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28/06/2006 | LUXEMBOURG | N°20096

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2006, 20096


Numéro 20096 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2005 Audience publique du 28 juin 2006 Recours formé par Monsieur F., … contre un bulletin émis par le bureau d'imposition Esch 2 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20096 du rôle, déposée le 13 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre WINANDY, avocat à la Cour, inscrit a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur F., demeurant à L-…,...

Numéro 20096 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2005 Audience publique du 28 juin 2006 Recours formé par Monsieur F., … contre un bulletin émis par le bureau d'imposition Esch 2 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20096 du rôle, déposée le 13 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre WINANDY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur F., demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2003 émis à son égard le 28 juillet 2004 par le bureau d'imposition Esch 2, sa réclamation du 7 août 2004 contre ce bulletin n’ayant pas été rencontrée par une décision du directeur de l’administration des Contributions directes;

Vu la requête en intervention volontaire déposée le 20 janvier 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre WINANDY, préqualifié, au nom de Madame F.-B., demeurant à L-…;

Vu l’ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif du 20 janvier 2006 permettant à Madame F.-B., préqualifiée, d’intervenir volontairement dans l’affaire principale portant le numéro 20096 du rôle;

Vu le mémoire en réponse sur intervention du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 février 2006;

Vu le mémoire en réplique sur intervention déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2006 par Maître Jean-Pierre WINANDY pour compte de Madame F.-B.;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Laurélia STEINMETZ, en remplacement de Maître Jean-Pierre WINANDY, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Ayant résidé jusque lors à L-…, Monsieur F., préqualifié, déclara, dans le cadre de sa déclaration de l’impôt sur le revenu pour l’année 2002, résider à partir du 4 novembre 2002 à D-66… …, tandis que son épouse, Madame F.-B., préqualifiée, continuait à résider à l’adresse susvisée à L - ….

En date du 7 février 2003, Monsieur F. déclara ce changement de domicile à l’administration communale de L - ….

A travers sa déclaration de l’impôt sur le revenu pour l’année 2003, Monsieur F.

déclara avoir continué à demeurer à l’adressée précitée à D-66… jusqu’au 30 décembre 2003, date à laquelle il aurait rétabli sa résidence à L - ….

Alors qu’il avait été imposé dans la classe d’impôt 2.3 au titre de l’année 2002, Monsieur F. fut rangé pour l’année 2003 dans la classe d’impôt 1 par bulletin de l’impôt sur le revenu émis à son encontre le 28 juillet 2004 par le bureau d'imposition Esch 2 du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d'imposition ».

Une réclamation du 7 août 2004 à l’encontre de ce bulletin d’impôt n’ayant pas été suivie d’une décision de la part du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur F. a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de ce bulletin d’impôt du 28 juillet 2004.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de l’impôt sur le revenu en l’absence d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre ce même bulletin. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant à la recevabilité de la requête en intervention volontaire de la part de Madame F.-B., le délégué du gouvernement relève que le bulletin entrepris ne s’adresserait qu’au demandeur même s’il se présente comme une imposition collective de ce dernier avec son épouse et qu’il n’apparaîtrait pas que Madame F.-B. aurait été personnellement destinataire d’un bulletin correspondant. Il ajoute que la réclamation du 7 août 2004 aurait certes été signée par les deux époux, mais « n’est utile que dans le chef du mari, qui seul a reçu une décision statuant sur ses droits », au motif que les voies de recours supposeraient par définition une décision à contrôler au profit du recourant.

Madame F.-B. fait répliquer que la réclamation du 7 août 2004 serait clairement établie également en son nom et qu’elle l’aurait également signée, de manière qu’elle aurait valablement réclamé contre le bulletin entrepris. Elle précise qu’elle serait intéressée par le recours sous analyse qui tendrait à l’imposition collective du couple selon la classe d’impôt 2.

Il convient de constater que le bulletin entrepris du 28 juillet 2004 comporte certes la mention « imposition collective avec F.-B. », mais qu’il est adressé au seul Monsieur F. en tant que destinataire et qu’il met à sa seule charge une cote d’impôt sur le revenu. En outre, il ne ressort pas des éléments en cause qu’un autre exemplaire du même bulletin aurait été adressé à Madame F.-B..

