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20/02/2006 | LUXEMBOURG | N°20053

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 février 2006, 20053


Tribunal administratif N° 20053 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juillet 2005 Audience publique du 20 février 2006 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire en présence de l’administration communale de Colmar-Berg en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20053 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2005 par Maître René FALTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à l...

Tribunal administratif N° 20053 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juillet 2005 Audience publique du 20 février 2006 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire en présence de l’administration communale de Colmar-Berg en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20053 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2005 par Maître René FALTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire du 25 mars 2005 approuvant la délibération du conseil communal de Colmar-Berg du 10 octobre 2002 portant adoption définitive du projet d’aménagement général et rejetant la réclamation introduite par Monsieur … comme étant non fondée ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 15 juillet 2005, portant signification de cette requête à l’administration communale de Colmar-Berg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 septembre 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2005 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2005 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour compte de l’administration communale de Colmar-Berg ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Tom FELGEN, en remplacement de Maître René FALTZ, Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 décembre 2005 ;

Vu la visite des lieux ayant eu lieu en date du 13 janvier 2006 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maîtres Tom FELGEN, Sandra ALVES ROUSSADO, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 février 2006.

Lors de sa séance publique du 11 février 1993, le conseil communal de Colmar-Berg a approuvé provisoirement un nouveau plan d’aménagement, parties écrite et graphique, en retenant notamment un certain nombre de modifications suggérées par la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur dans son avis datant du 12 janvier 1993.

Après avoir consulté le dossier, Monsieur … s’adressa au collège des bourgmestre et échevins par courrier du 11 mars 1993 pour lui soumettre les objections suivantes « en ce qui concerne les parcelles n° cadastrales 268/583 et 276/648 sises au lieu-dit « Im Langenfeld ». Selon le plan d’aménagement ces parcelles ne figurent plus dans le périmètre.

Je vous prie par la présente de bien vouloir reprendre les terrains en question dans le périmètre et de les classer en zone de faible densité. » Après avoir entendu Monsieur … en vue de l’aplanissement des difficultés en date du 2 juin 1993, le conseil communal de Colmar-Berg approuva définitivement le projet en date du 10 octobre 2002 sans faire droit à la réclamation de Monsieur ….

Suivant courrier du 28 mars 2003, Monsieur … fit alors introduire une réclamation contre l’approbation définitive du plan d’aménagement général, réclamation qui fut avisée négativement par le conseil communal en date du 12 août 2003 sur base des considérations suivantes :

« Considérant que lors du vote définitif, le conseil communal a maintenu sa première décision et rejeté donc la réclamation présentée par Monsieur … en date du 11 mars 1993.

Considérant que le conseil base son refus d’admettre les parcelles cadastrales n° 268/583 et 276/648 au lieu-dit « Im Langenfeld » au plan d’aménagement général sur les considérations suivantes :

- le chemin d’accès qui est la propriété de la commune est actuellement un chemin rural utilisé presque exclusivement par des piétons et il n’y a pas lieu de l’imperméabiliser et de l’élargir pour permettre la réalisation d’un lotissement en cet endroit - le fait d’autoriser un lotissement à cet endroit contribuera à une concentration excessive étant donné que la profondeur des terrains n’est pas suffisante - il y a lieu de conserver cette partie du territoire en zone verte.

Après discussion décide avec six voix (une abstention) de ne pas réserver une suite favorable à la réclamation présentée par Monsieur … au sujet de la réintégration des parcelles cadastrales n° 268/583 et 276/648 au lieu-dit « Im Langenfeld » au plan d’aménagement général de la commune. » Dans son avis datant du 1er juin 2004, la commission d’aménagement a analysé parallèlement deux réclamations sollicitant un reclassement de terrains et plus particulièrement des parcelles au lieu-dit « Bei Bongertsbüsch », en zone d’habitation, dont notamment la réclamation introduite pour le compte de Monsieur …, en s’exprimant comme suit :

« La Commission s’exprime en faveur d’un reclassement des terrains en zone d’habitation à condition expresse de soumettre l’urbanisation des fonds concernés à l’élaboration d’un projet d’aménagement particulier. Lors de la conception d’un projet urbain il y a lieu d’analyser si le parcellaire existant est à maintenir ou s’il est en revanche plus adapté de prévoir une modification du tracé du chemin rural existant.

