La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20185

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2005, 20185


Tribunal administratif N° 20185 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20185 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-

Herzég...

Tribunal administratif N° 20185 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20185 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-

Herzégovine), de son épouse Madame …, née le … , et de leur fils mineur …, né … , tous de nationalité bosniaque, demeurant actuellement ensemble à L- … , tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 19 avril 2005 leur refusant une autorisation de séjour pour le Grand-Duché de Luxembourg, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 27 juin 2005, suite à un recours gracieux du 20 juin 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 août 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Nicky STOFFEL pour compte des demandeurs au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 7 novembre 2005, Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH s’étant rapporté aux écrits de la partie publique, Maître Nicky STOFFEL pour sa part n’ayant été ni présente ni représentée.

___________________________________________________________________________

Monsieur …, accompagné de son épouse et de son fils, introduisit en date du 16 octobre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, demande qui fut rejetée par décision du ministre de la Justice du 8 avril 2004.

Leur demande en obtention du statut de réfugié politique fût définitivement rejetée par arrêt de la Cour administrative du 10 mars 2005, numéro 190956C du rôle.

Par courrier du 13 avril 2005 à l’adresse du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, la famille … formula, par l’intermédiaire de son conseil juridique, une demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, demande formulée comme suit :

« J'ai l'honneur de vous informer que je suis le conseil de la famille …. demeurant à L- … .

Mes clients préqualifiés me chargent d'introduire une demande en obtention d’une autorisation de séjour.

La famille … se trouve au Luxembourg, depuis le 16 octobre 2003. Ils n'ont jamais eu le moindre problème avec la police et ont réussi à s'intégrer parfaitement. Ils parlent plusieurs langues officielles du pays et désirent obtenir rapidement un travail.

Plusieurs familles luxembourgeoises, qui sont des voisins et des amis de la famille …, sont d'accord à les prendre en charge financièrement et à garantir pour eux.

Dans les conditions données, je vous prie de bien vouloir accorder une autorisation de séjour à la famille …. (…) » Par décision du 19 avril 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa le mandataire des consorts … que leur demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande d'autorisation de séjour du 13 avril 2005, en faveur de la famille … - ….

Je suis cependant amené à constater que vos mandants ne disposent pas de moyens d'existence personnels suffisants conformément à l'article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers.

Par ailleurs, je suis amené à constater que vos mandants ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

La présente décision est susceptible d'un recours devant le Tribunal Administratif, recours qui doit être intenté dans les 3 mois de la notification par requête signée d'un avocat à la Cour.

Je vous prie, Maître, de croire en l'expression de ma considération distinguée.(…) » Suite à un recours gracieux formulé par le mandataire des consorts … suivant courrier du 20 juin 2005 à l’encontre de la décision ministérielle précitée, recours gracieux motivé notamment par les risques de persécution auxquels Monsieur … serait exposé en Bosnie, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma le 27 juin 2005, à défaut d’éléments pertinents nouveaux, sa décision initiale du 19 avril 2005.

Le 28 juillet 2005, les consorts … ont introduit un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des décisions de refus précitées.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation est pour sa part recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les consorts …, en se prévalant des déclarations faites par Monsieur … dans le cadre de l’instruction de sa demande d’asile, font valoir que Monsieur … serait recherché en Bosnie par des personnes inconnues qui l’auraient menacé de mort. Ils estiment risquer de ce fait d’être tués dans leur pays d’origine et en déduisent qu’ils seraient de la sorte exposés en Bosnie à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou autres traitements cruels, inhumains et dégradants.

Dans leur mémoire en réplique, ils font encore exposer qu’ils seraient originaires de la municipalité de Doboj, qui serait l’un des villages dans lesquels des crimes de guerre ont été commis. Ils se prévalent encore du rapport pour l’année 2004 du Comité HELSINKI dont il ressortirait que le retour de réfugiés en Bosnie se heurterait à de grandes difficultés.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation des demandeurs.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourrant être refusées à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » Force est au tribunal de constater que la décision de refus initiale est principalement fondée sur le fait non utilement contesté en cause que les demandeurs ne disposent pas de moyens d’existence personnels, de sorte que le ministre a valablement pu leur refuser l’autorisation de séjour en se fondant sur le prédit motif.

En ce qui concerne les raisons, qualifiées d’humanitaires, et avancées par les demandeurs aux fins de justifier l’obtention de l’autorisation de séjour sollicitée, il y a lieu de constater que la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée ne comporte aucune disposition imposant, voire prévoyant l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Si une disposition permettant de contester pour des raisons humanitaires la légalité d’un refus d’autorisation de séjour peut le cas échéant être recherchée dans l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, article qui prohibe les traitements inhumains ou dégradants, ou encore dans les articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les motifs tels qu’avancés par les demandeurs dans un premier temps dans le cadre de leur demande, à savoir leur bonne intégration au Luxembourg, ne rentrent cependant pas dans le champ d’application des prédites dispositions.

En ce qui concerne l’invocation des risques de persécutions auxquels les demandeurs seraient exposés en Bosnie, force est au tribunal de constater que ce moyen qui reprend les déclarations faites par Monsieur … dans le cadre de l’instruction de sa demande d’asile, a été explicitement écarté par jugement du tribunal administratif du 29 novembre 2004, numéro 18317 du rôle, jugement confirmé par arrêt de la Cour administrative du 10 mars 2005, numéro 190956C du rôle.

Il convient plus particulièrement de relever à ce sujet que le tribunal, dans le prédit jugement du 29 novembre 2004, a estimé ne pas pouvoir retenir dans le chef des consorts … l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, mais a retenu au contraire que ceux-ci n’exprimeraient qu’un sentiment général d’insécurité, de sorte que le tribunal ne saurait actuellement revenir sur cette conclusion sans heurter l’autorité de chose jugée dont sont revêtus les moyens et faits définitivement tranchés par l’arrêt de la Cour administrative du 10 mars 2005.

En ce qui concerne l’invocation de la situation incertaine des réfugiés retournés en Bosnie, force est de constater, outre qu’un tel argument ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ou des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et ne saurait justifier l’octroi d’une autorisation de séjour, que les demandeurs n’ont fait état d’un tel moyen ni dans le cadre de leur demande initiale en obtention d’une autorisation de séjour du 15 avril 2004, ni dans le cadre du courrier de leur mandataire du 20 juin 2005, qualifié de recours gracieux, de sorte que le tribunal, amené en tant que juge de l’annulation à analyser la décision au jour où elle a été prise, ne saurait actuellement prendre cet élément en considération, étant donné qu’il n’a pas été soumis au ministre au moment de la prise des décision de refus déférées.

De tout ce qui précède, il convient de conclure que le recours en annulation est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20185
Date de la décision : 14/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-14;20185 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award