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28/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20026

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 novembre 2005, 20026


Tribunal administratif N° 20026 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2005 Audience publique du 28 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20026 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2005 par Maître Claude CLEMES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, cultivateur, dem

eurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’E...

Tribunal administratif N° 20026 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2005 Audience publique du 28 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20026 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2005 par Maître Claude CLEMES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, cultivateur, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement, sous la signature de Monsieur Guy WEISS, premier conseiller de gouvernement audit ministère, du 22 décembre 2004 en ce qu’elle porte refus d’autorisation de la construction d’un enclos pour soigner les animaux sur un fond sis au lieu-dit « … » inscrit au cadastre de la commune de B., section B de X., sous le numéro …, classé en zone verte d’après le plan d’aménagement général de ladite commune, ainsi que de la décision du ministre de l’Environnement, sous la signature du même premier conseiller de gouvernement, du 26 avril 2005 prise sur recours gracieux du demandeur du 8 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 août 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 septembre 2005 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle le tribunal à procédé le 18 novembre 2005 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions ministérielles litigieuses ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Claude CLEMES et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives ;

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Le 24 septembre 2004, Monsieur … s’adressa au ministre de l’Environnement pour solliciter une autorisation pour la construction d’un « corral plus cornadis » pour soigner les animaux sur un fonds sis au lieu-dit « … » inscrit au cadastre de la commune de B., section B de X., sous le numéro ….

Ladite demande fut avisée défavorablement en date du 14 octobre 2004 par le chef-brigadier forestier du triage forestier de B., relevant du cantonnement forestier de Luxembourg-Ouest de l’administration des Eaux et Forêts, le préposé forestier s’étant exprimé comme suit :

« Le requérant a déjà effectué les travaux sans avoir été en possession des autorisations afférentes ; j’ai dressé procès-verbal à cet égard sous la référence 11AS/04. Il faut ajouter à cet endroit que je dispose dans mes archives de copies de pas moins de 10 autorisations émises au nom du requérant depuis 1994, autant dire qu’il n’est pas novice dans la matière.

Les dimensions de la constructions telles qu’énumérées dans la demande ne sont pas exactes : en effet, la largeur de la dalle en béton n’est pas de 2 mètres, mais de 3,50 mètres ; la largeur totale de la construction n’est pas de 6 mètres, mais de 8,20 mètres.

La longueur mentionnée de 20 mètres correspond à la réalité.

La majorité des constructions autorisées en zone verte est soumise à la condition qu’elle repose sur le sol nu sans socle en béton, dans un esprit de réversibilité en cas de cessation de son exploitation. Du fait que de détruire une dalle en béton est uniquement faisable en s’équipant de l’outillage spécifique approprié, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde, la majorité de ces dalles, imperméables à la pluie, sont tout simplement laissées à l’abandon, scellant ainsi inutilement à très long terme le sol. S’y ajoute que la construction est tout à fait délocalisée vis-à-vis du reste des bâtiments. A mon avis, un simple enclos de taille réduite aurait tout à fait suffi aux exigences voulues.

J’estime qu’il faudrait inviter le requérant à enlever la construction dans un délai de trois mois à partir de la date du refus, dont une copie devrait être adressée à Monsieur F. N., substitut du Parquet du Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg (…)».

Par lettre du 22 décembre 2004, le ministre de l’Environnement, sous la signature de Monsieur Guy WEISS, premier conseiller de gouvernement audit ministère, s’adressa à Monsieur … pour l’informer de ce qui suit :

« Monsieur, En réponse à votre requête du 24 septembre 2004 par laquelle vous sollicitez l’autorisation de procéder à la construction d’un enclos pour soigner des animaux sur un fond sis au lieu-dit « … », inscrit au cadastre de la commune de B., section B de X., sous le numéro …, j’ai le regret de vous informer qu’en vertu de la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je ne suis pas en mesure de donner une suite favorable au dossier.

En effet, la construction est de nature à porter préjudice à la beauté du site alors qu’en raison de sa localisation elle ne formera pas d’ensemble harmonieux avec les constructions agricoles existantes. Par ailleurs, j’estime que les dimensions sont démesurées par rapport aux besoins et qu’un enclos de taille réduite devrait suffire aux fins voulues.

Je vous invite dès lors à revoir votre projet dans ce sens et de procéder à une remise en état des lieux d’ici trois mois.

La présente décision est susceptible d’un recours en réformation devant le tribunal administratif, recours qui doit être intenté dans les trois mois de la notification par requête signée d’un avocat.

La présente annule remplace ma décision du 17 novembre 2004.

Veuillez agréer, (…) ».

Le 8 mars 2005, Monsieur …, agissant par le biais de son mandataire, introduisit un recours gracieux auprès du ministère de l’Environnement à l’encontre de la susdite décision de refus.

