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24/05/2006 | LUXEMBOURG | N°20694

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mai 2006, 20694


Tribunal administratif N° 20694 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 novembre 2005 Audience publique du 24 mai 2006 Recours formés par Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Boevange/Attert en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20694 du rôle et déposée le 24 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc SCHAACK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, si

non à l’annulation d’une autorisation de bâtir n°16/2005 délivrée par le bourgmestre d...

Tribunal administratif N° 20694 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 novembre 2005 Audience publique du 24 mai 2006 Recours formés par Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Boevange/Attert en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20694 du rôle et déposée le 24 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc SCHAACK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une autorisation de bâtir n°16/2005 délivrée par le bourgmestre de la commune de Boevange/Attert portant la date du 24 août 2005, accordée à Monsieur Xxx et à Monsieur Yyy, demeurant tous les deux à L-…, sur un terrain sis section A de Boevange/Attert, numéro cadastral 444/2973, lot 7 d'un plan de situation cadastral dressé le 30 juillet 2003 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Geoffrey GALLE, en remplacement de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant tous les deux à Luxembourg, du 12 décembre 2005 portant signification de ce recours aux consorts xxx-YYY ainsi qu’à l’administration communale de Boevange/Attert ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 décembre 2005 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Boevange/Attert ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 mars 2006 par le mandataire de l’administration communale de Boevange/Attert, notifié le même jour par téléfax à Maître Luc SCHAACK et signifié par exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, en date du 8 mars 2006 aux consortsxxx-YYY ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 2006 par Maître Luc SCHAACK au nom de Monsieur …, notifié le même jour par téléfax au mandataire de l’administration communale de Boevange/Attert ;

Vu le mémoire en duplique déposé en date du 3 mai 2006 par Maître Jean KAUFFMAN au nom de l’administration communale de Boevange/Attert, notifié le même jour par téléfax au mandataire de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nathalie PRÜM-CARRE, en remplacement de Maître Luc SCHAACK, et Maître Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 mai 2006.

_____________________________________________________________________________

En date du 27 mai 2005, l'administration communale de Boevange/Attert, ci-après « l’administration communale », afficha un avis destiné au public afin d'informer les administrés qu'une demande d'autorisation de bâtir venait d'être introduite par les consorts xxx-YYY pour la construction d'une maison d'habitation unifamiliale sur un terrain sis aux abords des rue de Helpert et rue de l'Attert, CR 114 à Boevange/Attert, sur le lot 7 faisant partie du numéro cadastral 444/2973.

Monsieur … adressa suite à cet avis un courrier en date du 19 juin 2005 au bourgmestre de la commune de Boevange/Attert, ci-après « le bourgmestre », pour présenter ses observations et critiques par rapport au projet de construction.

En date du 24 août 2005, le bourgmestre accorda l’autorisation sollicitée par les consorts xxx-YYY et en informa Monsieur … par courrier du même jour, tout en prenant position par rapport aux remarques formulées par ce dernier.

Par requête déposée le 24 novembre 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la prédite autorisation de bâtir du 24 août 2005.

Etant donné que la loi ne prévoit pas de recours de pleine juridiction en matière de permis de construire, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision litigieuse du 24 août 2005 ; le recours principal en réformation est par conséquent irrecevable.

En ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation, l’administration communale soulève l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt dans le chef du demandeur en faisant valoir que la propriété de Monsieur … serait trop éloignée de la construction envisagée et en amont du terrain appartenant aux consorts xxx-YYY, de sorte que seules des considérations d'ordre visuel pourraient perturber Monsieur …. Or elle estime à ce sujet que la construction envisagée ne peut qu'embellir le site lui-même, de sorte que l'intérêt à agir ferait défaut.

L’administration communale conteste encore tout intérêt à agir personnel et direct dans le chef du demandeur, qui s’érigerait en « protecteur des constructions traditionnalistes du village ».

Le demandeur rétorque sur ce point, photographies à l’appui, qu’il disposerait bien d’une vue directe de sa maison d’habitation sur la parcelle des consorts xxx-YYY, située à quelques 100 mètres de sa propriété et qu’en tant que propriétaire du terrain voisin au terrain sur lequel la construction litigieuse est érigée, les irrégularités invoquées à l’appui de son recours seraient de nature à aggraver sa situation de propriétaire, son intérêt ne se confondant pour le surplus pas avec l’intérêt général.

L’intérêt pour agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter (voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n° 247).

En matière de recours en annulation dirigé contre un acte administratif, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque. Il convient partant de se demander si l’acte visé a un effet vis-à-vis du demandeur et lui fait grief.

