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16/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20127

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 novembre 2005, 20127


Tribunal administratif N° 20127 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2005 Audience publique du 16 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20127 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2005 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’O

rdre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro / Etat de Serbie et ...

Tribunal administratif N° 20127 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2005 Audience publique du 16 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20127 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2005 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 9 mai 2005 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 15 juin 2005, suite à un recours gracieux du 13 juin 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 14 novembre 2005, Maître Frank WIES, en remplacement de Maître Olivier LANG, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK s’étant ralliés aux écrits de leurs parties respectives.

Le 7 avril 2005, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut entendu le 18 avril 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 9 mai 2005, notifiée par courrier recommandé expédié le 11 mai 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants :

« J'ai l'honneur de me référer à la demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 7 avril 2005.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 7 avril 2005 et le rapport d'audition de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 18 avril 2005.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 7 avril 2005 que vous auriez quitté le Monténégro fin mars 2005 pour vous rendre à Belgrade où vous seriez resté quelques jours. Par la suite, un passeur vous aurait emmené au Luxembourg où vous seriez arrivé le 6 avril 2005. Le dépôt de votre demande d'asile date du lendemain. Votre passeport aurait été volé au Monténégro. Vous avez une soeur et un frère au Luxembourg.

Il résulte de vos déclarations qu'à partir de 2002, votre salon de coiffure aurait été cambriolé et saccagé par des inconnus à deux ou trois reprises. Vous auriez également été injurié et insulté par des clients qui auraient refusé de vous payer. Une personne vous aurait giflé en 2001-2002. D'un côté vous dites ne pas savoir pourquoi on vous menacerait, de l'autre côté vous pensez parce que vous appartiendriez à la minorité musulmane de Niksic. Tous ces faits vous auraient poussé à quitter le Monténégro. Vous n'auriez porté plainte à la police que contre un seul cambriolage. Vous auriez peur des personnes qui vous auraient fait ces choses.

Enfin, vous ne faites pas état d'autres problèmes et vous ne seriez pas membre d'un parti politique.

La reconnaissance du statut de réfugié politique n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile, qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée .de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, force est de constater que vous ne faites pas état de persécutions. En effet, il ne résulte pas de vos allégations, qui ne sont d'ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risquiez ou risquez d'être persécuté dans votre pays d'origine pour un des motifs énumérés par l'article 1er, A., §2 de la Convention de Genève. Les motifs que vous invoquez ne sont pas d'une gravité telle qu'ils sauraient suffire à eux seuls pour fonder une demande en obtention du statut de réfugié. A cela s'ajoute que des inconnus ou clients ne sauraient être considérés comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Il n'est également pas établi que la raison pour laquelle vous auriez été menacé ou que votre salon de coiffure aurait été cambriolé, serait liée au fait que vous seriez musulman. Notons dans ce contexte, que vous êtes originaire de Niksic situé dans la région du Sandjak, où la confession musulmane est très largement majoritaire et où une persécution systématique liée à la religion est à exclure. Les relations interethniques y sont harmonieuses selon un rapport de l'OCDE de janvier 2002. Les bosniaques musulmans représentent 54% de la population du Sandjak. Le dialecte bosniaque a un statut de langue officielle à Novi Pazar. Enfin, soulignons que Boris Tadic, président du Parti démocratique a remporté les élections présidentielles en Serbie de juin 2004 contre son concurrent radical d'extrême droite.

Vos motifs traduisent plutôt un sentiment général d'insécurité. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Enfin, vous n'avez également à aucun moment apporté un élément de preuve permettant d'établir des raisons pour lesquelles vous ne seriez pas en mesure de vous installer dans une autre région du Monténégro pour ainsi profiter d'une possibilité de fuite interne.

Il faut également souligner que selon l'article 5-1) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 précitée, dispose qu' « une demande d'asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d'asile provient d'un pays où il n'existe pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution».

Ce constat doit être fait pour le Monténégro, où la situation politique a favorablement évolué depuis la venue au pouvoir d'un président élu démocratiquement en Yougoslavie au mois d'octobre 2000. La sortie de la crise a été consolidée en mars 2002 par la signature d'un accord serbo-monténégrin par les présidents Kostunica et Djukanovic, prévoyant l'adoption d'une nouvelle Constitution et l'organisation d'élections permettant de donner plus d'indépendance au Monténégro. Ledit accord a été ratifié aussi bien par le parlement serbe et monténégrin en date du 9 avril 2002. La République fédérale de Yougoslavie a cessé d'exister et a été remplacée par un Etat de Serbie et de Monténégro début février 2003. Il n'existe plus d'affronts entre les différentes communautés ethniques ou religieuses. Il a ainsi été jugé par le Tribunal administratif le 4 septembre 2002 que « la situation politique a favorablement évolué au Monténégro suite à la signature d'un accord serbo-monténégrin au mois de mars 2002 prévoyant l'adoption d'une nouvelle Constitution et l'organisation d'élections permettant de donner plus d'indépendance au Monténégro, de sorte que des risques sérieux de persécution ne sont plus à craindre dans le pays d'origine du demandeur ». Soulevons l'adhésion du 3 avril 2003 de la Serbie-Monténégro au Conseil de l'Europe et par là, sa signature de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

Rappelons que tout Etat européen peut devenir membre du Conseil de l'Europe à condition qu'il accepte le principe de la prééminence du droit. Il doit en outre garantir la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales à toute personne placée sous sa juridiction.