Or, dans la mesure où le § 238 AO n’admet à recourir contre un bulletin que celui qui en est le destinataire et à qui il fait grief, Madame F.-B. ne saurait être admise à réclamer contre le bulletin entrepris du 28 juillet 2004 à défaut de grief causé dans son chef par ledit bulletin, de manière qu’elle ne saurait se fonder sur l’introduction de la réclamation prévisée du 7 août 2004 pour fonder son intérêt à intervenir dans l’instance sous analyse.

Si Madame F.-B. entend certes fonder son intérêt à intervenir sur la demande au fond de constater l’applicabilité de l’imposition collective des deux époux dans la classe d’impôt 2 qui aurait des effets pour elle, forcer est de constater à cet égard qu’une réformation éventuelle du bulletin entrepris par le présent jugement n’aura pas en lui-même pour effet de soumettre Madame F.-B. à une imposition collective avec son époux, mais que cette obligation fiscale ne découlera que d’un nouveau bulletin de l’impôt sur le revenu à émettre à l’égard également de Madame F.-B. et à lui notifier.

Il s’ensuit que ni le bulletin entrepris du 28 juillet 2004 ni le présent jugement n’affectent directement la situation de Madame F.-B., de manière qu’elle doit être considérée comme étant sans intérêt à intervenir dans le cadre du recours sous analyse et que sa requête en intervention volontaire est à déclarer irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que durant l’année 2003, il aurait travaillé au Luxembourg auprès de la société D., mais qu’il aurait résidé en Allemagne à D-

66… suite à une séparation de fait de son épouse qui aurait continué durant cette période à résider au Luxembourg à L - … et que la totalité des revenus de la famille F., constituée par lui-même, son épouse et trois enfants mineurs à leur charge, serait provenue de son activité salariée au Luxembourg. Le demandeur en déduit que son domicile fiscal aurait ainsi été situé en Allemagne et qu’il aurait été considéré comme contribuable non-résident au Luxembourg.

Il fait valoir qu’au vu de cette situation factuelle, il n’aurait pas pu opter pour une imposition collective sur base de l’article 3, d) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », et partant pour la classe d’impôt 2 à défaut d’avoir eu la qualité de contribuable résident, tout comme cette même classe d’impôt ne lui a pas été appliquée sur pied de l’article 3, a) LIR sur le même fondement du défaut de domicile fiscal au Luxembourg. Le demandeur relève encore une autre différence de traitement entre un couple marié dont l’un est résident et l’autre non-résident et un couple résident en ce que l’article 3, d) LIR se contenterait d’une simple séparation de fait pour exclure l’imposition collective alors que l’article 3, a) LIR requiert une séparation sur base d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire. Le demandeur considère que son exclusion du bénéfice de la classe d’impôt 2 sur base de ces deux dispositions légales constituerait une discrimination par rapport aux résidents luxembourgeois ayant pour conséquence la non-application du splitting et de la modération d’impôt pour les enfants à sa charge.

Le demandeur fait valoir que le législateur luxembourgeois aurait certes tenu compte de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) à travers des modifications aux articles 156, 157, 157bis et 157ter LIR, mais que ces modifications auraient visé l’hypothèse de deux époux non-résidents sans pour autant éliminer les discriminations par rapport aux couples dont l’un est résident et l’autre non-résident, l’époux non-résident réalisant l’essentiel des revenus du ménage restant soumis à la classe d’impôt 1 sans prise en compte de sa situation familiale. Il se prévaut de plusieurs arrêts de la CJCE et notamment de l’arrêt du 14 février 1995 (n° C-279/93, Schumacker) ayant statué par rapport à une législation nationale similaire à celle du Luxembourg et qui a retenu qu’un non-

résident ne percevant pas de revenu significatif dans son Etat de résidence et tirant l’essentiel de ses ressources d’une activité professionnelle dans l’Etat d’emploi n’accuserait par rapport à un résident de ce dernier Etat aucune différence de situation objective de nature à fonder une différence de traitement en ce qui concerne la prise en considération de la situation personnelle et familiale de cette personne, entraînant que le principe d’égalité de traitement obligerait l’Etat d’emploi à tenir compte de la situation personnelle et familiale de cette personne de la même manière que pour les nationaux résidents. Le demandeur estime que cette interprétation de l’article 48 du Traité de Rome devrait également être appliquée à la situation d’un couple dont un époux est résident et l’autre, percevant l’intégralité des ressources, est non-résident.

