GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 20245 C Inscrit le 5 août 2005
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Audience publique du 7 mars 2006 Recours formé par l’administration communale de Diekirch dirigé contre un jugement du tribunal administratif rendu dans l’affaire ayant opposé …et consorts à une décision du bourgmestre de la commune de Diekirch en matière de permis de construire (jugement entrepris du 29 juin 2005, n° 18819 du rôle)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 5 août 2005 par Maître Paul Trierweiler, avocat à la Cour, au nom de l'administration communale de Diekirch, établie en sa maison communale sise à L-9227 Diekirch, 27, avenue de la Gare, contre un jugement rendu en matière de permis de construire par le tribunal administratif à la date du 29 juin 2005 (jgt. n° 18819 du rôle) à la requête de …et consorts, tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre de la commune de Diekirch du 8 juillet 2004 portant permis de construire pour « les mesures anti-crues le long de la Sûre et le long de la voie CFL » à réaliser « conformément aux plans et devis approuvés par le conseil communal en date du 17.06.2003 et 09.07.2004 » ;
Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Alex Mertzig en date du 9 août 2005 à …;
Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Frank Schaal en date du 12 août 2005 à la société … S. à r.l.;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2005 par Maître Pierre Metzler, avocat à la Cour, pour compte des consorts … ainsi que sa notification par télécopie à Maître Paul Trierweiler à la même date;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 novembre 2005 par Maître Paul Trierweiler, au nom de l’administration communale de Diekirch ainsi que sa notification par télécopie à Maître Pierre Metzler à la même date ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 décembre 2005 par Maître Pierre Metzler ainsi que sa notification par télécopie à Maître Paul Trierweiler à la même date;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Ouï le conseiller Marc Feyereisen en son rapport, Maître Paul Trierweiler et Maître Georges Gudenburg, en remplacement de Maître Pierre Metzler, en leurs observations orales ;
Vu la rupture du délibéré prononcée par la Cour administrative en date du 17 janvier 2006, ordonnant une visite des lieux fixée au mardi, 14 février 2006 ;
Vu le résultat de cette visite des lieux, l’affaire ayant immédiatement été reprise en délibéré après cette mesure d’instruction.
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Par requête inscrite sous le numéro 18819 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 novembre 2004 par Maître Pierre Metzler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …………………… ont demandé à l’annulation de la décision du bourgmestre de la commune de Diekirch du 8 juillet 2004 portant permis de construire pour « les mesures anti-crues le long de la Sûre et le long de la voie CFL » à réaliser « conformément aux plans et devis approuvés par le conseil communal en date du 17.06.2003 et 09.07.2004 ».
Le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 29 juin 2005, a déclaré le recours en annulation recevable, au fond l’a déclaré justifié et a annulé la décision déférée.
Maître Paul Trierweiler, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 5 août 2005 dans laquelle la partie appelante fait valoir qu’elle dispose d'un intérêt certain à voir réformer la décision a quo.
Elle limite son appel aux dispositions du jugement attaqué lui faisant grief pour autant que les juges de première instance ont, en premier lieu, écarté le moyen relatif à la tardiveté du recours et ont déclaré au fond le recours en annulation recevable et fondé.
Maître Pierre Metzler, pour les parties intimées, dans un mémoire en réponse déposé en date du 14 octobre 2005, demande la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions.
Les juges de première instance auraient décidé à bon droit que la décision déférée, à savoir l'autorisation de bâtir délivrée par le Bourgmestre de la commune de Diekirch en date du 8 juillet 2004 devrait encourir la nullité pour violation des dispositions du règlement grand-
ducal du 6 avril 1999 déclarant obligatoire la partie du plan d'aménagement partiel « Zones inondables et zones de rétention » pour les territoires des communes de Bettendorf, Diekirch et Ettelbruck pris plus particulièrement en ses articles 4 et 5.
2 D’après la partie intimée, la Commune aurait dû informer individuellement les parties intimées de sorte que ce serait à bon droit que les premiers juges auraient retenu que le délai du recours contentieux n'aurait pas commencé à courir.
La partie appelante a encore déposé un mémoire en réplique en date du 14 novembre 2005 qui a été suivi d’un mémoire en duplique déposé en date du 14 décembre 2005 de la part de la partie intimée.
La Cour a ordonné la rupture du délibéré à l’audience publique du 17 janvier 2006 et a ordonné une visite des lieux pour le 14 février 2006 à 11.00 heures.
