un ensemble de craintes liées à sa position très particulière au sein des fractions rebelles LURD, notamment en raison de sa réputation sur les champs de bataille.
Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 26 avril 2006 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.
Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.
Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
C’est à juste titre que le tribunal, après avoir dégagé au vu d’un procès-verbal du 19 juillet 2005 dressé par la police grand-ducale, section des stupéfiants, que le demandeur a été signalé en Suisse en date du 10 novembre 2002 sous l’identité de …, c’est-à-dire à une époque où il affirme avoir encore été au Liberia -, au vu de l’examen des déclarations faites par le demandeur et dont l’identité reste pour le moins incertaine, a conclu que celui-ci reste non seulement parfaitement incrédible, mais qu’il n’a pour le surplus nullement fait état d’une raison personnelle de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.
A cela s’ajoute, comme précisé par les premiers juges, que la situation a fondamentalement changé au Liberia par la signature en août 2003 d’un accord entre le gouvernement libérien, les forces rebelles, les partis politiques et des représentants de la société civile et par l’instauration en date du 14 octobre 2003 d’un gouvernement de transition. Une force internationale (UNMIL) a également été instaurée par la résolution n° 1509 du Conseil de 2 Sécurité des Nations Unies du 19 septembre 2003 avec la mission notamment d’assurer la sécurité intérieure du pays et de soutenir la démobilisation et le désarmement des forces rebelles et que l’UNHCR et d’autres agences des Nations Unies ont mis en place des programmes de rapatriement volontaire au Liberia.
Face à cette évolution positive de la situation générale au Liberia et en l’absence d’éléments suffisants de nature à étayer un risque concret de recrudescence générale des violences, des incidents isolés de violence et des lenteurs dans le processus de démobilisation et de désarmement de la population, étant insuffisants pour permettre de tirer pareille conclusion, les craintes exprimées par … ne sont pas de nature à fonder à l’heure actuelle une crainte justifiée de persécution, mais s’analysent plutôt en un sentiment général d’insécurité, sans que le demandeur n’ait établi un état de persécution personnelle vécu ou une crainte justifiant la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.
Il résulte des développements qui précèdent que l’appelant reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de sorte que le jugement du 16 mars 2006 est à confirmer.
Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 18 avril 2006, le déclare cependant non fondé confirme le jugement du 16 mars 2006 dans toute sa teneur, condamne la partie appelante aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Henri Campill, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.
le greffier le vice-président 3