L’article 3 LIR dispose que « sont imposés collectivement a) les époux qui au début de l’année d’imposition sont contribuables résidents et ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire ;

b) les contribuables résidents qui se marient en cours de l’année d’imposition ;

c) les époux qui deviennent contribuables résidents en cours de l’année d’imposition et qui ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire ;

d) sur demande conjointe, les époux qui ne vivent pas en fait séparés, dont l’un est contribuable résident et l’autre une personne non résidente, à condition que l’époux résident réalise au Luxembourg au moins 90 pour cent des revenus professionnels du ménage pendant l’année d’imposition.

L’époux non résident doit justifier ses revenus annuels par des documents probants ».

Etant donné qu’il est constant que le demandeur et Madame F.-B. ne se sont pas mariés au cours de l’année 2003 et que le demandeur n’avait pas la qualité de contribuable résident au début de l’année d’imposition 2003, la situation du demandeur ne tombe pas dans le champ des points a) et b) de l’article 3 LIR.

C’est encore à juste titre que le demandeur constate qu’il n’entre pas dans le champ du point d) de l’article 3 LIR, étant donné qu’il a certes réalisé au cours de l’année 2003 plus de 90% des revenus professionnels du ménage, mais qu’il n’avait pas la qualité de contribuable résident durant la quasi-totalité de l’année 2003 et que suite à son retour au Luxembourg le 30 décembre 2003, les deux époux avaient la qualité de contribuables résidents.

Par contre, il résulte des éléments susvisés que le demandeur, en déclarant avoir rétabli sa résidence à L - … à partir du 30 décembre 2003, est devenu contribuable résident au cours de l’année d’imposition 2003, alors que son épouse avait déjà cette qualité durant toute l’année 2003, de manière le couple formé par les époux F. répond à l’hypothèse visée par le point c) de l’article 3 LIR en ce que les deux époux ont revêtu avant la fin de l’année d’imposition 2003 la qualité de contribuables résidents sans vivre séparés sur base d’une dispense légale ou judiciaire. Il y a lieu de relever que la date au cours de l’année d’imposition à laquelle un époux devient contribuable résident reste sans incidence sur l’application de l’imposition collective aux bases d’imposition réalisées durant toute l’année d’imposition (cf. projet de loi portant réforme de certaines dispositions en matière des impôts directs et indirects, doc. parl. 3431, commentaire des articles, ad art. 1er n° 1).

En outre, l’article 119, 3. LIR soumet à la classe d’impôt 2 « les personnes imposées collectivement en vertu de l’article 3 ». Au vu de l’imposition collective au titre de l’année d’imposition 2003 du demandeur avec son épouse découlant de l’article 3, c) LIR, la classe d’impôt 2 aurait partant dû leur être appliquée, de manière que c’est à tort que le bureau d'imposition a rangé le demandeur dans la classe d’impôt 1 et lui a refusé la modération pour enfants à charge dont peuvent bénéficier, d’après l’article 122 LIR, les contribuables des classes 1a ou 2 dans les conditions définies par l’article 123 LIR.

Il découle des développements qui précèdent que le recours sous analyse est fondé et que le bulletin d’impôt entrepris du 28 juillet 2004 encourt la réformation en ce sens que le demandeur est à imposer collectivement avec son épouse, Madame F.-B., dans la classe d’impôt 2 et que la modération pour enfants à charge leur est applicable dans les conditions définies par l’article 123 LIR, sans préjudice des autres modifications à l’imposition découlant de l’application de ces principes.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, déclare irrecevable la requête en intervention volontaire déposée au nom de Madame F.-B., au fond, déclare le recours justifié, partant, par réformation du bulletin entrepris du 28 juillet 2004, dit que le demandeur est à imposer collectivement avec son épouse, Madame F.-B., dans la classe d’impôt 2 et que la modération pour enfants à charge leur est applicable dans les conditions définies par l’article 123 LIR, sans préjudice des autres modifications à l’imposition découlant de l’application de ces principes, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d'imposition compétent, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 28 juin 2006 par le premier juge en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE SCHROEDER 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 20096
Date de la décision : 28/06/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-06-28;20096 ?

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