Le 26 avril 2005, le ministre de l’Environnement, sous la signature du même premier conseiller de gouvernement, déclara maintenir sa décision prérelatée du 22 décembre 2004 pour les motifs y énoncés, « aucun nouvel élément nouveau (sic) ne plaidant en faveur d’une décision autre (…) ».

Par requête déposée le 30 juin 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions ministérielles précitées des 22 décembre 2004 et 26 avril 2005.

C’est à juste titre que le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en annulation introduit en ordre subsidiaire, étant donné qu’au vœu de l’article 58 de la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, le tribunal est amené à statuer comme juge du fond en la matière, de sorte qu’il est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit et, par voie de conséquence, le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, aucune contestation y relative n’ayant par ailleurs été élevée par l’Etat.

Le demandeur soulève en premier lieu, sous le titre « Non respect des droits de la défense », un moyen tendant à l’annulation pure et simple des décisions litigieuses pour violation de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, en vertu de laquelle ladite réglementation serait d’application générale et parce que « les règles édictées dans cette réglementation doivent notamment assurer le respect des droits de la défense de l’administré en aménageant dans la mesure la plus large possible la participation de l’administré à la prise de décision administrative ».

A l’appui de ce moyen, le demandeur soutient que le ministre de l’Environnement aurait omis de le faire participer à la prise de décision, alors qu’il aurait été « opportun d’étudier ensemble avec l’administré les nécessités et les problèmes qui s’imposent à un exploitant agricole lorsqu’il s’adonne à l’élevage de bovins à viande destinés à la chaîne alimentaire luxembourgeoise », de même que le ministre aurait été tenu de lui donner l’occasion de formuler ses observations.

Dans le même ordre d’idées, le demandeur soutient que les décisions litigieuses ne contiendraient « aucun visa, ni de renvoi à la procédure d’élaboration » et ainsi, elles ne rapporteraient pas la preuve « qu’il y a réellement eu une phase préalable à la prise de décision ».

Dans son mémoire en réplique, toujours sous le même titre, le demandeur fait encore état de ce que la motivation de la décision du 22 décembre 2004 serait « indubitablement équivoque », état des choses qu’une implication de l’intéressé dans le processus décisionnel aurait certainement pu éviter.

Ce moyen laisse cependant d’être fondé à divers titres et ne serait-ce que parce que le demandeur ne précise pas quelle disposition de la réglementation relative à la procédure administrative non contentieuse, telle qu’elle a été mise en oeuvre par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, n’aurait pas été respectée par le ministre compétent, étant donné qu’un demandeur ne saurait, pour conclure à l’illégalité d’une décision administrative pour non-respect de la réglementation PANC, se fonder exclusivement sur une violation d’une disposition de la loi de 1978, simple disposition habilitante, qui n’a pas vocation à résoudre directement des situations conflictuelles.

S’y ajoute que c’est à juste titre que le délégué du gouvernement fait valoir que le demandeur est particulièrement mal venu de critiquer un refus de dialogue de la part du ministre, alors qu’au moment de l’introduction de sa demande, Monsieur … avait non seulement entamé, mais entièrement réalisé la construction qu’il entend voir autoriser, mettant ainsi l’administration devant le fait accompli le plus parfait.

Par ailleurs, étant donné que le dossier sous examen n’a pas trait à une prise de décision intervenue en dehors de l’initiative de l’administré concerné, mais que le ministre n’a fait que répondre à une demande d’autorisation, illégalement réalisée, il aurait de prime abord incombé à l’intéressé d’entourer l’administration de toutes les données nécessaires ou utiles, afin de se ménager les bases suffisantes pour pouvoir obtenir la satisfaction recherchée.

En second lieu, le demandeur soulève, sous le titre « Défaut de motivation et illégalité des décisions du 2 décembre 2004 et du 26 avril 2005 », un moyen basée sur l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 pour défaut d’existence de motifs légaux. Il soutient que le ministre aurait omis d’indiquer une base légale et d’avoir effectué une « appréciation totalement subjective (…) dépourvue de tout fondement légal ». Dans ce contexte, le demandeur fait état de ce qu’il serait le mieux placé pour juger de quel type d’installation il a besoin et fait valoir être le « premier défenseur de la beauté du site et du caractère unique de la situation de son exploitation ». Dans cet ordre d’idées, il soutient encore que les décisions seraient contradictoires en ce que le ministre d’un côté, exigerait la remise en pristin état des lieux, alors que d’un autre côté, il laisserait entrevoir que l’installation serait autorisable en principe, mais que sa taille serait inadéquate. Dans le même contexte, le demandeur se réfère au « Lehrpfad im Syrtal » et conclut à la violation du principe de l’égalité devant la loi, soutenant que l’administration aurait moins d’égards à l’égard de la beauté des sites lorsque ses propres services érigent des enclos.