En matière d’urbanisme et, plus particulièrement, en présence d’un recours contentieux dirigé contre un permis de construire un ouvrage déterminé, la recevabilité requiert de la part du demandeur soit de pouvoir justifier de l’existence d’une situation de proximité par rapport à l’ouvrage projeté soit de pouvoir faire valoir un intérêt spécial.

Or les voisins directs par rapport à une construction projetée peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet. Ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière de permis de construire, du moins dans la mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé (cf.

trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas. adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 41 et autres références y citées). A qualité et intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation de construire le voisin direct longeant le terrain devant accueillir la construction projetée et ayant une vue immédiate sur celui-ci (cf. trib. adm. 4 juin 1997, n° 9278 du rôle, Pas. adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 25 et autres références y citées).

En l’espèce, le tribunal constate que Monsieur … a bien, à partir de sa propriété, une vue directe sur la construction litigieuse située approximativement à 100 mètres de sa propre maison et surplombant sa propriété.

Il s’ensuit que l’intérêt à agir se trouve être vérifié à suffisance de droit dans le chef du demandeur au vu des situations respectives des propriétés et qu’il a un intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme.

Partant, le moyen d’irrecevabilité du recours en raison d’un défaut d’intérêt suffisamment caractérisé pour agir dans le chef du demandeur laisse d’être fondé.

Dès lors, à défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité circonstancié, le recours en annulation tel que dirigé contre l’autorisation de bâtir du 24 août 2005 est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, le demandeur fait état de deux séries de moyens, dont une première ayant trait au contenu du dossier en demande d’autorisation, respectivement à la procédure d’autorisation, et une deuxième au projet per se.

Avant d’analyser les différents moyens et arguments échangés de part et d’autre, il appartient au tribunal de déterminer la réglementation applicable.

Le tribunal constate que les parties se basent sur un plan d’aménagement général comportant le règlement sur les bâtisses approuvé par le conseil communal provisoirement en date du 26 avril 2004 et définitivement en date du 12 juillet 2005, sans que les parties n’aient indiqué la date de l’approbation dudit règlement par le ministre de tutelle.

Le tribunal rappelle à ce sujet qu’un tel règlement n’entre cependant en vigueur que suite à 1) l’obtention de l’approbation ministérielle (article 9 in fine de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes) et 2) sa publication conformément à la loi communale (article 82 alinéa 4 de la loi modifiée du 13 décembre 1988).

Il s’ensuit que le règlement invoqué par les parties n’était pas en vigueur à la date de l’introduction de la demande en obtention d’une autorisation de bâtir (28 février 2005) ni à la date de la délivrance de l’autorisation sollicitée (24 août 2005).

En revanche, le vote provisoire d’un conseil communal concernant un projet d’aménagement communal a un effet négatif par l’applicabilité directe de la servitude mise en place, dès le dépôt du projet provisoirement approuvé à la maison communale, en dehors de toute autre étape dans la procédure d’approbation définitive du plan, dans ce sens uniquement que, conformément à l’article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, toute implantation de constructions et tous travaux contraires aux dispositions dudit projet sont interdits.

Il en résulte que l’effet négatif du plan d’aménagement général comportant le règlement sur les bâtisses en question s’imposait en vertu du prédit article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée dès le vote provisoire en date du 26 avril 2004, dans la mesure où le projet litigieux ne pouvait pas être contraire à ses prescriptions, de sorte que ledit plan d’aménagement général comportant le règlement sur les bâtisses est à appliquer dans cette mesure à la présente affaire.

Quant au dossier en demande d’autorisation Le demandeur fait plaider que nonobstant une demande écrite afférente, le bourgmestre aurait refusé de communiquer à son mandataire les plans de la construction envisagée, au motif que ceux-ci seraient la propriété des consortsxxx-YYY, respectivement de l'architecte, ainsi que le règlement sur les bâtisses, de sorte qu’il aurait été, ensemble son conseil juridique, contraint de se présenter dans le cadre des heures d'ouverture auprès de l'administration. communale, afin de pouvoir accéder aux documents en question.

Le tribunal constate de prime abord que le demandeur omet de formuler sur cette base un quelconque moyen d’annulation, mais qu’il se contente à ce sujet de « demander à ce que le Tribunal enjoigne à la partie adverse de verser l'intégralité du dossier et notamment les plans annexés à la demande d'autorisation ainsi que ceux visés par la décision d'autorisation comme en faisant partie intégrante; que de plus, compte tenu de l'absence de communication de ces pièces, le requérant n'a pu procéder à une étude aussi approfondie qu'il aurait souhaité des pièces en cause; que, de ce fait, il sollicite expressément l'autorisation de faire valoir des moyens nouveaux, si besoin était, lorsque l'administration communale aura rempli ses obligations minimales vis-à-vis d'un de ses administrés; qu'il entend émettre par les présentes toutes réserves utiles à ce propos ».

