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14/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20203

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2005, 20203


Tribunal administratif N° 20203 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juillet 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur … et consort, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20203 du rôle, déposée le 29 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, le...

Tribunal administratif N° 20203 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juillet 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur … et consort, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20203 du rôle, déposée le 29 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, les deux de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un courrier du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 juillet 2005, qualifié de décision, leur demandant de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 août 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 30 août 2005 par Maître François MOYSE au greffe du tribunal administratif au nom et pour le compte des demandeurs ;

Vu l’ordonnance du premier juge du tribunal administratif du 3 août 2005, numéro 20202 du rôle, déboutant les demandeurs de leur demande tendant à l’institution d’une mesure de sauvegarde ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le courrier critiqué ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître François MOYSE et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 novembre 2005.

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En date du 26 avril 1999, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant tant en leur nom propre qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Cette demande fut rejetée par une décision du ministre de la Justice du 21 novembre 2000, confirmée par une décision du même ministre du 7 février 2001 suite au recours gracieux formé par les époux …-….

Le recours contentieux introduit par ces derniers à l’encontre de ces décisions ministérielles fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 31 octobre 2001 (n° 13014 du rôle), confirmé sur appel par un arrêt de la Cour administrative du 5 février 2002 (n° 14251C du rôle).

Le 25 juillet 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration s’adressa aux époux …-… dans les termes suivants:

« Madame, Monsieur, Vous n’êtes certainement pas sans savoir que vous avez été déboutés de votre demande d’asile et que tous les moyens de recours sont épuisés.

En conséquence, mes services vous ont déjà invité à retourner dans votre pays d’origine. A cette date vous avez choisi de ne pas donner suite à cette invitation.

Je m’empresse de porter à votre connaissance que le Gouvernement luxembourgeois a l’obligation d’exécuter les dispositions de la loi du 3 avril 1996 se rapportant à l’asile qui prévoient que toute personne déboutée de sa demande d’asile est obligée de quitter le territoire.

Permettez-moi de faire un appel chaleureux mais pressant à votre sens de responsabilité civique d’opter pour un départ volontaire qui vous permettra de retourner dans votre pays en toute dignité moyennant une aide pécuniaire qui vous est allouée par l’Etat luxembourgeois (EUR 1.190,00 par personne adulte et EUR 595,00 par enfant).

A cet effet je vous invite à vous adresser instantanément, donc dans les prochains jours, au Ministère de la Famille et de l’Intégration (…), qui fixera avec vous les modalités de départ, soit par le vol régulier, soit par le vol « charter ».

Je vous informe qu’au cas contraire, votre départ forcé est inévitable.

J’espère de tout cœur que vous serez en mesure d’accepter cet ultime appel de ma part.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués (…)».

Par requête déposée le 29 juillet 2005, les époux …-… ont introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre le prédit courrier ministériel, et par requête du même jour, inscrite sous le numéro 20202 du rôle, ils ont introduit une demande tendant à obtenir une mesure de sauvegarde à l’encontre de la décision en question, à savoir à titre principal de voir ordonner au ministre, en tant que mesure de sauvegarde, d’annuler sa décision du 25 juillet 2005, à titre subsidiaire de se voir autoriser à demeurer au pays et « à titre infiniment subsidiaire » de se voir autoriser à résider au pays jusqu’à l’accouchement de Madame ….

Par ordonnance du 3 août 2005, le premier juge au tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des magistrats plus anciens en rang, tous légitiment empêchés, a déclaré les demandes principales tendant à voir ordonner au ministre d’annuler sa « décision » du 25 juillet 2005 irrecevables, et a reçu la demande subsidiaire en institution d’une mesure de sauvegarde en la forme et mais en a débouté les demandeurs.

A l’appui de leur recours au fond, les époux …-… font valoir que Madame … serait à un stade avancé de sa grossesse, l’accouchement étant prévu pour le 1er décembre 2005, tandis que leur fille cadette présenterait une malformation au niveau des voies urinaires nécessitant un suivi médical régulier et dont les suites seraient à déterminer par le médecin après l’examen prévu en automne 2005 et que leur fille aînée serait inscrite au Lycée technique de Diekirch pour la rentrée scolaire de septembre 2005.

