La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2005 | LUXEMBOURG | N°19639,19683

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 novembre 2005, 19639,19683


Tribunal administratif Nos 19639 et 19683 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 11 et 18 avril 2005 Audience publique du 28 novembre 2005

==============================

Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’admission au stage

_______________


JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 19639 du rôle et déposée le 11 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, ouvrier, demeurant à L-…, tendant à l’a...

Tribunal administratif Nos 19639 et 19683 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 11 et 18 avril 2005 Audience publique du 28 novembre 2005

==============================

Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’admission au stage

_______________

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 19639 du rôle et déposée le 11 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, ouvrier, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, « émanant probablement du 5 décembre 2003 », refusant son admission au stage dans la carrière de cantonnier auprès de l’administration des Ponts et Chaussées, et pour autant que de besoin d’une décision du président de la commission d’examen du 24 juillet 2003 pour l’admission au stage dans la carrière précitée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 juillet 2005 pour compte du demandeur ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 19683 du rôle et déposée le 18 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, préqualifié, au nom de Monsieur …, préqualifié, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 12 avril 2005, refusant son admission au stage dans la carrière de cantonnier auprès de l’administration des Ponts et Chaussées ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juillet 2005 pour compte du demandeur ;

I.  II. Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Daniel BAULISCH et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

Le ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative fit procéder en date du 17 mai 2003 à un avis de publication portant notamment sur trois postes de la carrière de cantonnier auprès de l’administration des Ponts et Chaussées, postes à pourvoir sur base d’un examen-concours prévu pour le 1er juillet 2003 auquel participa Monsieur ….

Le 24 juillet 2003, le président de la commission d’examen pour l’admission au stage dans la carrière précitée adressa à Monsieur … une lettre de la teneur suivante :

« Monsieur, J’ai l’honneur de vous faire parvenir en annexe les résultats que vous avez obtenus aux différentes épreuves de l’examen-concours pour l’admission au stage dans la carrière du cantonnier du 1er juillet 2003.

Vous vous êtes classé 3ième parmi les 104 candidats ayant participé à l’examen-

concours.

Considérant que 3 candidats de l’Armée bénéficient d’un rang de priorité, ce classement ne vous habilite pas à accéder directement à l’une des 3 vacances de postes actuellement déclarées, à moins qu’un nombre suffisant de candidats classés en rang utile renonceraient aux postes qui leur sont proposés. Dans ce cas, vous en serez informé dans les meilleurs délais.

Tout en vous remerciant de l’intérêt que vous avez manifesté à l’égard du secteur public et en vous informant qu’il vous est bien entendu loisible de participer au prochain examen-concours, je vous prie d’agréer (…) ».

Par lettre recommandée du 17 mars 2005, le mandataire de Monsieur …, en se prévalant de la jurisprudence récente des juridictions administratives en la matière, demanda au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ci-après désigné par le « ministre », de « reconsidérer le classement de l’examen-concours de mon client quant à l’admission au stage dans la carrière du cantonnier et de l’admettre à un des trois postes déclarés vacants ».

Par courrier du 12 avril 2005 à l’adresse du mandataire du demandeur, le ministre refusa de faire droit à la prédite demande d’admission au stage pour les motifs suivants :

« Maître, En réponse à votre courrier du 17 mars 2005, j’ai l’honneur de vous faire tenir ma décision quant à l’admission au stage de la carrière du cantonnier de Monsieur … à la suite l’examen-concours sous rubrique.

Il est vrai que l’intéressé a été informé par courrier du président de la commission d’examen du 24 juillet 2003 qu’il s’était classé en troisième rang audit examen sans qu’il ne puisse toutefois accéder directement à l’une des trois vacances de postes à pourvoir à la suite de cet examen en raison du fait que trois candidats de l’Armée bénéficiaient d’un rang de priorité.

