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14/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20183

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2005, 20183


Tribunal administratif N° 20183 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20183 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de...

Tribunal administratif N° 20183 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20183 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de son épouse Madame … , et de leur fils mineur …, tous de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 2 février 2005 leur refusant une autorisation de séjour pour le Grand-Duché de Luxembourg, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 24 mai 2005, suite à un recours gracieux du 1er mars 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 août 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Nicky STOFFEL pour compte des demandeurs au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 7 novembre 2005, Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH s’étant rapporté aux écrits de la partie publique, Maître Nicky STOFFEL pour sa part n’ayant été ni présente ni représentée.

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Monsieur …, accompagné de son épouse et de son fils, introduisit en date du 22 novembre 2001 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, demande qui fut rejetée par décision du ministre de la Justice du 15 mai 2002.

Leur demande en obtention du statut de réfugié politique fût définitivement rejetée par arrêt de la Cour administrative du 3 juillet 2003, numéro 16346C du rôle.

Par courrier du 25 janvier 2005 à l’adresse du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, la famille … formula, par l’intermédiaire de son conseil juridique, une demande tendant à l’obtention du statut de tolérance, respectivement d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, demande formulée comme suit :

« J'ai l'honneur de vous informer que je suis le conseil de la famille …, demeurant à L-

….

Mes clients préqualifiés me chargent d'introduire une demande en obtention du statut de tolérance, respectivement une demande d'une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires.

La famille … se trouve au Luxembourg depuis novembre 2001. Ils ont un garçon de trois ans. Ils ont réussi parfaitement à s'intégrer et parlent les langues du pays. Ils n'ont jamais eu le moindre problème avec la police ou avec la justice au Luxembourg. De plus ils n'ont pas de maison dans leur pays d'origine de sorte que leur situation économique n'y serait pas garantie. Finalement, Monsieur … souffre depuis 1999 de problèmes de nervosité et de dépression de sorte qu'il est en traitement régulier chez un psychiatre à Luxembourg.

Dans les conditions données, je vous prie de bien vouloir faire droit à cette demande.

(…) » Par décision du 2 février 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa le mandataire des consorts … que leur demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande d'autorisation de séjour du 25 janvier 2005 en faveur de la famille … - ….

Je suis cependant amené à constater que vos mandants ne disposent pas de moyens d'existence personnels suffisants conformément à l'article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers.

Par ailleurs, je suis amené à constater que vos mandants ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

La présente décision est susceptible d'un recours devant le Tribunal Administratif, recours qui doit être intenté dans les 3 mois de la notification par requête signée d'un avocat à la Cour.

Je vous prie, Maître, de croire en l'expression de ma considération distinguée (…). » Suite à un recours gracieux formulé par le mandataire des consorts … suivant courrier du 1er mars 2005 à l’encontre de la décision ministérielle précitée, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma le 24 mai 2005, à défaut d’éléments pertinents nouveaux, sa décision initiale du 2 février 2005.

Le 28 juillet 2005, les consorts … ont introduit un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des décisions de refus précitées.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation est pour sa part recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours les consorts … font valoir que Monsieur … souffrirait depuis 1999 de problèmes de nervosité et de dépression et que son épouse, Madame … , serait enceinte et accoucherait probablement au mois de novembre.

Ils font encore plaider que la situation au Kosovo serait toujours dangereuse et se réfèrent à ce sujet à un document de l’UNHCR datant de mars 2005, ainsi qu’à des articles du COURRIER INTERNATIONAL du 31 décembre 2004 et du journal LE MONDE du 25 décembre 2004 pour souligner la précarité de la situation du Kosovo.

Dans leur mémoire en réplique, ils font encore exposer qu’en tant que membres de la minorité des Goranais, ils seraient particulièrement exposés à des discriminations au Kosovo et soulignent que l’état psychologique de Monsieur … ne permettrait pas son retour au Kosovo ; ils sollicitent par ailleurs à ce sujet encore l’instauration d’une expertise médicale afin de déterminer le degré de gravité de la dépression dont il souffrirait.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation des demandeurs.

Le tribunal tient de prime abord à rappeler qu’il statue dans la présente matière en tant que juge de l’annulation. Or, dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal statue par rapport à la décision administrative lui déférée sur base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq chefs d’annulation énumérés à l'article 2 alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de sorte que son pouvoir de contrôle est essentiellement limité dans la mesure des griefs invoqués. En d’autres termes, l’examen auquel le tribunal doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par la partie demanderesse pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré ; par contre, son rôle ne consiste pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation de la partie demanderesse.

Il ne suffit dès lors pas de contester la conclusion d’une décision administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier administratif et en invoquant – vaguement – quelques données de fait, mais il appartient aux requérants d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 précitée tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation.

En l’espèce, le tribunal est saisi d’une décision ayant refusé aux consorts … une autorisation de séjour.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourrant être refusées à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » Force est au tribunal de constater que la décision litigieuse est fondée sur le fait non utilement contesté en cause que les consorts … ne disposent pas de moyens d’existence personnels, de sorte que le ministre a valablement pu leur refuser l’autorisation de séjour en se fondant sur le prédit motif.

En ce qui concerne les raisons, qualifiées d’humanitaires, et avancées par les consorts … aux fins de justifier l’obtention de l’autorisation de séjour sollicitée, il y a lieu de constater qu’aucun texte légal ne comporte de disposition imposant, voire prévoyant l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée dans la mesure où les consorts … restent en défaut de formuler utilement un quelconque moyen de légalité, voire seulement d’invoquer une quelconque base légale susceptible d’étayer leurs prétentions.

Le tribunal tient par ailleurs à souligner, en ce qui concerne les moyens en fait avancés par les demandeurs et ayant trait à la situation générale du Kosovo ainsi qu’à la situation particulière des Goranais, abstraction faite de ce qu’ils ont séjourné auparavant en Serbie puis en Suisse en non au Kosovo, tout comme d’ailleurs l’argument relatif à l’état de grossesse de Madame Jasmina LATUIJA, que les demandeurs n’ont pas fait état de tels arguments ni dans le cadre de leur demande initiale en obtention d’une autorisation de séjour du 25 janvier 2005, ni dans le cadre du courrier de leur mandataire du 1er mars 2005, de sorte que le tribunal, amené en tant que juge de l’annulation à analyser les décisions au jour où elles ont été prises, ne saurait actuellement prendre ces éléments en considération, étant donné qu’ils n’ont pas été soumis au ministre au moment de la prise des décisions déférées.

Partant, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20183
Date de la décision : 14/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-14;20183 ?

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