La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2005 | LUXEMBOURG | N°19916,19917

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 novembre 2005, 19916,19917


Tribunal administratif Numéros 19916 et 19917 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 7 juin 2005 Audience publique du 23 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

____________________________________________________________________________


JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 19916 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2005 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cou

r, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de na...

Tribunal administratif Numéros 19916 et 19917 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 7 juin 2005 Audience publique du 23 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

____________________________________________________________________________

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 19916 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2005 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité bosniaque, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 mars 2005 lui refusant l’entrée et le séjour ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 19917 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2005 par Maître Philippe STROESSER, au nom du même demandeur tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 mars 2005 lui refusant le renouvellement de sa carte d’identité d’étranger ;

I + II.

Vu les pièces versées et notamment les décision critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, avocat nouvellement constitué en lieu et place de Maître Philippe STROESSER, en ses plaidoiries à l’audience publique du 21 novembre 2005.

Par décision du 14 mars 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa à Monsieur … l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg et lui intima de quitter le pays dès notification de cette décision, en les termes suivants :

1« Vu l'article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu les rapports no 65217/2005 du 9 mars 2005 et 65234/2005 du 11 mars 2005 établis par la Police Grand-Ducale, SREC, vol organisé, Luxembourg ;

Vu qu'il y a urgence;

Attendu que l'intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Attendu que l'intéressé présente un danger grave pour l'ordre et la sécurité publics ;

Arrête:

Art. 1er .- L'entrée et le séjour sont refusés au nommé …, né … , de nationalité bosniaque, actuellement détenu.

L'intéressé devra quitter le pays dès notification du présent arrêté, et en cas de détention, immédiatement après la mise en liberté. (…) » Par décision du même jour, le ministre refusa le renouvellement de la carte d’identité d’étrangers de Monsieur … en les termes suivants :

« Vu l'article 6 de la loi du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu les rapports no 65217/2005 du 9 mars 2005 et 65234/2005 du 11 mars 2005 établis par la Police Grand-Ducale, SREC, vol organisé, Luxembourg ;

Considérant que le règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, l'organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers prévoit à son article 1er que l'avis de la commission consultative sera obligatoirement pris avant toute décision portant sur un retrait de carte d'identité d'étranger, sauf urgence;

Vu qu'il y a urgence ;

Attendu que l'intéressé présente un danger grave pour l'ordre et la sécurité publics ;

Arrête:

Art.1er.- Le renouvellement de la carte d'identité d'étranger est refusé à …, de nationalité bosniaque, actuellement détenu.

L'intéressé devra quitter le pays dès notification du présent arrêté, et en cas de détention, immédiatement après la mise en liberté. (…) » Le 7 juin 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation, déposé sous le numéro 19916 du rôle, contre la décision ministérielle de refus lui 2refusant l’entrée et le séjour, datée du 14 mars 2005, ainsi qu’un recours en réformation, sinon en annulation, déposé sous le numéro 19917 du rôle, contre la décision ministérielle du 14 mars 2005 lui refusant le renouvellement de sa carte d’identité d’étranger.

Les deux recours sont introduits par le même demandeur et ont trait à deux décisions prises par le même ministre en matière de police des étrangers sur base de la même situation de droit et de fait, de sorte qu’il y a lieu de les joindre et d’y statuer par un seul jugement.

Il y a lieu de relever d’abord que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas fourni de mémoire en réponse dans aucun des deux recours dans le délai légal bien que les requêtes introductives aient été valablement notifiées par la voie du greffe au délégué du Gouvernement en date du 7 juin 2005. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

Quant au recours portant le numéro 19917 du rôle Dans la mesure où ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de carte d’identité d’étranger, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire, l’ayant été dans les formes et délai de la loi, est pour sa part recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur souligne qu’aux termes du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, à l'organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers, l'avis de la commission consultative sera obligatoirement pris avant toute décision portant sur un refus de renouvellement de carte d'identité d'étranger, et ce sauf urgence.