Il est également exact que par deux jugements du 2 février 2004 et du 31 mars 2004 confirmés par la Cour administrative, le Tribunal administratif avait annulé les décisions du ministre de la Fonction publique et la Réforme administrative refusant l’admission au stage de deux candidats classés en rang utile au même examen-concours au motif que la disposition correspondante consacrant le droit de priorité des volontaires de l’Armée, à savoir l’article 25 de la loi modifiée du 23 juillet 1952 concernant l’organisation militaire, prévoit qu’un règlement grand-ducal précise les modalités d’application du droit de priorité et que ce règlement grand-ducal faisait défaut.

Ceci étant, je constate que votre requête vise maintenant l’admission au stage d’un candidat ayant participé à un examen-concours organisé il y a maintenant presque deux années. En dehors de la question des délais de recours contentieux qui se poserait en cas d’action judiciaire, il est entendu que je dois me placer, en ce qui concerne la décision à prendre, dans la situation légale telle qu’elle existe à l’heure actuelle, les décisions administratives n’ayant par ailleurs pas vocation à avoir un effet rétroactif.

Dans ce contexte, il appert que le vice qui avait donné lieu aux décisions d’annulation des juridictions administratives que vous invoquez a été réparé dans la mesure où le règlement grand-ducal d’exécution qui manquait a été pris, à savoir le règlement grand-ducal du 13 décembre 2004 concernant le droit d’exclusivité et le droit de priorité des volontaires de l’armée pour les emplois de la carrière inférieure des administrations, offices, services et établissements publics y compris les établissements d’assurance sociale, les communes, les établissements et syndicats communaux et la société nationale de chemins de fer luxembourgeois.

Je ne suis donc pas en mesure de réserver une suite favorable à la demande de votre mandant d’être admis au stage de la carrière du cantonnier.

Veuillez noter que votre mandant dispose d’un recours contre la présente décision à exercer devant le Tribunal administratif par ministère d’avocat à la Cour dans un délai de trois mois (…) ».

Par une première requête, inscrite sous le numéro 19639 du rôle, déposée le 11 avril 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative prétendument prise le 5 décembre 2003, portant refus de son admission au stage dans la carrière de cantonnier auprès de l’administration des Ponts et Chaussées, et pour autant que de besoin contre la décision du 24 juillet 2003 du président de la commission d’examen pour l’admission au stage dans la prédite carrière.

Par une deuxième requête déposée le 18 avril 2005, inscrite sous le numéro 19683 du rôle, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du 12 avril 2005, refusant son admission au stage dans la carrière de cantonnier.

Quant à la jonction Dans le cadre d’une bonne administration de la justice, il y a lieu de faire droit à la demande présentée par le délégué du gouvernement tendant à la jonction des deux affaires inscrites sous les numéros 19639 et 19683 du rôle, à laquelle Monsieur … ne s’est pas opposé, afin d’y statuer par un seul et même jugement, dans la mesure où elles concernent les mêmes parties et qu’elles tendent au même objet.

Quant à la recevabilité du recours inscrit sous le numéro 19639 du rôle Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours inscrit sous le numéro 19639 du rôle, en ce qu’il est dirigé contre une prétendue décision du président de la commission d’examen du 24 juillet 2003, au motif que ladite lettre du président ne constituerait pas une décision administrative susceptible d’un recours devant les juridictions administratives, mais une simple lettre d’information, au motif que le président de cette commission d’examen ne serait pas compétent pour admettre un candidat au stage dans la fonction publique.

Il se dégage du libellé de ladite lettre que le président de la commission d’examen pour l’admission au stage dans la carrière de cantonnier communiqua au demandeur ses résultats et son classement, tout en l’informant qu’il ne serait pas habilité à accéder directement à l’une des trois vacances de postes.

Or, dans la mesure où par cette lettre, le président de ladite commission d’examen met un terme définitif à la procédure de recrutement et d’admission au stage, elle s’analyse en une décision de nature à causer grief au demandeur, et est comme telle susceptible de recours (cf. trib. adm. 31 mars 2004, n° 17406 du rôle, publié sur http://www.jurad.etat.lu).

