Tribunal administratif N° 20692 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 novembre 2005 Audience publique du 4 mai 2006
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Requête en relevé de forclusion introduite par Madame …, … en présence du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 20692 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 novembre 2005 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Arménie) de nationalité arménienne, demeurant actuellement à L-…, tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 août 2005, lui notifiée le 18 août 2005, portant refus du statut de réfugié, telle que confirmée par décision dudit ministre du 12 septembre 2005, notifiée en date du 16 septembre 2005 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 février 2006 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 mars 2006 au nom et pour compte de la demanderesse ;
Vu les pièces versées en cause ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport en date du 24 avril 2006, Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH s’étant rapporté au mémoire écrit de la partie publique.
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Le 23 novembre 2005, Madame … a fait déposer une requête tendant au relevé de la déchéance résultant de l'expiration du délai d'un mois imparti pour l'introduction d'un recours contentieux à l’encontre d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 août 2005 déclarant non fondée la demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 introduite par la demanderesse, telle que cette décision a été confirmée, sur recours gracieux introduit par la demanderesse le 29 août 2005, par décision ministérielle du 12 septembre 2005.
A l'appui de sa demande, Madame … fait exposer qu’après avoir reçu la notification de la décision de refus du 12 septembre 2005, elle se serait adressée « au courant des jours qui suivirent », respectivement dans le délai légal d’un mois, à son mandataire afin qu’il introduise un recours contentieux devant le tribunal administratif. Elle soutient qu’en dépit de l’ordre clair donné à son mandataire, le recours n’a pas été introduit. Elle conclut qu’elle aurait fait toutes les démarches et diligences nécessaires pour que son avocat introduise un recours contentieux devant le tribunal et qu’on ne saurait dès lors lui imputer la moindre faute, voire négligence, ayant conduit à la situation actuelle, à savoir qu’elle serait forclose à agir en justice, de sorte qu’elle serait à relever de la forclusion lui opposable au cas où elle saisirait le tribunal d’un recours en réformation contre la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 septembre 2005, lui notifiée en date du 16 septembre 2006.
Le délégué du Gouvernement conclut au rejet de la demande en relevé de déchéance pour manquer de fondement.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste sur le fait qu’elle aurait effectué toutes les diligences nécessaires, notamment pour faire introduire le présent recours en relevé de déchéance dès qu’elle aurait eu connaissance de l’absence d’introduction de recours par son mandataire précédent. Elle soutient qu’elle se serait régulièrement informée auprès de son précédent mandataire de l’avancement de la procédure et ce n’aurait été qu’en date du 9 novembre 2005 qu’elle aurait su qu’aucun recours n’avait été introduit par son mandataire, en raison de l’annulation de son attestation de réfugié par le ministère.
La requête en relevé de déchéance, n’étant pas autrement contestée sous ce rapport, est recevable pour avoir été présentée suivant les formes et délai prévus par la loi.
Il convient de relever en premier lieu que la décision initiale du 12 août 2005 fut confirmée par décision ministérielle du 12 septembre 2005, notifiée par deux envois recommandés le 16 septembre, tant à Madame … qu’à son mandataire. Partant, à l’heure actuelle, le délai pour introduire un recours contentieux a largement expiré, la demanderesse expliquant ce fait par l’inaction du son précédent mandataire malgré injonction formelle de sa part d’introduire un recours contre les décisions litigieuses.
La loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d'un délai imparti pour agir en justice dispose en son article 1er que « si une personne n'a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l'expiration du délai si, sans qu'il y ait eu faute de sa part, elle n'a pas eu, en temps utile, connaissance de l'acte qui a fait courir le délai ou si elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'agir ».
L’article 1er de la loi du 22 décembre 1986 prérelaté prévoit deux cas d’ouverture pouvant donner lieu au relevé de déchéance et force est de constater que seulement pour le premier cas d’ouverture, celui où la personne concernée n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, le texte légal prérelaté exige que cette hypothèse soit vérifiée « sans qu’il y ait eu faute de sa part », alors que pour le deuxième cas d’ouverture, relatif à l’impossibilité d’agir, pareille condition n’est pas prévue.
En effet, les auteurs du texte avaient à l’esprit que cette seconde hypothèse pouvait être celle « où une personne s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir pendant le délai imparti à la suite d’une signification ou notification régulière ayant fait courir le délai. Cette impossibilité d’agir pourra être due à un empêchement physique, résultant d’une maladie grave, d’un accident privant l’intéressé de l’usage de ses facultés mentales ou le mettant autrement hors d’état de pourvoir à ses intérêts » (doc. parl. n° 2879, commentaire des articles, p. 3, ad. art. 1er in fine).
Ainsi, au titre de l’impossibilité d’agir, la carence ou la négligence du mandataire n’est pas de nature à tenir en échec les délais d’ordre public. Ainsi, il convient de rappeler que dans l’hypothèse où un mandataire a été chargé par une personne en vue de l’introduction d’un recours dans une matière dans laquelle le droit de postulation d’un professionnel est la règle, comme celle sous rubrique réservant aux avocats à la Cour le monopole des recours à intenter au fond contre des décisions administratives individuelles, l’impossibilité d’agir n’est en principe pas donnée, lorsque le mandat pour agir a été conféré en temps utile au professionnel par le justiciable concerné, sauf hypothèse exceptionnelle d’éléments irrésistibles vérifiés dans le chef dudit mandataire (cf. trib. adm. 2 octobre 2000, n° 12175 du rôle, Pas adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 162 et autres références y citées).
En l’espèce, aucune cause justificative de l’inaction du mandataire de la demanderesse n’a été avancée, de sorte que l’inaction du professionnel ne saurait conduire à un relevé de la déchéance.
La requête en relevé de forclusion laisse partant d’être fondée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare la demande en relevé de forclusion recevable ;
au fond, la dit non justifiée et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais .
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 mai 2005 par :
Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert 3