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23/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20068

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 novembre 2005, 20068


Numéro 20068 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2005 Audience publique du 23 novembre 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20068 du rôle, déposée le 7 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à

la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, née le ...

Numéro 20068 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2005 Audience publique du 23 novembre 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20068 du rôle, déposée le 7 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, née le … (Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 9 mai 2005 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 10 juin 2005 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2005;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 21 novembre 2005, Maître Daniel BAULISCH ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH s’étant rapportés aux écrits respectifs de leur partie.

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Le 16 février 2004, Madame …, préqualifiée, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Elle fut entendue en date du 4 août 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », l’informa par décision du 9 mai 2005, notifiée par courrier recommandé du 13 mai 2005, que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 6 juin 2005 ayant été rencontré par une décision confirmative du même ministre du 10 juin 2005, Madame … a fait introduire un recours en réformation l’encontre des décisions ministérielles initiale du 9 mai 2005 et confirmative du 10 juin 2005 par requête déposée le 7 juillet 2005.

L’article 12 de la loi précitée du 3 avril 1996 instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que sa mère serait décédée le 10 décembre 2003; qu’un jour, elle serait entrée dans la chambre privée de son père et elle y aurait découvert un cœur et un sein humains, lesquels auraient appartenu à sa mère ; qu’elle aurait ainsi découvert que son père aurait tué sa mère et elle se serait alors enfuie par crainte de subir le même sort que sa mère. Elle soutient qu’elle n’aurait pas pu rechercher la protection des autorités de son pays, qui seraient corrompues. Elle reproche ainsi au ministre une erreur d’appréciation et une mauvaise application de la loi en rejetant sa demande d’asile.

Le représentant étatique soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition du 4 août 2004, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la crainte exprimée par la demanderesse, à savoir de se faire tuer par des membres de la société dont son père serait membre, est purement hypothétique et basée sur aucun fait réel et elle ne saurait dès lors fonder une demande en obtention du statut de réfugié politique. Par ailleurs, les prétendues persécutions trouvent en substance leur origine dans un différend d’ordre familial, lequel est étranger aux motifs de persécution visés par la Convention de Genève.

Ainsi, les seuls actes de persécution invoqués par la demanderesse émanent de membres de sa famille, personnes étrangères aux autorités publiques qui ne sauraient être considérées comme étant des agents de persécution au sens de la Convention de Genève, de manière qu’ils s’analysent en une persécution émanant non pas de l’Etat, mais d’un groupe de la population et ne sauraient dès lors être reconnus comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéfice pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève ou si elles sont incapables de fournir une telle protection. Il convient d’ajouter que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence et qu’une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel. Il ne saurait en être autrement qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-Yves CARLIER : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p.

113, nos 73-s).

Or, la demanderesse n’a soumis aucun indice concret quant à une tentative de sa part pour obtenir la protection des autorités compétentes de son pays d’origine et à l’incapacité actuelle de ces dernières de lui fournir une protection adéquate. L’affirmation non autrement étayée que les policiers seraient corrompus n’est pas de nature à invalider lesdites conclusions.

Il résulte des développements qui précèdent que la demanderesse reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours en réformation doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20068
Date de la décision : 23/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-23;20068 ?

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