Or l’administration communale a versé dans le cadre de la présente procédure contentieuse tant le règlement sur les bâtisses que les plans de construction tels qu’autorisés, de sorte que la demande telle que citée ci-avant est devenue sans objet.

En ce qui concerne en revanche la communication du règlement sur les bâtisses, le tribunal tient à rappeler le libellé de l’article 82 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, telle qu’elle a été modifiée, qui prévoit expressément que « le texte du règlement est à la disposition du public, à la maison communale, où il peut en être pris copie sans déplacement, le cas échéant contre remboursement ».

Le demandeur soulève encore le fait que le dossier de la demande en autorisation de bâtir serait incomplet, et ce, d’une part, parce que les plans d’architecte versés au dossier n’auraient pas été contresignés par le propriétaire, en violation de l'article 87, alinéa 3 du règlement des bâtisses (ci-après « Rb ») et, d’autre part, parce qu’il ressortirait du dossier que le plan de masse serait à une échelle de 1:200, au lieu de l’échelle 1:50 ou 1:100 prescrit par le règlement sur les bâtisses, que les plans du grenier feraient défaut, que ne figureraient pas au dossier de coupes longitudinales et transversales, et notamment, l’indication de la topographie existante du terrain et des modifications qu'il est prévu d'y apporter, et enfin qu’il n’y aurait pas de vues en élévation des façades des constructions voisines existantes jusqu'à une distance de dix mètres de part et d'autre des limites de la propriété comme requis, ni de données et calculs relatifs à la nature et à la résistance du sol, ces manquements étant selon le demandeur tous constitutifs de violations de l’article 91 Rb.

S’il est certes constant que d’après les dispositions de l’article 87, alinéa 3 Rb les plans doivent être contresignés par le propriétaire, et d’après l’article 91 Rb, le dossier doit contenir des plans établis à l’échelle 1 :100 ou 1 :50, et notamment des plans de tous les niveaux, des vues en élévation de toutes les façades des constructions voisines existantes sises à une distance de 10 mètres du projet, de coupes longitudinales et transversales avec notamment indication de la topographie existante et future, force est cependant de constater qu’il s’agit de dispositions qui ne sont non pas destinées à protéger les intérêts privés et partant susceptibles, aux termes de l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives de justifier en cas de non-respect, l’annulation d’un acte administratif, mais de simples prescriptions de bonne administration prises dans l’intérêt de la commune appelée à instruire le dossier de demande, de sorte que cette dernière serait certes en droit d’insister sur le dépôt des pièces en question et sur le respect de la formalité du contre-seing des plans par le propriétaire, et, le cas échéant, de suspendre l’instruction du dossier en attendant que le demandeur complète celui-ci, mais que ces manquements ne sauraient justifier un refus définitif du permis de bâtir par le bourgmestre, ni l’annulation de l’acte déféré par les juridictions administratives.

Il convient en effet à ce sujet de rappeler que lors de la délivrance d'une autorisation de construire, le bourgmestre doit se limiter à vérifier la conformité du projet par rapport au plan d'aménagement général et d'autre part par rapport au règlement sur les bâtisses, de sorte qu’une éventuelle non-conformité formelle du dossier de demande par rapport aux prescriptions du règlement sur les bâtisses ne saurait remettre en cause la légalité du projet de construction, mais tout au plus suspendre l’instruction de la demande.

Quant au projet per se Le demandeur affirme que le projet ne respecterait pas les prescriptions relatives au secteur moyenne densité et en particulier les articles 6.2. et 6.3 Rb.

Le tribunal constate que les parties sont d’accord à situer le projet litigieux dans le secteur de moyenne densité, régi par l’article 6 Rb.

Aux termes de l’article 6.2 Rb, « les constructions d'une profondeur maximale de quinze mètres seront implantées dans une bande de 20 m de profondeur parallèle et distante de 6 m de l'alignement du domaine public », tandis que l’article 6.3, relatif aux dispositions déterminant les prescriptions dimensionnelles précise que la marge de recul latéral doit être de 3 m au moins.

La partie demanderesse affirme à ce sujet ne pas être en mesure de vérifier le respect par le projet de l’article 6.2 Rb, et relève que la marge de recul latéral côté Est serait en un endroit de 2,80 mètres, au lieu des 3 mètres réglementaires.