S’il constate qu’en l’espèce ladite commission consultative n'a pas été consultée par le ministre qui invoque à cette fin l’urgence, il conteste le recours par le ministre à la procédure d’urgence en faisant valoir que comme il se trouverait en détention préventive depuis le 22 décembre 2004, le ministre aurait eu « tout le temps » pour le faire comparaître devant la commission consultative.

A titre subsidiaire il estime encore que la décision déférée du 14 mars 2005 serait à annuler au regard du fait qu’il ne présenterait aucun danger grave pour l'ordre et à la sécurité publics.

Conformément à l’article 1er du règlement grand-ducal du 3 juin 1996 modifiant le règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, à l'organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers, « L’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers sera, sauf urgence, obligatoirement 3pris avant toute décision portant : 1) refus de renouvellement de la carte d’identité d’étranger ;

2) retrait de la carte d’identité (…) ».

Si le ministre a en l’espèce fait usage de cette possibilité en invoquant l’urgence le dispensant de soumettre la question du retrait, respectivement du renouvellement de la carte d’identité de Monsieur …, à la commission consultative, il appartient, au vu des contestations et critiques émises en ce sens par le demandeur, au tribunal de vérifier si, dans le cadre de la prise de la décision lui déférée, le cas d’urgence inscrit à l’article 1er du prédit règlement grand-ducal du 3 juin 1996 peut être invoqué légalement.

Or en l’absence d’éléments de motivation intrinsèques contenus dans la décision déférée et à défaut de tout élément sous-tendant utilement le cas d’urgence produit durant la procédure contentieuse, l’Etat, faute d’avoir comparu dans le délai légal, n’ayant pas utilement précisé le recours à l’urgence tel qu’indiqué dans la décision déférée, ni n’ayant pris position par rapport aux critiques opposées par le demandeur à sa décision, le tribunal est mis dans l’impossibilité d'exercer sa mission de contrôle et l’urgence invoquée à la base de la non-saisine de la commission consultative est dénuée de tout élément de justification vérifiable.

Il s’ensuit que la décision déférée du 14 mars 2005 et portant refus de renouvellement de la carte d’identité du demandeur, encourt l’annulation.

Quant au recours portant le numéro 19916 du rôle Dans la mesure où ni la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire, l’ayant été dans les formes et délai de la loi, est pour sa part recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste les deux motifs avancés par le ministre afin de lui refuser l’entrée et le séjour sur le territoire luxembourgeois, à savoir le fait qu’il se trouverait en séjour irrégulier au pays et qu’il présenterait un danger grave pour l'ordre et la sécurité publics.

En ce qui concerne le séjour irrégulier lui reproché, il fait plaider qu’au vu de l’annulation à intervenir du refus de renouvellement de sa carte d'identité d'étranger du 14 mars 2005, la motivation de l'arrêté de refus d'entrée et de séjour ne serait pas donnée.

Il conteste encore présenter un quelconque danger grave pour l'ordre et la sécurité publics et fait valoir qu’il n’aurait, à ce jour, fait l’objet d’aucune condamnation pénale.

Outre qu’il résulte de ce qui précède que le refus de renouvellement de la carte d’identité d’étranger du demandeur encourt l’annulation, force est encore de constater que l’Etat, faute d’avoir comparu dans le délai légal, n’a pas utilement complété les motifs indiqués comme se trouvant à la base de la décision déférée, ni n’a pris position par rapport aux critiques opposées 4par le demandeur à sa décision, ni ne serait-ce que déposé le dossier administratif afférent, de sorte que le tribunal est mis dans l’impossibilité d'exercer sa mission de contrôle.

Il s’ensuit que la décision critiquée encoure l’annulation pour insuffisance valant défaut de motivation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

joint les recours introduits sous les numéros 19916 et 19917 du rôle ;

se déclare incompétent pour connaître des recours en réformation ;

reçoit les recours en annulation en la forme ;

au fond dit les recours en annulation justifiés ;

partant annule les décisions déférées datées du 14 mars 2005 portant respectivement interdiction d’entrée et de séjour et refus de renouvellement de la carte d’identité d’étranger du demandeur ;

renvoie l’affaire devant le ministre en prosécution de cause ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19916,19917
Date de la décision : 23/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-23;19916.19917 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award