La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20474

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 novembre 2005, 20474


Tribunal administratif N° 20474 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 octobre 2005 Audience publique du 16 novembre 2005

================================

Recours formé par les époux et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

--------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20474 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 octobre 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur , né le ,,, à Lagatore (Monténégro/Etat de Se...

Tribunal administratif N° 20474 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 octobre 2005 Audience publique du 16 novembre 2005

================================

Recours formé par les époux et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

--------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20474 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 octobre 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur , né le ,,, à Lagatore (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), et de son épouse Madame , née le … à Bérane (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 5 août 2005 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée leur demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 14 septembre 2005, suite à un recours gracieux des demandeurs ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 21 juin 2005, Monsieur et son épouse Madame , agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs … introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les époux … furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent encore entendus séparément le 8 respectivement le 14 juillet 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 5 août 2005, envoyée par lettre recommandée du 8 août suivant, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration les informa que leur demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif que leur demande serait uniquement basée sur des problèmes familiaux et économiques et ne répondrait partant à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève, d’une part, et que le Monténégro, au regard de l’évolution actuelle de la situation politique, serait à considérer comme un pays dans lequel des risques sérieux de persécution ne seraient pas à craindre, d’autre part.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de leur mandataire du 7 septembre 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 14 septembre 2005.

Par requête déposée le 17 octobre 2005, les époux … ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 5 août et 14 septembre 2005.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi prévoirait expressément et exclusivement un recours en annulation en matière de demandes d’asile refusées comme étant manifestement infondées.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5, et autres références y citées).

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de ladite loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Il s’ensuit que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions critiquées.

Le recours en annulation est cependant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de leur recours, les époux … reprochent au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir déclaré leur demande manifestement infondée au motif qu’ils n’auraient pas invoqué de risque de persécution au sens de la Convention de Genève, alors qu’ils ont soutenu avoir connu des problèmes avec les père et mère de Monsieur …, en raison du fait qu’il s’était marié et vivait avec une femme issue d’un mariage mixte, la mère de la Madame … étant d’origine serbe. Sur ce, ils invoquent en outre une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait et de droit, dans la susdite mesure, à savoir l’obligation pour eux de quitter leur pays d’origine parce qu’ils n’auraient plus supporté les reproches et disputes continuelles avec la famille de Monsieur …, auprès de laquelle ils étaient contraints de vivre faute de moyens financiers leur permettant de s’installer à leur propre compte.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisse d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 107 et autres références y citées ;

trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 105 et autres références y citées).

S’y ajoute que des considérations d’ordre matériel et économique, ne constituent pas à elles seules un motif d’obtention du statut de réfugié.

Il convient encore de relever plus particulièrement qu’il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement.

Ceci étant, c’est à juste titre et sans excéder les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées en la matière que le ministre compétent a pu retenir qu’il ne se dégageait pas des récits des faits présentés par les demandeurs qu’ils auraient été ou risqueraient d’être persécutés dans leur pays de provenance du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou de leurs opinions politiques, de sorte que ledit ministre a valablement pu retenir que leur demande d’asile ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève. - La crainte exposée par les demandeurs, à l’égard de membres de la famille de Monsieur …, qui seraient hostiles à l’encontre de son épouse n’est pas concrètement empreinte d’un quelconque des critères de fond prévus par la Convention de Genève et, en tant que simples personnes privées, ne sauraient être considérés comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande en réformation ;

reçoit le recours en annulation dans la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 16 novembre 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 20474
Date de la décision : 16/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-16;20474 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award