Force est de prime abord de constater que la décision ministérielle précitée du 22 décembre 2004 répond de façon circonstanciée à la demande du demandeur, les motifs ayant été suffisamment précis pour mettre le demandeur en mesure de prendre position en parfaite connaissance de cause, cet état des choses transparaissant indubitablement tant à la lecture du recours gracieux circonstancié qu’il a pu adresser au ministre de l’Environnement, qu’à travers sa requête introductive d’instance et son mémoire en réplique.

Par ailleurs, le tribunal ne partage pas l’opinion du demandeur en ce qu’il fait état d’une motivation ambiguë ou contradictoire, étant donné que le ministre, qui n’est pas juge de l’opportunité du projet ou de son envergure, de sorte à ne pas pouvoir apporter de modifications par rapport au projet qui lui est soumis pour approbation, mais qui est seulement appelé à se prononcer sur la compatibilité du projet lui soumis avec les exigences posées par le cadre légal en la matière, a répondu de façon univoque que le projet lui soumis – et d’ores et déjà réalisé en pratique – était de par son envergure et par rapport au site d’implantation et alentours démesuré et partant inacceptable. - Le fait que l’autorité ministérielle invite en même temps le demandeur à revoir son projet n’est pas de nature à ébranler ce constat, étant donné que l’administration ne fait que réserver le futur, son invitation restant parfaitement neutre en ce qui concerne l’attitude qu’elle pourrait adopter une fois saisie d’un projet remanié.

Au delà du reproche d’une motivation contradictoire ou insuffisante, le demandeur paraît encore critiquer concomitamment l’appréciation que le ministre a pu faire de la situation factuelle qui s’est présentée à lui.

Dans ce contexte, il y lieu de relever de prime abord que l’objet de la demande introduite le 24 septembre 2004 par Monsieur …, tel que l’intéressé l’a confirmé lors de la visite des lieux, est de régulariser le fait accompli et qu’il n’a pas entendu apporter de modification ou d’aménagement à l’ouvrage existant. Or, il a dû être constaté sur place lors de la visite des lieux que la construction érigée, au regard de ses dimensions, diffère sensiblement du projet, tel qu’il a été soumis, à travers les demande et plan présentés par Monsieur … au ministre de l’Environnement. En effet, il s’est confirmé sur place que la largeur de la dalle en béton érigée est de 3,5 mètres, la lettre d’accompagnement de la demande de permis introduite par l’intéressé ne faisant état que d’une largeur de 2 mètres et la largeur totale du corral mesurée est de 8,2 mètres, alors que seulement 6 mètres sont indiqués sur le plan soumis au ministre. Par conséquent, force est de constater que le refus ministériel est justifié ne serait-ce que par ce que la demande d’autorisation n’est en tout état de cause pas susceptible d’aboutir au résultat escompté, à savoir la susdite régularisation. En effet, même en admettant que le demandeur obtienne gain de cause, il n’en resterait pas moins que l’ouvrage existant doit être détruit en grande partie, le tribunal ne pouvant en aucun cas autoriser plus que n’a été sollicité par l’administré.

S’y ajoute que même s’il est apparu lors de la visite des lieux que l’affectation de la beauté du site par le corral en question est somme toute relative, il n’en reste pas moins que les incidences préjudiciables pour la nature pourraient être amoindries si l’ouvrage était érigé quelques mètres en contrebas, où la pente est moindre et l’impact de l’ouvrage sur l’aspect du site, notamment en ce qui concerne sa visibilité, atténué, et si le matériel choisi s’intégrait mieux dans la nature, notamment si la dalle n’était pas réalisée en béton, mais, tel que préconisé par Monsieur …, chef d’arrondissement sud du service de la conservation de la Nature, en pierres concassées aplanies, munies d’un drainage. Ceci dit, au vu du résultat de la visite des lieux, le tribunal est amené à retenir que l’appréciation faite par l’administration doit être entérinée en ce qui concerne le constat d’une atteinte préjudiciable à la beauté du site, état des choses qui aurait pu être évité si, au lieu de la réalisation d’un fait accompli, le dialogue avait été recherché en temps utile.

Enfin, l’argumentation basée sur une prétendue violation du principe constitutionnel de l’égalité des citoyens devant la loi n’est pas pertinente en cause, étant donné que l’administration et les citoyens se trouvent dans des situations de fait et de droit différentes et que le demandeur ne fait pas concrètement état d’un quelconque autre citoyen se trouvant dans une situation identique ou comparable et qui aurait été traité différemment. D’ailleurs, même si tel avait été le cas, le tribunal est appelé à se prononcer par rapport au cas d’espèce et non pas par rapport à un autre dossier et même à admettre que l’administration ait fait une mauvaise application de la loi dans un autre dossier, le demandeur ne pourrait se prévaloir dudit principe pour obtenir lui aussi une mauvaise application de la loi, l’égalité ne se concevant que dans les strictes limites de la légalité.

Il s’ensuit qu’en l’état, le dernier moyen est également à écarter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer non fondé dans son intégralité.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 28 novembre 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 20026
Date de la décision : 28/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-28;20026 ?

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