Force est cependant au tribunal de constater que contrairement aux affirmations du demandeur, la profondeur de l’immeuble projeté se constate par simple calcul sur base du plan représentant le rez-de-chaussée, dont il ressort que la profondeur totale de l’immeuble est de (62,5 + 137,5 + 836,5) 1036,5 cm, soit 10,36 mètres, de sorte à être en conformité avec les prescriptions de l’article 6.2 Rb.

En ce qui concerne le recul latéral, il convient d’appliquer l’article 6.3 Rb – qui impose un recul latéral minimal de 3 mètres - conjointement à l’article 16 Rb, intitulé « Façade oblique », et qui prévoit que « lorsque la façade d’un bâtiment se présente obliquement par rapport à la limite de propriété, le recul des constructions est mesuré à partir du milieu de la façade, perpendiculairement à la limite. Au point le plus rapproché de la construction à la limite, la distance à respecter s’obtient par la formule recul imposé – 1 m ».

En l’espèce, la façade Est du projet litigieux présente en son milieu un recul de 3 mètres, et du côté droit un recul de 3,19 mètres et du côté gauche un recul de 2,8 mètres.

La façade en question étant dès lors sise obliquement par rapport à la limite de propriété longeant la rue de l’Attert - CR 114, le recul minimal à respecter au point le plus rapproché de la construction à la limite de propriété est de (3-1) 2 mètres, recul minimal que le projet litigieux respecte, puisque qu’il indique à cet endroit un recul de 2,8 mètres.

Il s’ensuit que ce moyen est à écarter.

Le demandeur argue encore d’un non-respect par le projet litigieux des dispositions relatives aux secteurs et monuments protégés en se prévalant à cet effet des dispositions de l’article 9 Rb.

Aux termes de l’article 9 Rb, « les secteurs et monuments protégés comprennent des bâtiments, éléments de bâtiments ou parties de la localité qui, par leur valeur historique, architecturale ou touristique, soit encore par leur site ou leur silhouette, sont soumis à une réglementation spéciale et tous les projets de démolition, reconstruction, transformation ou agrandissement sont soumis avant autorisation du bourgmestre à l'avis du Service des Sites et Monuments Nationaux.

Ces bâtiments sont repris dans le relevé annexé au règlement. (…) Les diverses prescriptions architecturales qui suivent visent à réglementer toute intervention dans le périmètre des secteurs et monuments protégés. (…) Ces règles particulières prédominent et complètent les autres articles des zones d’urbanisme où s’inscrivent les projets.

Deux types de volumes sont à définir :

- Les maisons d’habitation, de commerce et d’artisanat [régies par l’article 9.1Rb] - Les dépendances ou annexes [régies par l’article 9.2 Rb] ».

Par ailleurs, l’article 9.2.6 Rb précise encore qu’ « à proximité des monuments sub 9.1 et 9.2 et au moins jusqu’à une distance de 50 mètres à partir de ses façades extérieures, aucune construction ou transformation qui pourrait porter préjudice au site n’est admise. Dans ce cas, l’avis du Service des Sites et Monuments Nationaux est requis également ».

L’administration communale entend résister à ce reproche en faisant plaider que s'il est vrai que les rues de Helpert et rue de l'Attert tombent sous ou sont visées par les dispositions relatives aux secteurs et monuments protégés, il n'en demeurerait pas moins que lesdits secteurs et monuments protégés ne seraient protégés pour autant qu'ils présentent une valeur historique, architecturale ou touristique déterminée, sans pour autant que toute démolition ou construction quelconque ne doive au préalable recevoir l'avis du service des Sites et Monuments.

Elle considère que le terrain des consorts xxx-YYY serait « encombré par une vieille construction sans intérêt historique, culturel, architectural ou encore touristique », tandis que la construction projetée ne porterait aucunement préjudice au site, de sorte que les dispositions protectrices citées par le demandeur ne trouveraient pas à s’y appliquer.

Il résulte de la liste annexée au règlement sur les bâtisses, intitulée « Secteurs et monuments protégés », que diverses maisons de la rue de l’Attert, à savoir les maisons 1, 4, 7, 11, 13 et 21, ainsi que l’ensemble de la rue de Helpert sont visés par les dispositions de l’article 9 relatif aux secteurs et monuments protégés.

Le terrain des consorts xxx-YYY sis à l’angle rue de Helpert / rue de l’Attert, devant accueillir le projet litigieux dont la façade principale donnera sur la rue de Helpert, doit dès lors a priori être considéré comme tombant sous les prescriptions de l’article 9 Rb.

L’administration communale, comme relevé ci-avant, fait plaider que ces prescriptions ne trouveraient cependant à s’appliquer qu’aux secteurs et monuments présentant une valeur historique, architecturale ou touristique certaine.