A titre subsidiaire, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour tardiveté, le recours n’ayant pas été introduit dans le délai de trois mois.

Force est cependant de constater que la décision du président de la commission d’examen ne contient pas, contrairement au vœu de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, d’indication sur les voies de recours, de sorte qu’aucun délai n’a pu commencer à courir et le moyen afférent du délégué du gouvernement est à écarter comme non fondé.

Le délégué du gouvernement soulève encore l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre une prétendue décision du ministre du 5 décembre 2003, au motif qu’il n’existerait pas pareille décision, mais uniquement une décision du ministre datant du 12 avril 2005, postérieure au recours.

Le demandeur n’ayant pas pris position par rapport à ce moyen et dans la mesure où l’existence et le contenu d’une telle décision, orale ou écrite n’a pu être établie, il s’ensuit que le recours est à déclarer irrecevable en tant que dirigé contre une décision du ministre du 5 décembre 2003.

Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond en matière d’admission au stage, le recours en annulation, introduit sous le numéro 19639, ayant par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, est dès lors recevable dans les limite et mesure qu’il vise la décision du président de la commission d’examen du 24 juillet 2003.

Quant à la recevabilité du recours inscrit sous le numéro 19683 du rôle Le recours en annulation introduit sous le numéro 19683 du rôle, dirigé contre la décision précitée du ministre du 12 avril 2005 est quant à lui recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond A l’appui de son recours inscrit sous le numéro 19639 du rôle, le demandeur fait valoir que s’étant classé troisième à l’examen-concours d’admission au stage dans la carrière de cantonnier, dans laquelle trois postes auraient été déclarés vacants auprès de l’administration des Ponts et Chaussées, il serait en rang utile et devrait partant, conformément à l’article 6 du règlement grand-ducal modifié du 17 septembre 1985 concernant l’organisation des examens-concours pour l’admission au stage dans la carrière du cantonnier des administrations de l’Etat et des établissements publics, être admis au stage.

Il soutient que le droit de priorité tel que prévu par l’article 25 de la loi modifiée du 23 juillet 1952 concernant l’organisation militaire ne saurait lui être opposé, au motif que ladite disposition ne serait pas exécutoire en l’absence du règlement grand-ducal y visé au moment de la tenue de l’examen-concours en question.

A titre subsidiaire, il fait plaider que la disposition de l’article 25 de la loi précitée du 23 juillet 1952, en ce qu’elle laisserait au pouvoir exécutif le soin de déterminer les modalités d’application du droit de priorité en faveur des volontaires de l’armée en vue d’occuper un emploi de la carrière inférieure notamment dans d’autres administrations, ne répondrait pas aux exigences de l’article 96 de la Constitution, selon lequel tout ce qui concerne l’armée serait réglé par la loi.

Il soutient encore qu’il se poserait également une question de constitutionnalité de l’article 25 par rapport à l’article 10bis (1) de la Constitution dans la mesure où il instituerait une différence non justifiée entre les volontaires de l’armée ayant accompli un service militaire de trois ans et les personnes n’ayant pas accompli leur service.

Ainsi, il demande au tribunal de saisir la Cour Constitutionnelle pour que cette dernière examine la conformité de l’article 25 de la loi modifiée du 23 juillet 1952, précitée, par rapport aux articles 96 et 10bis (1) de la Constitution.

Il sollicite finalement l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500.- euros.

Le délégué du gouvernement renvoie dans son mémoire en réponse pour ce qui est du fond de l’affaire à ses conclusions prises dans le cadre du recours introduit sous le numéro 19683 du rôle.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait valoir que la décision litigieuse du président de la commission d’examen encourrait l’annulation, au motif que celui-ci aurait dépassé ses compétences, la décision sur l’admission ou non au stage étant réservée au gouvernement par application de l’article 2.2. de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat.

