La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2006 | LUXEMBOURG | N°20860

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mai 2006, 20860


Tribunal administratif N° 20860 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 janvier 2006 Audience publique du 24 mai 2006

===========================

Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20860 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 janvier 2006 par M

aître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif N° 20860 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 janvier 2006 Audience publique du 24 mai 2006

===========================

Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20860 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 janvier 2006 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigeria), de nationalité nigériane, actuellement détenu au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 novembre 2005 rejetant sa demande en obtention du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de la décision confirmative du même ministre du 13 décembre 2005, intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2006 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2006 par Maître Philippe STROESSER pour compte de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport en présence de Maître Philippe STROESSER et de Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER qui se sont tous les deux référés à leur mémoire écrit à l’audience publique du 22 mai 2006.

___________________________________________________________________________

Le 8 décembre 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires Etrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en outre en dates des 22 décembre 2004 et 6 janvier 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 14 novembre 2005, notifiée le même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été refusée comme étant non fondée en constatant d’abord qu’il serait resté en défaut de présenter un récit crédible et cohérent. Le ministre a retenu plus particulièrement à cet égard ce qui suit :

« En premier lieu, il est peu concevable que vous ne connaissiez pas la compagnie aérienne de l’avion que vous auriez pris, ni dans quelle ville il aurait atterri, alors que vous vous souvenez de l’uniforme des hôtesses ainsi que du numéro du bus que vous auriez pris depuis la Gare de Luxembourg. Il est tout aussi surprenant que vous ne connaissiez pas le nom de la femme qui vous a accompagné durant tout votre voyage, et que vous n’ayez rien payé pour votre voyage. De plus, il est peu crédible que vous ayez si peu d’informations à propos du culte de votre père alors que vous seriez censé reprendre sa place, d’autant plus que votre mère vous aurait fourni des explications. Enfin, vous mentionnez 2002 comme année de décès de votre mère, cependant plus loin vous déclarez qu’elle serait décédée en août 2003. Ces lacunes et imprécisions dans vos explications entachent la crédibilité de votre récit ».

Même à supposer les faits allégués par Monsieur … comme étant établis, le ministre a retenu en outre, qu’ils seraient insuffisants pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef, étant donné que les problèmes par lui relatés avec son père trouveraient leur cause dans son refus de lui succéder dans une société secrète et ne pourraient dès lors être considérés comme des actes de persécution ou susceptibles de justifier une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, ceci d’autant plus que ni son père, ni les autres membres de la société secrète ne sauraient être considérés comme des agents de persécution au sens de la même Convention. Le ministre a constaté par ailleurs qu’il ne ressortirait pas du dossier de l’intéressé qu’il aurait demandé la protection des autorités nigérianes, alors qu’il aurait néanmoins précisé que le culte en question serait prohibé par le Gouvernement. Dans ces circonstances il ne serait pas établi que les autorités de son pays d’origine n’auraient pas été en mesure où auraient refusé de lui accorder une protection quelconque. Le ministre a finalement relevé qu’il ne serait pas exclu que des raisons matérielles ont en réalité motivé la demande d’asile de Monsieur …, pour constater que des raisons économiques ainsi que le désir de venir travailler au Luxembourg ne sauraient davantage fonder une demande en obtention du statut de réfugié.

Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 6 décembre 2005 à l’encontre de la décision ministérielle du 14 novembre 2005 s’étant soldé par une décision confirmative du 13 décembre 2005, Monsieur … a fait introduire, par requête déposée en date du 3 janvier 2006, un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles prévisées des 14 novembre et 13 décembre 2005.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste d’abord avoir fait de fausses déclarations et reproche au ministre de ne pas avoir simplement vérifié si les conditions de l’article 1er, section A, paragraphe 2 de la Convention de Genève étaient remplies dans son chef. Il estime en effet que les faits par lui exposés à l’appui de sa demande d’asile prouveraient à suffisance qu’il éprouve des craintes justifiées de faire l’objet d’actes de persécution en cas de retour au Nigeria du fait de sa non-appartenance à un certain groupe social, à la société secrète à laquelle appartient son père. Quant aux fait lui reproché de ne pas avoir sollicité la protection des autorités en place, le demandeur fait valoir que les autorités policières du Nigeria seraient « gangrenées par la corruption » et que certains de leurs membres feraient également partie de cette même organisation secrète, de sorte que tout espoir de protection serait vain. Enfin, concernant la possibilité d’une fuite interne, le demandeur estime qu’elle serait illusoire au regard des nombreuses ramifications nationales de l’organisation secrète concernée.

Le délégué du Gouvernement estime que les décisions déférées sont justifiées et demande à ce que le recours soit rejeté comme étant non fondé.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste que les persécutions dont il aurait souffert ne sauraient être attribuées à la seule personne de son père, mais bien à l’organisation secrète mise en cause.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement et de manière crédible, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, à défaut de tout élément concret de preuve susceptible d’établir les faits invoqués à l’appui d’une demande d’asile, il appartient pour le moins au demandeur de présenter un récit cohérent et crédible aux autorités compétentes pour examiner sa demande d’asile.

Or, en l’espèce force est de constater que malgré les interrogations clairement posées par le ministre dans sa décision initiale du 14 novembre 2005 au sujet de la crédibilité et de la cohérence du récit présenté par Monsieur … à l’appui de sa demande d’asile, celui-ci, outre de contester de manière générale dans sa requête introductive d’instance avoir fait de fausses déclarations, est resté en défaut de fournir la moindre prise de position circonstanciée, de nature à rencontrer concrètement les doutes émis par le ministre.

Dans la mesure où le récit présenté à l’appui d’une demande d’asile, en l’absence de tout élément de preuve susceptible de sous-tendre les craintes de persécutions alléguées, constitue un élément clef de la procédure d’asile en ce qu’il cadre la situation personnelle du demandeur que celui-ci entend voir examinée par les autorités compétentes, le tribunal constate que les doutes circonstanciés du ministre restent en l’état actuel de l’instruction du dossier inébranlés par les développements du demandeur, de sorte qu’en l’absence de toute explication afférente, aucune erreur d’appréciation de la part du ministre ne saurait utilement être retenue.

Il se dégage des considérations qui précèdent que face aux doutes émis par le ministre quant à la crédibilité du récit présenté par le demandeur, il a valablement pu refuser de faire droit à la demande d’asile présentée par Monsieur ….

Le recours en réformation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 mai 2006 par:

Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20860
Date de la décision : 24/05/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-05-24;20860 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award