Il est vrai que l’article 9 Rb ne s’applique pas indistinctement à tout bâtiment ou partie de la localité, mais uniquement à ceux « qui, par leur valeur historique, architecturale ou touristique, soit encore par leur site ou leur silhouette, sont soumis à une réglementation spéciale », ces bâtiments et parties de la localité étant définis à l’annexe du règlement sur les bâtisses.

Or il est constant en cause que le terrain des consorts xxx-YYY est situé rue de Helpert, rue définie par les autorités communales comme étant intégralement soumise aux prescriptions de l’article 9 Rb.

Il en résulte que les autorités communales, en adoptant la liste en question, ont décidé que toutes les parties de la localité y figurant sont présumées répondre aux critères énoncés ci-

avant, sans qu’il n’y ait lieu à analyser individuellement in specie pour chaque bâtiment, terrain ou site si celui-ci présente une quelconque valeur historique, culturelle, architecturale ou touristique. Le tribunal tient à souligner qu’au cas où les autorités communales auraient été d’avis - ainsi qu’elles le font actuellement plaider - que le terrain appartenant aux consorts xxx-

YYY ne présente pas une telle valeur, il leur aurait appartenu de l’exclure expressément de la liste à l’occasion de l’élaboration de celle-ci, ou encore de ne pas inclure intégralement la rue de Helpert dans cette liste, mais de n’y retenir, à l’instar de ce qu‘elles ont fait pour la rue de l’Attert, que certains bâtiments.

Il est encore constant en cause qu’en l’espèce ni les autorités communales, ni les consorts xxx-YYY n’ont soumis le projet à l’avis du service des Sites et Monuments Nationaux, de sorte que l’autorisation de bâtir déférée a été accordée en violation de l’article 9 Rb et doit encourir l’annulation de ce chef, l’analyse des autres moyens proposés par le demandeur devenant surabondante.

Le mandataire du demandeur a sollicité lors de l’audience publique du 17 mai 2006 le bénéfice de l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel, compte tenu du fait que les consorts xxx-YYY ont débuté les travaux de construction de leur projet, et verse à ce sujet des photographies attestant du fait que les travaux de terrassement sont déjà achevés et que le sous-sol est d’ores et déjà excavé.

Une telle demande en effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel s’analyse en un incident de procédure pouvant être élevé, même de façon orale à l’audience, après l’écoulement des délais légaux pour produire un mémoire (trib. adm. 12 novembre 2001, n° 13173, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 2002, n° 14239C, Pas. adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 283).

La condition tenant au risque du préjudice grave et définitif, susceptible d’être causé à la partie demanderesse à travers la décision administrative déférée au tribunal, telle qu’énoncée par l’article 35 de la loi modifiée du 21 juin 1999, se trouve remplie en l’espèce, étant donné que l'exécution en cours du permis de construire querellé de nullité risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif, ceci au vu de la jurisprudence des tribunaux judiciaires qui refusent d'ordonner la démolition de constructions érigées sous le couvert d'une autorisation administrative annulée dans la suite, au motif que le fait de construire sous le couvert d'une autorisation de construire annulée dans la suite ne constitue pas de faute, que, par conséquent, il n'y a aucune responsabilité civile dans le chef de celui qui a construit et que, dans ces conditions, il ne saurait y avoir de réparation du préjudice, ni en nature moyennant démolition de l'ouvrage construit illégalement, ni d'ailleurs par équivalent (ord. présid. 17 juillet 2000, n° 12092, Pas.

adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 322, et autres références y citées).

Il convient dès lors d’ordonner l’effet suspensif du présent recours pendant le délai et l’instance d’appel.

Le demandeur réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.600.- € . Au vu des circonstances particulières du présent litige et notamment en raison de son issue, du fait que le demandeur a été obligé de se pourvoir en justice sous l’assistance d’un avocat, et de l’absence de toute contestation afférente de la part de l’administration communale, il serait inéquitable de laisser à charge du demandeur l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens, de sorte qu’il échet de faire droit à ladite demande.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

déclare le recours subsidiaire en annulation recevable ;

au fond le dit justifié;

partant annule l’autorisation de bâtir du 24 août 2005 ;

ordonne l’effet suspensif du présent recours durant le délai et l’instance d’appel ;

condamne l’administration communale de Boevange/Attert au paiement d’une indemnité de procédure de 1.600.- € au demandeur ;

condamne encore l’administration communale de Boevange/Attert aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 mai 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20694
Date de la décision : 24/05/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-05-24;20694 ?

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