A l’appui de son deuxième recours introduit sous le numéro 19683 du rôle, le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre aurait dans sa décision litigieuse du 12 avril 2005 statué par rapport à la situation légale actuelle et non pas par rapport au droit applicable au moment de la prise de la décision. En procédant de la sorte, il violerait l’article 10bis (1) de la Constitution en instituant une différence de traitement entre lui et le candidat classé premier à l’examen, qui lui aurait été admis au stage.

Il reproche ensuite au ministre de ne pas avoir à son égard fait application de la règle la plus favorable se dégageant en la matière de l’arrêt rendu par la Cour administrative le 13 juillet 2004 (n° 17993C du rôle) et de ne pas avoir respecté l’article 3 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, selon lequel toute administration est tenue d’appliquer d’office le droit applicable à l’affaire dont elle est saisie.

En ordre subsidiaire, il critique le ministre pour avoir fait application du règlement grand-ducal du 13 décembre 2004 concernant le droit d’exclusivité et le droit de priorité des volontaires de l’armée pour les emplois de la carrière inférieure des administrations, offices, services et établissements publics, y compris les établissements d’assurance sociale, les communes, les établissements et syndicats communaux et la société nationale des chemins de fer luxembourgeois, au motif que l’article 25 de la loi précitée du 23 juillet 1952, qui disposerait que les modalités d’application du droit de priorité seront déterminées par règlement grand-ducal, serait contraire à l’article 96 de la Constitution, selon lequel tout ce qui concerne la force armée serait réglé par la loi, de sorte que la détermination des modalités d’application du droit de priorité ne saurait être laissée à un règlement grand-ducal.

Sur ce, il sollicite la saisine de la Cour Constitutionnelle pour que cette dernière examine la conformité de l’article 25 de la loi modifiée du 23 juillet 1952, précitée, par rapport aux articles 96 et 10bis (1) de la Constitution ainsi que l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000.- euros.

Le délégué du gouvernement rétorque que ce serait à bon droit que le ministre se serait basé dans sa décision critiquée sur le règlement grand-ducal précité du 13 décembre 2004, au motif que l’autorité administrative devrait statuer par rapport au droit applicable au moment de la prise d’une décision.

Il fait ensuite valoir que la décision judiciaire qui aurait tranché le litige concernant le candidat qui aurait été classé premier à l’examen-concours litigieux ne serait pas applicable au demandeur en vertu du principe de la relativité de l’autorité de chose jugée.

Le représentant étatique conclut encore au rejet du moyen tiré d’une rupture du principe d’égalité devant la loi, au motif que le législateur pourrait, sans violer ledit principe constitutionnel, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à la condition que la différence instituée procède de dispositions objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à un but, tel étant le cas en l’espèce, les candidats ayant accompli trois ans de service volontaire se trouvant dans une situation objectivement différente de ceux qui n’ont pas fait leur service militaire.

Quant au moyen tiré de ce que l’article 25 de la loi modifiée du 23 juillet 1952, précitée, serait contraire à l’article 96 de la Constitution, il estime que le droit de priorité ne concerne pas tant la force armée que les conditions d’admission aux examens-

concours applicables dans la fonction publique, matière qui ne serait pas réservée à la loi, mais qui rentrerait dans le champ de compétence du pouvoir réglementaire conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat.

Enfin, il soutient que l’article 25 serait conforme à l’article 96 de la Constitution, au motif que s’il devait y avoir matière réservée, cela ne signifierait pas pour autant que la loi devrait tout régler en les moindres détails, mais qu’il suffirait que la loi trace les grands principes, ce qui serait le cas en l’espèce.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur critique encore le ministre pour avoir appliqué à son égard le règlement grand-ducal précité du 13 décembre 2004, estimant qu’en procédant de la sorte, le ministre conférerait un effet rétroactif audit règlement.