L’intégration des parcelles en zone d’habitation permet en effet de compléter la zone d’habitation dans ce secteur de la localité.

Suite aux considérations précédentes, la commission est d’avis que la réclamation est fondée et recommande par conséquent à Monsieur le ministre de reclasser les terrains concernés en zone d’habitation. » Suivant arrêté du 25 mars 2005, le ministre de l’Intérieur approuva néanmoins la délibération du conseil communal de Colmar-Berg du 10 octobre 2002 portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties écrite et graphique, et déclara non motivée au fond la réclamation introduite pour compte de Monsieur … aux motifs suivants :

« Considérant qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la réclamation présentée par Maître René FALTZ au nom et pour compte de Monsieur …, portant sur des fonds sis à Colmar-Berg, au lieu dit « Im Langenfeld », portant les numéros cadastral 268/583 et 276/648, alors que les lieux en question et notamment les terrains destinés à recevoir l’accès carrossable font preuve d’une topographie très accidentée ;

Que la profondeur des parcelles concernées est insuffisante ;

Que la géométrie et la configuration de la voie publique existante desservante ne répond pas aux impératifs de la sécurité de la circulation ; » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2005, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ci-avant visée du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire du 25 mars 2005.

La décision d’approbation du ministre de l’Intérieur d’une décision communale d’adoption définitive d’un plan d’aménagement général (PAG) s’analyse en un acte administratif affectant directement les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes, sans qu’il soit nécessaire de prendre des actes administratifs individuels d’exécution, de sorte que le tribunal, conformément aux dispositions de l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, est compétent pour connaître du recours en annulation introduit à titre principal contre la décision ministérielle litigieuse1, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision litigieuse ayant trait au rejet de la réclamation introduite par Monsieur …, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Il s’y ajoute que le recours contre la seule décision d’approbation d’un acte soumis à tutelle est en principe valable, l’acte d’approbation étant lui-même une décision susceptible d’un recours en annulation pour les vices qui lui sont propres, contrairement au recours contre la seule décision de l’autorité soumise à tutelle, qui, à défaut et avant l’approbation, n’est pas susceptible de faire grief.2 Le recours en annulation ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Il s’ensuit que le recours subsidiaire tendant à la réformation de la décision ministérielle du 25 mars 2005, est irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur conclut d’abord à l’annulation de la décision litigieuse pour violation des dispositions de l’article 108 (2) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, pour soutenir qu’un délai de plus de 12 mois s’est découlé depuis l’entrée en vigueur de cette loi et qu’à défaut d’achèvement de la procédure d’élaboration du nouveau PAG dans ce délai, une nouvelle procédure d’adoption devrait être engagée. Il précise dans ce contexte que la procédure d’adoption du PAG ne saurait être considérée comme étant achevée aussi longtemps qu’un recours est pendant devant le tribunal administratif.

S’il est certes constant que la procédure d’élaboration du PAG litigieux fut entamée sous l’empire de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes et que conformément aux dispositions transitoires de l’article 108 (2) de la loi précitée du 19 juillet 2004 « pour les projets d’aménagement général ou particulier dont la procédure d’approbation est entamée d’après les dispositions de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi, cette procédure est continuée et doit alors être achevée dans les 12 mois qui suivent l’entrée en vigueur de la présente loi. Passé ce délai, une nouvelle procédure d’adoption doit être engagée conformément aux dispositions de la présente loi », il n’en demeure cependant pas moins que c’est à juste titre que tant le délégué du Gouvernement que la commune de Colmar-Berg rétorquent que le moyen d’annulation fondé sur cette disposition laisse d’être fondé.

