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14/11/2005 | LUXEMBOURG | N°19985

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2005, 19985


Tribunal administratif N° 19985 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juin 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19985 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2005 par Maître Pascal PEUVREL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Serbie / Etat de Serbie et Monténégro), ...

Tribunal administratif N° 19985 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juin 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19985 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2005 par Maître Pascal PEUVREL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Serbie / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du 18 avril 2005 attribuée au ministre de la Justice déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration datée du 24 mai 2005 prise suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Ali Sevki YAKISAN, en remplacement de Maître Pascal PEUVREL, à l’audience publique du 7 novembre 2005, en présence de Monsieur le Délégué du Gouvernement Gilles ROTH qui s’est rapporté au mémoire déposé par l’Etat.

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Le 13 décembre 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-

ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 7 janvier 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 18 avril 2005, lui notifiée par courrier recommandé expédié le 21 avril 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’elle peut être considérée comme non fondée sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, le ministre relevant en particulier que selon les propres affirmations de Monsieur …, celui-ci n’aurait pas été personnellement persécuté dans son pays d’origine et n’y craindrait personne.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 13 mai 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative de refus datée du 24 mai 2005, notifiée par courrier recommandé expédié le 25 mai 2005.

Par requête déposée le 22 juin 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles précitées.

A l’appui de son recours il affirme avoir été contraint de quitter son pays d’origine « du fait que sa sécurité était menacée et que sa vie était en danger dans ce pays » et estime avoir précisé « de façon claire et cohérente qu’il peut craindre des persécutions en cas de retour dans son pays ». Il prétend encore avoir été « personnellement confronté à des actions de liquidation de toute forme d’opposition au régime en place et [avoir] été personnellement menacé de mort par les milices étatiques ».

En substance, il reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu, au terme d’une instruction qualifiée de « hâtive » la réalité et la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement conclut pour sa part au bien-fondé des décisions litigieuses.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. En effet, une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève En effet, le tribunal est amené à constater que contrairement aux affirmations du demandeur telles que figurant dans la requête introductive d’instance, le demandeur a affirmé lors de son audition n’avoir aucune activité politique et ne jamais avoir été personnellement persécuté. Le tribunal tient particulièrement à relever que le demandeur a répondu à la question relative aux conséquences éventuelles d’un retour dans son pays d’origine que « personnellement rien ne m’arrivera, personne ne me persécute, mais je n’aimerais plus retourner là-bas » et a affirmé n’avoir peur de personne.

Il s’avère dès lors à la lecture des déclarations du demandeur telles qu’actées au procès-verbal d’audition que celui-ci n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Cette conclusion n’est pas énervée par les explications orales données par son mandataire à l’audience publique du 7 novembre 2005 selon lesquelles Monsieur … aurait à tel point été impressionné lors de son audition qu’il n’aurait pas été à même de faire état des persécutions prétendument subies. Le tribunal est en effet amené à constater que le demandeur n’a pas émis la moindre réserve lors de son audition en date du 7 janvier 2005, mais au contraire a explicitement signé ses déclarations avec la mention de ne plus avoir d’autres faits à invoquer au sujet de sa demande d’asile et de ses déclarations.

Force est encore de constater que le demandeur n’a pas fait part au service compétent de ses prétendus problèmes psychologiques dans les jours suivants l’audition actuellement critiquée, ni d’ailleurs dans les recours gracieux et contentieux, mais a attendu de prendre connaissance du mémoire en réponse déposé en date du 1er septembre 2005 pour se prévaloir seulement oralement et à l’audience du 7 novembre 2005 de prétendus troubles psychologiques.

Enfin, le tribunal relève encore que les affirmations actuelles du demandeur, qui estime ne pas avoir tenu un discours cohérent lors de son audition, sont en totale contradiction avec les affirmations contenues dans le recours introductif d’instance où il prétend, comme relevé ci-avant, avoir précisé « de façon claire et cohérente qu’il peut craindre des persécutions en cas de retour dans son pays » Il s’ensuit que le tribunal ne saurait accorder de crédibilité aux affirmations du demandeur selon lesquelles son récit initial aurait été vicié par son état psychologique.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19985
Date de la décision : 14/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-14;19985 ?

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