Il résiste ensuite à l’affirmation du délégué du gouvernement, selon lequel les candidats à l’examen-concours du mois de juillet 2003 ne se trouveraient pas dans la même situation, en soutenant que les candidats qui se seraient classés premier et deuxième à l’examen auraient été admis au stage dans la carrière de cantonnier, bien qu’ils n’aient pas accompli trois ans de service militaire, de sorte qu’ils se trouveraient dans la même situation de fait et de droit que lui et que le moyen tiré d’une rupture d’égalité devant la loi serait partant fondé.

En ordre subsidiaire, il soutient encore que la différence instituée par le règlement grand-ducal précité du 13 décembre 2004 entre les volontaires ayant accompli trois ans de service militaire et les personnes n’ayant pas accompli le service militaire « ne procède pas de disparités objectives et n’est pas rationnellement justifiée, ni adéquate et proportionnée à son but ».

Enfin, il expose, en se prévalant de la jurisprudence rendue par le tribunal administratif le 31 mars 2004 (n° 17406 du rôle), que la détermination des modalités d’application du droit de priorité ne constituerait pas, contrairement à l’argumentation du représentant étatique, un détail, mais qu’elle devrait faire l’objet d’une loi conformément à l’article 96 de la Constitution.

1.

Quant à la décision du président de la commission d’examen du 24 juillet 2003 Il convient en premier lieu de relever que si le demandeur ne critique ni ses résultats ni son classement tels qu’arrêtés par la décision litigieuse du président de la commission d’examen du 24 juillet 2003, il attaque cependant la décision du président de la commission d’examen dans la mesure où celui-ci lui a refusé l’admission au stage en lui opposant le droit de priorité dont bénéficient les volontaires de l’armée ayant accompli trois ans de service militaire.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés (cf. Cour adm. du 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en annulation, n° 9).

L’organisation des examens-concours pour l’admission au stage dans la carrière de cantonnier de l’administration des Ponts et Chaussées est régie par le règlement grand-

ducal du 17 septembre 1985 concernant l’organisation des examens-concours pour l’admission au stage dans la carrière du cantonnier des administrations de l’Etat et des établissements publics, tel que modifié par un règlement grand-ducal du 9 décembre 1994.

Aux termes de ce règlement grand-ducal, pris plus précisément en son article 6 alinéa 3, « le président [de la commission d’examen] informe chaque candidat des résultats et du classement obtenus », et ce suite à l’appréciation des épreuves et à l’établissement des résultats par un jury d’examen.

Aucune disposition n’habilite cependant le président de la commission d’examen à prendre une décision sur l’admission ou non au stage d’un candidat. Au contraire, l’article 2.3. (et non pas l’article 2.2. tel qu’invoqué par le demandeur) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, précise que « l’admission au stage a lieu par décision du Gouvernement à la suite d’un concours sur épreuves (…) ».

Le demandeur ne contestant pas son classement proprement dit, il s’ensuit que la décision du président de la commission d’examen du 24 juillet 2003, mais seulement dans la mesure où le président a outrepassé ses compétences en refusant l’admission au stage au demandeur au vu du droit de priorité mis en avant comme étant conféré aux candidats émanant de l’armée, est à annuler.

2.

Quant à la décision du ministre du 12 avril 2005 Le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension des droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but (cf. trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Lois et règlements, n° 2).

En l’espèce, il convient de constater que les exemples des deux autres candidats cités par le demandeur à l’appui de son argumentation n’ont pas été contestés devant le tribunal quant à leur réalité et leur exactitude, de sorte que le tribunal est amené à les retenir comme constants en cause.