En effet, l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 fut modifié par la loi du 19 juillet 2005 dans le sens d’une extension du délai légal prévu pour la continuation et l’achèvement de la procédure d’approbation d’un projet d’aménagement général ou particulier, ledit article 108 disposant désormais sous son point (4) que « pour les projets d’aménagement général ou particulier dont la procédure d’approbation est entamée par la saisine de la commission d’aménagement d’après les dispositions de la loi du 12 juin 1937 précitée au moment de l’entrée en 1 cf. trib. adm. 19 juin 2000, n° 10009 du rôle, Pas adm. 2005, V° Acte réglementaire, n° 25 et autres références y citées 2 cf. Cour adm. 6 novembre 1997 n° 10011C du rôle, Pas. adm. V° Tutelle administrative, n° 12 et autres références y citées, p. 690 vigueur de la présente loi, cette procédure est continuée et doit être achevée dans les deux ans qui suivent l’entrée en vigueur de la présente loi. Passé ce délai, une novelle procédure d’adoption doit être engagée conformément aux dispositions de la présente loi. » Il s’y ajoute que la procédure d’approbation d’un PAG est à considérer comme étant achevée à partir du moment où la dernière décision d’approbation requise par la loi est intervenue, indépendamment d’un éventuel recours contentieux introduit à son encontre, étant donné que le recours contentieux n’a pas d’effet suspensif et n’est partant pas de nature à enlever à l’acte litigieux son caractère définitif, seule l’annulation éventuelle à prononcer étant susceptible de lui enlever ce caractère par l’anéantissement rétroactif opéré.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le premier moyen d’annulation laisse d’être fondé.

Le demandeur relève ensuite que le ministre, à travers la décision litigieuse, s’est départi clairement de l’avis précité de la commission d’aménagement du 1er juin 2004 et que les faits à la base de la motivation de la décision ministérielle litigieuse laisseraient d’être établis.

Ainsi, quant à la prétendue topographie très accidentée, le demandeur estime qu’il s’agirait d’un argument trop imprécis pour pouvoir être pris en considération, ceci d’autant plus qu’une topographie même très accidentée ne serait pas de nature à entraîner un reclassement en zone verte, tels qu’en témoigneraient de nombreux exemples contraires. Le demandeur relève pour le surplus que s’agissant d’une situation de fait restée constante depuis l’époque antérieure à l’adoption du nouveau PAG, il aurait appartenu au ministre de fournir des motifs précis et circonstanciés, susceptibles de justifier le changement de classement opéré consistant à sortir un terrain d’une zone constructible pour l’inclure dans une zone non constructible, tout en faisant valoir que le simple renvoi à l’état topographique du terrain reclassé ne suffirait pas aux exigences de motivation s’imposant en la matière, alors que les aspects d’ordre géologique avancés de façon générale par la commune n’auraient pas été autrement étayés en l’espèce.

Concernant ensuite la prétendue profondeur parcellaire insuffisante, le demandeur estime qu’il s’agit d’un argument trop imprécis pour pouvoir être utilement pris en considération, étant donné que le ministre n’indiquerait aucun métrage, ni aucune profondeur parcellaire documentant concrètement l’insuffisance alléguée. Il relève pour le surplus que la question de la profondeur d’un terrain serait certes pertinente en ce qui concerne la question de sa constructibilité conformément au règlement sur les bâtisses, mais ne serait pas pour autant un argument valable pour reclasser un terrain en zone verte, ceci d’autant plus que la parcelle concernée était au préalable incluse dans le périmètre.

Quant à la géométrie et à la configuration de la voie publique desservante qui ne répondrait pas aux impératifs de la sécurité de la circulation, le demandeur relève qu’il n’a pas l’intention de réaliser pour le moment un projet immobilier sur les terrains concernés et que le moment venu, il devrait de toute façon présenter un plan d’aménagement particulier. Il estime que ce serait dès lors dans le cadre d’une éventuelle demande d’autorisation de PAP ou de demande d’autorisation de construire que d’éventuels problèmes de raccordement à la circulation seraient susceptibles d’être pris en considération. Il en déduit que le ministre aurait commis respectivement un abus de pouvoir ou une violation de la loi en ayant recours à ce volet de motivation qu’il conteste pour le surplus formellement.

Dans son mémoire en réponse le délégué du Gouvernement fait d’abord valoir que ce serait à tort que le demandeur affirme que ses terrains auraient fait partie du périmètre d’agglomération du précédent PAG de la commune de Colmar-Berg, alors que ledit plan n’aurait jamais été en vigueur pour ne pas avoir été approuvé par le ministre de l’Intérieur et probablement pour ne pas avoir été voté, ne serait-ce que provisoirement, par le conseil communal. Il estime pour le surplus que le seul fait que ces fonds aient fait partie du périmètre d’agglomération ne saurait empêcher leur reclassement si celui-ci s’imposait pour des raisons urbanistiques. Or, tel serait précisément le cas en l’espèce en raison de la typologie très accidentée rendant toute construction difficilement réalisable, voire impossible.