Une demande d'asile qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Par conséquent vous n'alléguez aucune crainte raisonnable. de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) » Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 13 juin 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision de refus confirmative de sa décision initiale le 15 juin 2005.

Le 18 juillet 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les prédites décisions de refus.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître en tant que juge du fond de la demande introduite contre la décision ministérielle entreprise. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur fait exposer à l’appui de son recours appartenir à la minorité bochniaque (ou bosniaque) musulmane de Niksic et qu’en raison de cette appartenance le salon de coiffure qu’il exploitait à Niksic aurait fait l’objet au cours des années 2001 à 2002 de multiples agressions.

Il précise que si le salon de coiffure en question n’a plus fait l’objet d’agressions de 2003 à 2004 du fait de son absence pour cause de service militaire, les agressions auraient repris dès son retour, son salon ayant été entièrement saccagé.

Il critique encore l’appréciation faite par le ministre de la situation au Monténégro, et relève que contrairement à ce qu’affirme le ministre dans sa décision initiale, la ville de Niksic dont il est originaire n’accueille pas une majorité de musulmans, mais comprend une majorité de Serbes orthodoxes, de sorte que les agressions à l’égard des musulmans y seraient fréquentes.

Enfin, il souligne que malgré le fait qu’il ait porté plainte à l’occasion des agressions subies, sa plainte serait demeurée sans effets et les agressions se seraient poursuivies. Il exclut encore toute possibilité de fuite interne, en relevant le fait que les minorités ethniques en ex-

Yougoslavie seraient isolées dans des enclaves, de sorte que tout déplacement serait « très difficile, dangereux, voire impossible ».

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande d'asile, doit en effet procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d'asile, tout en prenant en considération la situation générale existant dans son pays d’origine. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur (trib. adm. 13 novembre 1997, n° 9407 et 9806, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, C. Convention de Genève, n° 43, p.201, et les autres références y citées).

Il appartient dans ce cadre au demandeur de présenter un récit crédible et cohérent.

Or il se dégage de l’audition du demandeur en date du 18 avril 2005 que la raison principale de sa fuite vers le Luxembourg consiste en les cambriolages et saccages répétés du salon de coiffure qu’il exploitait à Nicsic (« On me l’a cambriolé plusieurs fois et on m’a volé tous mes utiles qui avaient été chers. C’est pour cette raison que j’ai quitté le Monténégro »), agressions que le demandeur attribue à son appartenance à la minorité bosniaque (« je crois surtout que cela est parce que j’appartiens à une minorité »).

Dans sa requête introductive d’instance le demandeur affirme que ces agressions auraient cessé le temps qu’il effectuait son service militaire, son salon étant pendant cette période géré par une employée qui n’était pas de confession musulmane, mais qu’elles auraient aussitôt repris à son retour.

Force est dès lors de constater que les persécutions prétendument subies par le demandeur se trouvent toutes liées au salon de coiffure qu’il exploitait.

Or le demandeur a affirmé dans un premier temps au cours de son audition avoir ouvert son salon de coiffure en 2002 pour le laisser à la gérance de son père durant son service militaire au cours des années 2003/2004 (« il [son père] ne s’occupait que du salon, mais j’avais quelqu’un qui s’occupait de temps à autre de la clientèle afin de la garder »), il affirme plus tard avoir ouvert son salon en 2000, « mais le magasin n’était pas encore déclaré. Je ne pouvais pas ouvrir la boutique sans être diplômé ».

Comme relevé ci-avant, il affirme ensuite dans son recours introductif d’instance avoir confié pendant son service militaire la gestion du salon à une employée, Madame …, et il se prévaut à ce sujet d’une attestation testimoniale de cette dernière.

Il ressort cependant de cette attestation que le demandeur aurait loué le salon pour une durée de 12 mois à Madame … , et ce à partir du 25 août 2003, ce qui ce trouve en contradiction avec l’affirmation du demandeur selon laquelle son père aurait géré le salon, « quelqu’un » s’occupant « de temps en temps » de la clientèle.

Si le demandeur a communiqué des pièces au tribunal, à savoir des factures d’eau et d’électricité relatives au salon de coiffure en question, censées étayer ses affirmations, il s’avère cependant à l’analyse de ces pièces que ces factures étaient dès mars 2003 adressées à Madame …, et plus particulièrement au salon de coiffure de celle-ci (« … »), c’est-à-dire à une époque où le demandeur gérait prétendument lui-même le salon de coiffure, de sorte que ces pièces contredisent non seulement les affirmations du demandeur, mais encore l’attestation testimoniale produite en cause.

Il s’ensuit que la prétendue exploitation d’un salon de coiffure par le demandeur en sa qualité de propriétaire, exploitation censée être la cause des agressions subies, doit être considérée comme étant largement sujette à caution.

