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14/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20010

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2005, 20010


Tribunal administratif N° 20010 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20010 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2005 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de lâ

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Tribunal administratif N° 20010 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20010 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2005 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Iran), de nationalité iranienne, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 avril 2005 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 24 mai 2005, suite à un recours gracieux du 17 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 7 novembre 2005 ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH en ses plaidoiries, en présence de Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH qui s’est rapporté aux écrits de la partie publique.

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Le 16 janvier 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur … fut encore entendu le 11 mars 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

En date du 19 novembre 2004 la Commission consultative pour les réfugiés émit un avis négatif quant au sort à réserver à la demande d’asile présentée par Monsieur ….

Par décision du 8 avril 2005, expédiée par courrier recommandé du 14 avril 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, se ralliant au prédit avis de la commission consultative, informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 17 mai 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 24 mai 2005.

Le 27 juin 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles précitées.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, le demandeur expose que l’un de ses oncles, opposant au régime iranien en place, aurait été fusillé, de sorte que sa famille aurait pris en charge la famille de l’oncle exécuté. Dans ce contexte le demandeur, propriétaire d’un magasin de confection, aurait été amené à employer son cousin, fils de l’oncle exécuté. Ce cousin, qui avait repris l’activité d’opposition au régime, aurait cependant caché dans le magasin du demandeur des tracts et du matériel d’impression, qui furent découverts par les services de renseignement iraniens, et arrêté et frappé par les forces du régime iranien, aurait accusé le demandeur d’être le possesseur des documents et matériel saisis.

Son propre père ayant déjà été emprisonné et maltraité, le demandeur aurait été contraint de fuir l’Iran, étant donné qu’il risquait à son tour d’être arrêté et torturé, risque d’autant plus réel que le régime iranien se rendrait coupable de violations systématiques des droits de l’Homme, le demandeur se prévalant à ce sujet d’un rapport des Nations Unies.

En substance, il reproche au ministre d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte en effet du rapport d’audition de Monsieur … que celui-ci a quitté l’Iran de peur de devoir personnellement et à tort supporter les conséquences des activités politiques que son cousin poursuivait à son insu dans son magasin.

Il ressort cependant des déclarations du demandeur telles qu’actées au procès-verbal d’audition du 11 mars 2004 qu’il n’a fait l’objet d’aucune menace ou persécution, ni que les autorités auraient initié une quelconque procédure à son encontre, mais que le demandeur a uniquement supposé encourir un risque du fait que des tracts avaient été trouvés dans le magasin dont il est propriétaire (« comme mon cousin a dit qu’il n’avait rien fait et que comme je ne suis pas revenu sur les lieux, tout le monde croit que c’est moi le coupable ») et qu’il a pris uniquement la fuite sur les conseils d’un voisin, témoin de l’arrestation du cousin.

Il y a dans ce contexte lieu de souligner que le demandeur lui-même a affirmé que les agents qui avaient perquisitionné la maison familiale où lui-même habitait avant sa fuite n’avaient trouvé aucun indice l’impliquant d’une quelconque manière dans les activités politiques de son cousin.

Il s’ensuit que les craintes énoncées par le demandeur, non étayées par un quelconque élément de fait, doivent être considérées comme purement hypothétiques, de sorte qu’elles ne sauraient constituer des motifs visés par la Convention de Genève (trib. adm. 29 avril 1999, n° 11220 du rôle, confirmé par arrêt du 6 juillet 1999, n° 11313C, Pas. adm. 2004, v° Etrangers, n° 51, p. 204).

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20010
Date de la décision : 14/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-14;20010 ?

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