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14/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20000

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2005, 20000


Tribunal administratif N° 20000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur et Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20000 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2005 par Maître Aurore GIGOT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsie

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Tribunal administratif N° 20000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur et Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20000 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2005 par Maître Aurore GIGOT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Tirana (Albanie), et de son épouse, Madame … …, née le … à Tirana, tous les deux de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 avril 2005 rejetant leur demande en obtention d’une autorisation de séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 août 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Aurore GIGOT et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par courrier du 12 avril 2005, Monsieur … et son épouse, Madame … …, demandeurs d’asile définitivement déboutés de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés suivant arrêt de la Cour administrative du 1er mars 2005 (n° 19003C du rôle, confirmant un jugement du tribunal administratif du 15 novembre 2004, n° 18280 du rôle) réitérèrent, par le biais de leur mandataire, une demande antérieurement formulée tendant à être autorisés à séjourner au Grand-Duché de Luxembourg pour des raisons humanitaires « alors que ma mandante [Mme …] y [en Albanie] a été victime à plusieurs reprises de tentatives d’enlèvement par sa mère en vue de l’introduire dans le milieu de la prostitution » et en raison du « jeune âge de mes mandants et (…) leur intégration au Grand-Duché de Luxembourg ».

Par décision du 18 avril 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa d’octroyer l’autorisation de séjour sollicitée, décision qui est de la teneur suivante :

« (…) Je suis cependant amené à constater que vos mandants ne disposent pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Par ailleurs, je suis amené à constater que vos mandants ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande (…) ».

Suite à un recours gracieux introduit par leur mandataire par courrier du 18 mai 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative datée du 24 mai 2005.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2005, les époux …- … ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 18 avril 2005.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours en annulation, non autrement contesté, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les époux … exposent avoir été contraints de quitter leur pays d’origine, l’Albanie, pour fuir la mère de Madame … qui, afin de faire du mal à son ex-mari à cause de leur divorce et à sa fille, aurait à plusieurs reprises tenté d’enlever cette dernière pour la faire rentrer dans un réseau de prostitution. Ils versent un certain nombre de pièces censées établir l’exactitude des tentatives d’enlèvement entreprises par la mère de Madame ….

Les demandeurs entendent encore insister spécialement sur leur « jeune âge » et leur degré d’intégration au pays.

Le délégué du gouvernement rappelle que l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère exigerait la preuve par l’étranger de moyens d’existence personnels et qu’un étranger qui n’est pas en possession d’un permis de travail ne serait pas autorisé à occuper un emploi au Luxembourg. Il estime encore que le ministre a fait une saine appréciation de la situation des demandeurs.

Il échet de retenir en premier lieu que le ministre a pu se baser sur un défaut de moyens personnels propres au moment de la prise des décisions litigieuses pour justifier son refus. En effet, l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour », impliquant qu’un refus d’entrée et de séjour au pays peut être décidé notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (cf. trib. adm.

17 février 1997, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 146 et autres références y citées) et qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis au tribunal que les demandeurs disposaient au moment de la prise des décisions critiquées d’un quelconque moyen personnel susceptible de leur permettre de subvenir à leurs besoins personnels au pays, étant relevé qu’aucun des demandeurs ne disposait d’un permis de travail émis par l’autorité compétente, de sorte qu’ils n’étaient pas non plus autorisés à s’adonner à une activité salariée au Luxembourg.

En ce qui concerne les raisons, qualifiées d’humanitaires, avancées par les demandeurs aux fins de justifier l’obtention de l’autorisation de séjour sollicitée, il convient de rappeler que si le contrôle juridictionnel propre à un recours en annulation ne saurait en principe aboutir à priver l’autorité administrative de son pouvoir d’appréciation, il n’en reste pas moins que, confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est appelé à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner si la mesure prise n’est pas manifestement disproportionnée par rapport aux faits établis, en ce sens que cette disproportion laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité (cf. trib. adm. 12 février 2003, n° 15238 du rôle, confirmé Cour adm. 4 novembre 2003, n° 16173C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 14).

Or, s’il est certes exact que le ministre peut dans des cas exceptionnels accorder une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, force est de constater que le pouvoir d’appréciation afférent relève de l’autorité compétente et qu’en l’espèce, au regard des circonstances de la cause, la preuve d’une erreur manifeste d’appréciation au moment de la prise de la décision litigieuse n’est pas rapportée.

De tout ce qui précède, il convient de conclure que le recours en annulation est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 14 novembre 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 20000
Date de la décision : 14/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-14;20000 ?

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