Il rappelle pour le surplus le manque de profondeur des parcelles concernées retenu à l’appui de la décision litigieuse en précisant que la majeure partie des fonds litigieux ne disposerait que d’une profondeur de tout au plus 20 mètres, la rendant inadaptée à toute construction en bonne et due forme. Ainsi un reclassement en zone verte ne serait pas de nature à nuire aux intérêts du demandeur, ceci d’autant plus que celui-ci admettrait lui-même ne pas avoir l’intention de réaliser un projet immobilier sur ces terrains.

Le représentant étatique renvoie finalement au motif de refus que la géométrie et la configuration de la voie publique existante ne répondraient pas aux impératifs de sécurité de la circulation, pour soutenir que dans sa prise de décision, le ministre compétent aurait veillé au respect de l’intérêt général. Il signale dans ce contexte que l’accès à la route principale impliquerait le passage nécessaire par un petit chemin rural pour bifurquer ensuite sur une rue en sens unique qui se caractérise par une pente importante, puis d’exécuter des manœuvres difficiles pour bifurquer finalement sur une route plus large à double sens, pour soutenir que ce serait à juste titre que le ministre s’est prévalu de l’accessibilité difficile des terrains litigieux au point que la sécurité de la circulation s’en trouverait inévitablement compromise.

La commune de Colmar-Berg rejoint le délégué du Gouvernement pour soutenir que les motifs à la base du reclassement opéré seraient précis et circonstanciés et elle insiste sur le fait qu’il a été procédé en l’espèce non pas au reclassement d’une seule parcelle, mais d’un certain nombre de terrains se trouvant tous dans la même situation et se caractérisant pas une topographie très accidentée les rendant inconstructibles. Elle insiste en outre sur l’insuffisance de la profondeur parcellaire à laquelle il ne pourrait être remédié, même pas en regroupant plusieurs terrains, pour soutenir que le classement préconisé par le demandeur en secteur de faible densité, avec un recul arrière à respecter de 10 mètres et un recul avant d’au moins 6 mètres, ne serait pas opportun puisque, compte tenu des dimensions des terrains concernés, il ne sauraient jamais être constructibles d’après les règles applicables en cette zone.

Elle fait valoir pour le surplus qu’il serait de la compétence des autorités communales, sous la tutelle du ministre de l’Intérieur, d’apporter dans les plans d’aménagement des localités des mesures contraignantes tenant tant à l’urbanisme qu’à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques, de sorte que la décision litigieuse ne saurait encourir de reproche en ce qu’elle a pour objet d’éviter dans l’intérêt général des risques engendrés par l’augmentation inévitable de la circulation routière, étant entendu que les terrains litigieux ne sont actuellement pas raccordés au réseau routier public et que l’aménagement du chemin rural desservant actuellement ces terrains serait difficile à réaliser voire impossible à cause de la topographie du terrain.

La partie étatique et la commune se rejoignent finalement pour solliciter une visite des lieux afin de rendre compte de la situation sur place.

Dans son mémoire en réplique le demandeur insiste sur le caractère non pertinent de l’argument de l’inconstructibilité des terrains du point de vue application du règlement sur les bâtisses, en faisant valoir qu’il serait possible d’y ériger une construction en regroupant plusieurs terrains et qu’il ne faudrait pas confondre la question de la constructibilité d’un terrain eu égard au règlement sur les bâtisses et celle de son inclusion ou non dans le périmètre d’agglomération.

Le débat entre parties étant essentiellement axé sur la topographie des terrains litigieux et les considérations d’intérêt général en rapport notamment avec les incidences sur la sécurité, le tribunal a procédé à une visite des lieux afin de pouvoir apprécier la réalité des faits à la base de la motivation de la décision litigieuse.

A partir des précisions apportées sur place, ainsi que des pièces fournies au dossier par le mandataire de l’administration communale, les parties au litige s’accordent pour retenir que les parcelles litigieuses, référencées sous les anciens numéros cadastraux 268/583 et 276/648, correspondent à celles actuellement référencées sous les numéros parcellaires 270/1476, 270/1803, 276/1440 et 276/1477, telles que renseignées sur l’extrait du plan cadastral de la commune de Colmar-Berg, section D de Colmar, émis le 16 janvier 2006.

