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14/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20022

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2005, 20022


Tribunal administratif N° 20022 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20022 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2005 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro / Etat de Serbie et Monténégr...

Tribunal administratif N° 20022 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20022 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2005 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 mai 2005 déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décisions entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 7 novembre 2005, Maître Olivier POOS, en remplacement de Maître Nicolas DECKER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 19 avril 2005, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-

Duché de Luxembourg.

Il fut entendu le 4 mai 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 30 mai 2005, notifiée par courrier recommandé expédié le 1er juin 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Le 30 juin 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre la décision de refus du 30 mai 2005.

Le demandeur fait exposer à l’appui de son recours être de nationalité serbo-

monténégrine et de religion musulmane et qu’en raison de son appartenance à la religion musulmane il se serait vu « exclure du marché du travail du Monténégro » et estime que cette discrimination équivaudrait « à la notion de persécution du paragraphe 2 de la section A de l’article 1er de la Convention de Genève de 1951 » et il se prévaut à ce sujet du Guide des procédures écrites et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, édité par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, si le demandeur a affirmé lors de son audition en date du 4 mai 2005 avoir quitté le Monténégro parce qu’un emploi lui y aurait été systématiquement refusé à cause de sa religion musulmane, le tribunal relève cependant que le demandeur reste fort vague quant aux circonstances de ces refus, se bornant à incriminer une « majorité » non autrement identifiée qui serait hostile envers la minorité musulmane. Le tribunal relève encore que non seulement le demandeur est resté évasif lorsque l’agent ayant procédé à son audition lui a opposé le fait que les musulmans seraient néanmoins majoritaires dans certaines communes au Monténégro, mais encore qu’il n’a pas pris position par rapport à la motivation avancée par le ministre dans la décision de refus, à savoir la constatation qu’il serait originaire de la ville de Bérane, sise dans une région du Monténégro où les musulmans sont très largement majoritaires.

Il s’ensuit que le ministre a valablement pu retenir que le demandeur n’a pas été en mesure de prouver que la raison pour laquelle il n’aurait pas trouvé de travail serait liée à sa confession musulmane.

Il se dégage dès lors des déclarations du demandeur que les faits ayant motivé sa fuite au Luxembourg sont à rechercher dans la situation économique et sécuritaire au Monténégro, mais non dans des actes de persécution concrets laissant supposer un danger sérieux pour sa personne.

Or, ni un sentiment général d'insécurité, ni des considérations d’ordre matériel et économique, telles qu’en l’espèce l’espoir de jouir de meilleures conditions de vie pour soi-

même en obtenant un travail, bien que humainement compréhensibles, ne constituent cependant pas un motif d’obtention du statut de réfugié.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20022
Date de la décision : 14/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-14;20022 ?

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