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28/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20082

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 novembre 2005, 20082


Tribunal administratif N° 20082 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2005 Audience publique du 28 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20082 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2005 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité guinÃ

©enne, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre d...

Tribunal administratif N° 20082 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2005 Audience publique du 28 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20082 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2005 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 avril 2005, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 6 juin 2005 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 21 novembre 2005 en présence de Maître Virginie ADLOFF, en remplacement de Maître Edmond DAUPHIN, et de Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH, qui se sont tous les deux référés au mémoires écrits de leurs parties respectives.

Le 20 août 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut encore entendu en date du 25 août 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre l’informa par lettre du 29 avril 2005, lui notifiée par courrier recommandé du 2 mai 2005 que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif que son récit contiendrait plusieurs incohérences et contradictions qui feraient douter de sa véracité. Il a ainsi soulevé qu’il serait peu concevable que Monsieur … ne pourrait pas donner d’indications plus précises quant à son voyage entrepris pour venir au Luxembourg et qu’il ne serait pas en mesure de pouvoir dater, même d’une manière approximative, les évènements dont il ferait pourtant état tout au long de son récit. Le ministre a estimé qu’il serait encore peu probable que Monsieur … n’ait rien payé pour son voyage et qu’il n’aurait pas été contrôlé dans le train l’ayant cheminé vers le Luxembourg. Il s’y ajouterait que sa fuite de prison, telle que relatée, serait difficilement crédible, de sorte que l’ensemble de ces constatations entacherait très sérieusement la véracité et la crédibilité de ses déclarations. Le ministre a estimé pour le surplus que même en faisant abstraction de ces doutes relativement à la crédibilité des déclarations de Monsieur …, il n’apporterait pas pour autant d’éléments de preuve relativement à l’emprisonnement allégué, ainsi qu’au fait qu’il aurait été faussement accusé d’un délit, de même que les seuls faits ne sauraient par ailleurs suffire pour fonder à eux seuls une demande en reconnaissance du statut de réfugié, faute pour Monsieur … d’avoir établi qu’il aurait été arrêté du fait de sa race, de sa religion, et de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses convictions politiques, ainsi que le prévoit l’article 1er, section 1, paragraphe 2 de la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par le demandeur suivant lettre de son mandataire du 2 juin 2005 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 6 juin 2005.

Par requête déposée le 8 juillet 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions prévisées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 29 avril et 6 juin 2005.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que les doutes émis par le ministre sur la crédibilité et la véracité de son récit seraient le résultat d’une lecture « ethnocentriste » des faits par lui relatés, alors que lui-même serait issu d’une civilisation de l’oral et qu’il se trouverait maintenant confronté à une civilisation de l’écrit et qu’il n’aurait pas la même perception du temps que les gens d’Europe centrale. Estimant que les craintes par lui exprimées seraient bien réelles et reposeraient sur les usages de la justice de son pays d’origine, il reproche dès lors au ministre de s’être livré à une mauvaise appréciation de son dossier et de sa situation particulière.

Le représentant étatique soutient que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé. Il signale plus particulièrement que le fait d’appartenir au groupe social des pauvres et d’avoir fait de ce fait l’objet d’actes de persécution ne constituerait pas un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, faute de correspondre à l’un des critères de fond y limitativement énoncés.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur (cf. trib. adm. 13 novembre 1997, n° 9407 et 9806 du rôle, Pas. Adm.

2004, V° Etrangers, n° 43).

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il convient de relever en premier lieu que le demandeur, dépourvu de papiers d’identité et ne présentant pas de pièces à l’appui de son récit, doit au moins présenter un récit crédible et cohérent. Or, en l’espèce, force est de constater que la crédibilité des déclarations du demandeur est sérieusement ébranlée par les incohérences contenues dans son récit.

Face aux nombreuses incohérences relevées de manière détaillée par le ministre, l’explication globalement fournie fondée sur une différence de civilisation et de conception du temps laisse de convaincre.

Par ailleurs, c’est encore à juste titre que le ministre a retenu que même en faisant abstraction de ces incohérences, le demandeur fait essentiellement valoir sa crainte de subir des persécutions en cas de retour dans son pays d’origine en raison de son évasion de prison. Or, le fait d’avoir fait l’objet d’une condamnation, à la supposer établie, relève en tant que tel de la répression d’infractions de droit commun sans être d’une gravité disproportionnée pour valoir comme motif d’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, ceci à défaut pour le demandeur d’établir que c’est pour l’un des motifs de persécution énoncés par ladite Convention qu’il aurait fait l’objet de cette condamnation.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20082
Date de la décision : 28/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-28;20082 ?

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