Au vu des divergences constatées relativement au classement des parcelles litigieuses avant l’adoption du nouveau PAG, les parties publiques ont complété le dossier d’abord par des copies de l’ancien PAG de la commune de Colmar-Berg renseignant, d’après sa partie graphique, le classement des terrains litigieux en zone mixte comprise dans le périmètre d’agglomération, sous la précision toutefois du délégué du Gouvernement que ledit PAG aurait bien été voté provisoirement par la commune, mais que d’après les informations du ministère de l’Intérieur, il n’aurait jamais été affiché à la maison communale, de sorte à ne pas avoir sorti d’effets juridiques.

Le dossier fut complété en outre par le mandataire de la commune par un extrait du registre aux délibérations de la séance du conseil communal du 17 décembre 1979 renseignant l’approbation provisoire du PAG dressé par l’architecte ERPELDING de Luxembourg, ainsi que la décision de procéder à sa publication du 19 décembre 1979 au 18 janvier 1980. La commune a également versé un extrait aux délibérations de la séance du conseil communal du 22 février 1980 ayant eu pour objet notamment les réclamations relatives au PAG, ainsi que la décision de procéder au remaniement dudit plan en vue de sa soumission à l’approbation définitive dans les meilleurs délais.

Compte tenu du fait que le conseil communal, d’après ces pièces, a effectivement statué sur des réclamations produites à l’encontre du PAG provisoirement approuvé, il y a lieu d’admettre a fortiori qu’une enquête publique a bien eu lieu et que le projet approuvé provisoirement a reçu une publicité suffisante pour déclencher son effet au provisoire tel que prévu par les dispositions de l’article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée.

Les parties étant pour le surplus en accord pour dire qu’avant l’approbation provisoire du PAG ci-avant visé du 17 décembre 1979, la commune de Colmar-Berg ne disposait pas d’un projet ou plan d’aménagement couvrant l’ensemble du territoire communal établi en exécution de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, ou par un plan d’aménagement établi en exécution de la loi modifiée du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire, force est encore de constater que les parcelles concernées étaient à considérer déjà à l’époque comme étant constructibles.

En effet, à défaut de toute restriction afférente opérée par la voie légale ou réglementaire au droit de propriété concerné, l’usage de la propriété, qui d’après l’article 544 du code civil « est le droit de jouir et de disposer des choses, pourvu qu’on n’en face pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ou qu’on ne cause un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage rompant l’équilibre entre des droits équivalents », compte tenu encore des dispositions de l’article 16 de la Constitution, était en principe libre1, sous réserve éventuelle des dispositions de l’article 2, 3ième alinéa de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, applicable à l’époque, qui dispose que « dans les communes ne disposant pas d’un projet ou plan d’aménagement conformément à l’article 1er, l’implantation de toute construction n’est autorisée dans la mesure où l’aire qu’elle occupe englobe le centre d’un cercle d’un rayon de 100 mètres à l’intérieur duquel sont sises au moins 5 habitations occupées d’une façon permanente », hypothèse par ailleurs vérifiée en l’espèce à partir des informations fournies sur place au sujet des dates approximatives de construction des habitations voisines.

A partir des développements qui précèdent il y a partant lieu de retenir que les terrains litigieux ont fait l’objet d’un reclassement ayant consisté à les retirer du périmètre d’agglomération pour les classer en zone verte.

Dans la mesure où les possibilités d’affecter les différents terrains appartenant au demandeur se trouvent considérablement réduites par l’effet de ce classement en zone verte qui emporte l’applicabilité des dispositions pertinentes de la législation en matière de protection de la nature, - et ce aussi bien en ce qui concerne les terrains à profondeur réduite antérieurement susceptibles d’être aménagés en tant que jardin que ceux situés dans la partie plus large de la bande de terrains globalement concernée -, c’est à juste titre que le demandeur estime que les attributs de son droit de propriété 1 voir en ce sens C.E. 4 juillet 1979, Pascicrisie 24, p. 299 se trouvent entamés par l’effet de l’acte réglementaire ayant fait l’objet de l’approbation ministérielle litigieuse.