Le tribunal relève d’ailleurs à ce sujet que si le demandeur s’était engagé au cours de son audition a communiquer au service compétent du ministère un extrait du registre de commerce de son salon de coiffure (« oui, c’est possible, je vais le faire »), il ne ressort ni du dossier administratif, ni des pièces versées dans le cadre de la procédure contentieuse qu’il ait fourni la pièce requise qui aurait permis de vérifier la véracité du moins d’une partie de son récit.

Il s’ensuit dès lors que les persécutions mises en avant par le demandeur pour obtenir le statut de réfugié, persécutions ayant pour cadre la prétendue exploitation en son nom d’un salon de coiffure, n’emportent pas la conviction du tribunal.

Il s’avère au contraire, au vu des moyens présentés dans le cadre de la procédure contentieuse, que la fuite du demandeur vers le Luxembourg n’a pas été motivée par la crainte de persécutions spécifiques au sens de la Convention de Genève, mais plutôt par un sentiment général d’insécurité résultant de son appartenance à la minorité bochniaque.

Or, concernant un tel sentiment d’insécurité, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Bochniaques, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs risquent de subir des persécutions.

A cet égard, il y a lieu de constater que suivant le rapport actualisé de l’UNHCR de juin 2004 sur la situation des minorités au Kosovo, la situation de sécurité générale des Bochniaques pendant la période observée s’étalant entre janvier 2003 et le 15 mars 2004 est restée stable. Ainsi il est relaté que « As in the previous reporting period, the security situation of Kosovo Bosniaks (…) remained stable with no major ethnically motivated incidents.1» et tout particulièrement: « In Mitrovice/a region, no further security incidents targeting Bosniaks were reported. In the urban Albanian-dominated south Mitrovice/a, Bosniaks were starting to speak their mother tongue when visiting municipal buildings and services although Bosniak being spoken in the streets was rarely heard, particularly in the south. There was a slight improvement in freedom of movement, notably as Bosniaks in the north started to travel to the south in private vehicles. Bosniaks both in the south and the north accessed basic services without any impediments. Bosniak children on both sides of the river continued to access education on their ‘side’2».

Quant à leur situation après les incidents ayant eu lieu entre le 15 et le 19 mars 2004, force est de constater que les Bochniaques n’étaient pas la cible directe des affrontements. En effet il est relaté dans la troisième partie du rapport intitulé « Situation of minority groups by region in light of the turmoil in march 2004 » que « Kosovo Serbs were the primary target of inter-ethnic violence. … Finally, whereas Bosniaks and Gorani did not become a direct target of the violence, in some locations they felt sufficiently at risk that they opted for precautionary movements, or where evacuated by police, to safer places3» et encore « The few Bosniaks and Gorani who were displaced during the mid-March unrest have returned to their home communities. Returnees and remainees have resumed the same levels of freedoms they enjoyed prior to the events.4».

Enfin, dans son rapport intitulé « UNHCR Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo » de mars 2005, l’UNHCR confirme encore cette évolution relativement positive, en soulignant le fait que la communauté bochniaque notamment, bénéficie d’une meilleure acceptation de la part de la population albanaise (« With regard to Ashkaelia, Egyptian as well as Bosniak and Gorani communities these groups appear to be better tolerated »5).

1 Update on the Kosovo Roma, Ashkaelia, Egyptian, Serb, Bosniak, Gorani and Albanian communities in a minority situation, UNHCR Kosovo, June 2004, p. 24.

2 Update on the Kosovo Roma, Ashkaelia, Egyptian, Serb, Bosniak, Gorani and Albanian communities in a minority situation, UNHCR Kosovo, June 2004, p. 27.

3 Update on the Kosovo Roma, Ashkaelia, Egyptian, Serb, Bosniak, Gorani and Albanian communities in a minority situation, UNHCR Kosovo, June 2004, p. 31 et 32.

4 Update on the Kosovo Roma, Ashkaelia, Egyptian, Serb, Bosniak, Gorani and Albanian communities in a minority situation, UNHCR Kosovo, June 2004, p. 46.

5 UNHCR Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo, March 2005, p.4.

Face à l’évolution somme toute positive ainsi tracée de la situation de la minorité bochniaque, malgré l’installation d’un sentiment général d’insécurité suite aux événements ayant eu lieu en mars 2004, un sentiment général d’insécurité trouvant son origine dans l’appartenance du demandeur à une minorité ethnique – en l’espèce celle des Bochniaques - ne peut être considéré comme fondant une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or à partir des éléments ci-avant relatés, à savoir du caractère manifestement incrédible du récit du demandeur, constellé d’incohérences et de contradictions, appuyé par une pièce dont l’authenticité est pour le moins douteuse, et du fait que les motifs de la fuite du demandeur sont plutôt à rechercher dans un sentiment général d’insécurité, lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, le tribunal est amené à constater que la décision litigieuse est a fortiori justifiée dans son résultat en ce qu’elle n’a pas accordé le statut de réfugié sur base de la Convention de Genève Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, donne acte au demandeur qu’il bénéficie de l’assistance judiciaire, laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20127
Date de la décision : 16/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-16;20127 ?

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