Afin de contester la validité du courrier ministériel du 25 juillet 2005, les demandeurs soutiennent qu’il ne serait pas motivé à suffisance de droit et de fait au vu des exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, et qu’il serait manifestement disproportionné au regard de leur situation spécifique et du respect nécessaire de leurs droits fondamentaux, au motif que leur situation spéciale, caractérisée par la grossesse de Madame … et les maladies de cette dernière et de leur fille cadette n’auraient pas été prises en compte par le ministre.

Le délégué du Gouvernement s'oppose à la demande en soutenant principalement que l'écrit attaqué ne constituerait pas une décision administrative, mais simplement un rappel des conséquences légales découlant d'un refus définitif d'une demande d'asile, à savoir l’obligation de quitter le territoire déjà inscrite dans la décision ministérielle du 21 novembre 2000 portant rejet de leur demande d’asile, et une invitation à profiter d’une possibilité de retour volontaire assisté.

L'acte émanant d'une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l'intention de l'autorité qui l'émet, une véritable décision, à qualifier d'acte de nature à faire grief, c'est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l'acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n'est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l'objet d'un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief (trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286, Pas. adm. 2004, v° Actes administratifs, n° 4, p.15).

En l’espèce, la lettre-circulaire incriminée, en rappelant d’abord aux demandeurs qu’ils se trouvent en situation illégale sur le territoire luxembourgeois, se limite à leur rappeler que suite au rejet définitif de leur demande d’asile et à défaut d’autre acte légitimant leur séjour, ils résident toujours au pays sans y être autorisés.

Le deuxième volet de cette lettre-circulaire consiste en une offre volontaire du Gouvernement à l’adresse des demandeurs de les faire bénéficier d’un retour volontaire assisté doublé d’une aide financière.

Le dernier volet de la lettre-circulaire litigieuse s’analyse en substance en l’annonce du Gouvernement de son intention de procéder au retour forcé des demandeurs en cas de refus de l’offre d’un retour volontaire assisté, et ce dans le cadre de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, qui prévoit que toute personne déboutée de sa demande d’asile est obligée de quitter le territoire.

Force est partant de conclure que la lettre notifiée aux demandeurs le 25 juillet 2005 ne comporte pas d’élément décisionnel de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle des demandeurs (voir trib. adm. 24 mars 2003, n° 15565, Pas. adm. 2004, V° Actes administratifs, n° 7), de sorte que le recours sous analyse encourt l’irrecevabilité sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant sa recevabilité sous l’aspect de sa forme.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argument indiqué par les demandeurs dans leur mémoire en réplique, et développé oralement par leur litismandataire lors de l’audience publique du 7 novembre 2005, selon lequel la lettre litigieuse constituerait en fait une « fin de non-recevoir » à la demande du 18 mars 2005 présentée par les demandeurs et tendant à se voir accorder une autorisation de séjour.

En effet, outre le fait que la lettre en question ne constitue pas en tant que telle une décision de refus, nonobstant l’existence d’une demande préalable à laquelle le ministre n’a pas répondu, mais tout au plus la matérialisation d’une décision implicite de refus intervenue trois mois après notification de la demande du 18 mars 2005, il y a lieu de rappeler que la partie demanderesse doit faire valoir ses moyens et formuler ses conclusions dans la requête introductive et ne peut, sous peine de forclusion, faire valoir d’autres moyens ou prendre d’autres conclusions après l’expiration du délai de recours, sous réserve des moyens d’ordre public qui peuvent être soulevés en tout état de cause et même suppléés d’office. Il est ainsi constant que la requête introductive d’instance délimite définitivement le débat et qualifie l’objet du recours, de sorte que les moyens avancés en cours d’instance doivent se limiter à développer et à préciser l’argumentation dans le cadre de l’action déjà engagée (trib. adm. 28 mai 1997, n° 9448, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 375).

Or force est de constater que les demandeurs ont dans leur recours introductif d’instance poursuivi la réformation et subsidiairement l’annulation de la lettre du 25 juillet 2005 en tant que « décision » per se les contraignant à quitter le territoire luxembourgeois, en soulevant des vices allégués intrinsèques à cette prétendue décision, de sorte que leur moyen indiqué sommairement pour la première fois dans leur mémoire en réplique, et tendant à analyser la « décision » incriminée du 25 juillet 2005 en décision de refus opposée à une demande antérieure en autorisation de séjour doit être écartée en tant que moyen nouveau non abordé dans le recours introductif d’instance.

Il s’ensuit que le recours encourt l’irrecevabilité.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20203
Date de la décision : 14/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-14;20203 ?

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