Un des nombreux aspects abordés lors de cette visite a été celui de l’intérêt à agir des requérants initiaux étant entendu que cet intérêt a été contesté en première instance par la partie de Maître Trierweiler (mémoire en réponse déposé en date du premier mars 2005) qui avait demandé acte « qu’elle conteste formellement que la décision attaquée porte un quelconque début d’ombre de grief et de préjudice aux requérants. » L’exigence d’un intérêt à agir ou donnant qualité à agir se situe au tout premier rang des conditions de recevabilité d’un recours porté devant le juge administratif.
Il y a lieu d’analyser de cas en cas si une personne désirant s’opposer à une décision administrative peut valablement faire état d’un intérêt suffisant pour agir, que ce soit au niveau administratif ou au niveau du contentieux, en apportant suffisamment d’éléments desquels il se dégage que sa situation individuelle, soit de résidente, soit de propriétaire d’un terrain s’y trouvant, est directement affectée du fait de cette décision.
Ainsi, est à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir, le recours d’un habitant d’une agglomération ou d’un propriétaire d’un terrain y situé, qui tend uniquement à faire assurer la défense de l’intérêt général, sans établir dans quelle mesure une éventuelle annulation de l’acte réglementaire attaqué est susceptible de lui causer une quelconque satisfaction. Il s’ensuit que même un recours dirigé contre un acte administratif (….) doit être basé sur un intérêt suffisant de celui qui agit, en ce qu’il ne saurait se baser sur des seules considérations d’intérêt général, mais qu’il doit au contraire faire état d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain (….). (C.A. 27 janvier 2005, N° 18049C, Unsen contre une délibération du conseil communal de Sandweiler ) En l’espèce, les requérants initiaux, tous propriétaires de terrains situés à proximité de «l’ouvrage autorisé par la décision du bourgmestre en date du 8 juillet 2004 ayant pour but de protéger contre les inondations de la Sûre tous les quartiers urbanisés le long de la route de Gilsdorf » concluent à l’annulation de la décision déférée qui serait contraire à l’esprit du règlement grand-ducal du 6 avril 1999 précité, tout en précisant ce moyen en ce que ladite décision emporterait violation des dispositions de ses articles 4 et 5.
Ils ont indiqué que sur les limites droite et gauche de leurs terrains pris dans leur ensemble il n’aurait existé aucune construction, de sorte que la commune ne saurait se prévaloir de l’article 5 du règlement grand-ducal du 6 avril 1991 précité pour conforter ou réparer des constructions qui n’existent pas et que ce serait dès lors à tort que des mesures confortatives seraient invoquées pour justifier des travaux qui auraient par ailleurs entraîné une augmentation de l’emprise au sol.
3 La Cour adopte les vues des premiers juges lorsque celui-ci ont retenu à juste titre que si dans le cas du recours en annulation lui soumis, le tribunal est amené à analyser la légalité de la décision communale par rapport à la réglementation d’urbanisme existante, il ne lui appartient point de vérifier les éléments d’opportunité et plus particulièrement le choix politique arrêté consistant à ériger les ouvrages projetés plutôt à un endroit qu’à un autre.
Il en découle que le reproche formulé par les requérants initiaux contre la commune de Diekirch de ne pas avoir, comme d’autres communes, opté à l’endroit pour une construction plus proche des berges de la Sûre au lieu d’envisager des mesures anti-crues à plus de 300 mètres des berges de la Sûre, ce qui est qualifié de « choix abusif de la part de la commune, dirigé contre les demandeurs, propriétaires de terrains à l’endroit et provoquant ainsi une rupture de l’égalité devant la loi et devant les charges publiques » ne saurait être retenu.
Pour le surplus, les requérants ne font néanmoins état d’un quelconque préjudice que l’acte administratif entrepris serait de nature à leur causer, la Cour ayant pu se rendre compte lors de la visite des lieux que les travaux entrepris ne sont pas de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin.
Il s’ensuit que dans ces circonstances que les requérants initiaux n’ont pas établi une lésion ou un intérêt personnel, direct, actuel et certain, partant ils n’ont pas établi un intérêt suffisant pour agir contre les décisions attaquées, de sorte que c’est à tort que les premiers juges ont déclaré leur recours initial introduit devant le tribunal administratif comme étant recevable.
Le jugement entrepris du 29 juin 2005 encourt partant la réformation, sans qu’il y ait lieu de renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif, étant donné que la requête initialement déposée devant le tribunal en date du 5 novembre 2004 est à déclarer irrecevable et sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres développements.
Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 5 août 2005, le déclare également fondé, par réformation du jugement du 29 juin 2005, déclare le recours déposé en date du 5 novembre 2004 devant le tribunal administratif irrecevable.
condamne les parties intimées aux dépens des deux instances.
Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur 4 Henri Campill, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.
le greffier le vice-président Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 mars 2006 Le greffier de la Cour administrative 5