Force est cependant de constater que le seul constat de l’existence de cette charge ainsi imposée au demandeur n’est pas de nature à justifier l’annulation de l’acte réglementaire sous examen, ces considérations relevant en effet non pas de la compétence des juridictions administratives, mais de la compétence des juridictions civiles qui pourront, le cas échéant, allouer une indemnisation appropriée au propriétaire dont le terrain est grevé d’une obligation au profit de la communauté.3 En effet le législateur, en imposant aux communes d’établir un projet d’aménagement et d’édicter un règlement sur les bâtisses, a nécessairement habilité le pouvoir communal à réglementer l’usage du droit de propriété lorsque sa réglementation se justifie soit dans l’optique de la réalisation des objectifs de la législation concernant l’aménagement des agglomérations, soit encore dans l’intérêt général, de sorte qu’un changement au niveau du PAG consistant en l’exclusion de terrains du périmètre d’agglomération, doit rester possible dans son principe, sous peine de méconnaître la plénitude du pouvoir d’appréciation des autorités communales en la matière.

Il n’en demeure cependant pas moins que l’exercice de ce pouvoir ne saurait verser dans l’arbitraire, mais doit rester guidé par des considérations d’ordre urbanistique ou de salubrité, de sécurité ou de tranquillité publiques dûment établies, étant entendu que le pouvoir du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’acte administratif attaqué, mais ne l’habilite en aucun cas à substituer sa propre appréciation aux considérations d’opportunité, notamment politiques, des autorités communales.

En l’espèce, il se dégage des actes de la procédure d’élaboration du PAG litigieux que les autorités communales ont justifié le reclassement des terrains concernés en zone verte d’abord par la double considération que l’urbanisation de cet endroit « contribuera à une concentration excessive étant donné que la profondeur des terrains n’est pas suffisante » et que le chemin d’accès qui est la propriété de la commune « est actuellement un chemin rural utilisé presque exclusivement par des piétons », cette dernière considération ayant été explicitée sur place par les représentants de la commune en ce sens qu’ils entendent conserver cette partie du territoire communal en l’état, de manière à garantir la subsistance d’une languette de verdure à la disposition du public à des fins notamment de loisir et de détente.

Ces considérations ont été complétées par les motifs avancés par le ministre dans la décision litigieuse qui sont articulés de manière plus technique, en ce sens que le ministre a mis en avant le fait d’une topographie très accidentée, d’une insuffisance générale de la profondeur des parcelles, ainsi que du caractère inapproprié de la géométrie et de la configuration de la voie publique existante desservante pour répondre aux impératifs de la sécurité de la circulation.

3 Cour adm. 8 janvier 2002, n° 13891C du rôle Force est de constater que si des considérations de sécurité peuvent en principe justifier l’action du pouvoir réglementaire dans le sens de l’exclusion de parties du territoire communal du périmètre d’agglomération, le tribunal ne perçoit cependant pas à suffisance l’existence d’éléments justifiant pareille action en l’espèce, étant donné que s’agissant de la question préliminaire de l’inclusion ou non des terrains concernés dans le périmètre d’agglomération et non de la question en amont du régime des constructions à y élever le cas échéant, aucun risque direct et concret en rapport avec le principe même de l’inclusion des terrains concernés dans le périmètre n’est perceptible.

Les éléments de motivation complémentaire avancés en l’espèce par le ministre de l’Intérieur pour justifier sa décision d’approbation de l’adoption définitive du PAG, ne sont toutefois pas de nature à invalider les considérations d’intérêt général avancées à la base par les autorités communales à l’appui de leur décision d’exclure les terrains litigieux du périmètre d’agglomération, étant donné que le ministre s’y était expressément référé dans sa décision du 25 mars 2005..

Or, les considérations ci-avant visées des autorités communales consistant en la volonté clairement exprimée de maintenir la zone territoriale concernée dans sa configuration de fait actuelle, soit en une languette de verdure traversée par un chemin communal destiné à l’utilisation publique à des fins de détente et de loisir, ainsi que la volonté politique d’empêcher en cet endroit une concentration urbanistique excessive, s’analysent en des considérations tant urbanistiques que d’intérêt général valables et suffisantes pour justifier la décision de reclassement litigieuse.

Il s’ensuit qu’à défaut pour le demandeur d’établir à l’appui de son recours le caractère arbitraire, voire abusif de la réglementation litigieuse, qui concerne par ailleurs non pas une parcelle isolée, mais une bande de terrains d’une certaine envergure et cohérence, le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 février 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20053
Date de la décision : 20/02/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-02-20;20053 ?

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