Ainsi, il échet de relever que trois postes avaient été déclarés vacants dans la carrière de cantonnier auprès de l’administration des Ponts et Chaussées, que les candidats qui se sont classés premier respectivement deuxième à l’examen-concours du 1er juillet 2003, à savoir Monsieur X. et Monsieur Y., à qui le ministre opposait également le droit de priorité pour leur refuser l’admission au stage, n’avaient pas accompli trois ans de service militaire, et qu’ils ont finalement été admis au stage au bout d’une procédure judiciaire qui leur a donné gain de cause. Force est dès lors de constater que la situation de Monsieur … et celle des deux autres candidats sont comparables et quasi identiques, la seule différence entre eux étant que les deux autres candidats ont réagi plus tôt que le demandeur, qu’ils ont réclamé auprès du ministre et introduit chacun un recours contentieux ayant été toisé définitivement par arrêt de la Cour administrative du 1er juillet 2004 (n° 17670C du rôle), respectivement du 13 juillet 2004 (n° 17993C du rôle), leur ayant donné gain de cause.

Il s’agit donc d’examiner si la différence de traitement opérée dans la présente affaire est objectivement justifiée.

Or, force est de constater que la décision ministérielle querellée est critiquable au regard du principe de l’égalité devant la loi.

En effet, s’il est vrai que la situation légale qui a existé au moment des refus d’admission au stage des deux candidats, classés premier et deuxième à l’examen-

concours en question, lesquels refus ont par la suite été annulés par les juridictions administratives, au motif que la disposition de l’article 25 de la loi précitée du 23 juillet 1952 instituant le droit de priorité en faveur des volontaires de l’armée n’était pas immédiatement exécutoire en l’absence de la prise du règlement grand-ducal légalement requise, est différente de celle qui a existé au moment où le ministre a adopté la décision actuellement sous analyse, étant donné que le gouvernement a remédié à son omission antérieure en adoptant le 13 décembre 2004, donc avant la prise de la décision ministérielle litigieuse, le règlement grand-ducal déterminant les modalités d’application dudit droit de priorité, et que s’il est encore vrai que le ministre doit statuer au vu des circonstances de fait et de droit existant au moment de la prise de décision, il n’en demeure pas moins qu’en faisant application dudit règlement du 13 décembre 2004 en l’espèce, il commet une rupture d’égalité entre les candidats qui se sont classés parmi les trois premiers à l’examen-concours du 1er juillet 2003. Or, le changement intervenu au niveau du cadre réglementaire applicable n’est pas de nature à justifier la différence de traitement, étant donné que le classement des trois candidats et les droits en découlant se sont cristallisés au moment de l’examen-concours et le fait que le demandeur a agi plus tard que les deux autres candidats ne saurait lui être opposé.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours est fondé et que la décision du ministre du 12 avril 2005 est à annuler pour violation du principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, sans qu’il ne soit nécessaire de procéder encore à l’analyse des autres moyens et notamment de saisir la Cour Constitutionnelle de la question de constitutionnalité de l’article 25 de la loi précitée du 23 juillet 1952 par rapport à l’article 96 de la Constitution.

3.

Quant à l’indemnité de procédure Les conditions légales pour l’octroi d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500.- euros, respectivement de 2000.- euros, n’étant toutefois pas remplies en l’espèce, il y a lieu de rejeter les demandes afférentes formulées par le demandeur comme n’étant pas fondées.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

prononce la jonction des recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 19639 et 19683 ;

déclare le recours en annulation inscrit sous le numéro 19639 du rôle irrecevable en tant que dirigé contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 5 décembre 2003 ;

le déclare recevable pour le surplus ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule la décision du président de la commission d’examen déférée du 24 juillet 2003 dans la mesure où elle a refusé au demandeur l’admission au stage dans la carrière de cantonnier ;

reçoit le recours en annulation inscrit sous le numéro 19683 recevable en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée du 12 avril 2005 ;

renvoie l’affaire devant le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en prosécution de cause ;

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure telles que formulées par le demandeur ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 28 novembre 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 12


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19639,19683
Date de la décision : 28/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-28;19639.19683 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award