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14/11/2005 | LUXEMBOURG | N°19788

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2005, 19788


Tribunal administratif Numéro 19788 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mai 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre un arrêté grand-ducal en matière de nomination

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19788 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2005 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … e

, demeurant à L- …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté grand-ducal da...

Tribunal administratif Numéro 19788 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mai 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre un arrêté grand-ducal en matière de nomination

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19788 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2005 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … e, demeurant à L- …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté grand-ducal daté du 8 avril 2005 refusant de faire droit à sa demande de nomination au poste de chef de la division des « … » ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté grand-ducal daté du 8 avril 2005 critiqué ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Jean-Marie BAULER en ses plaidoiries à l’audience publique du 9 novembre 2005.

En date du 7 novembre 2003, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « Directeur », procéda à un appel de candidatures à l’adresse des fonctionnaires des grades 12 et 13 ayant passé avec succès l’examen pour le grade de contrôleur pour le poste de chef de la division des « … » de la direction des Contributions directes.

En date du 17 novembre 2003, Monsieur … posa sa candidature pour le poste en question.

Suivant courrier du 19 décembre 2003 du directeur, la candidature de Monsieur … fut refusée. Ladite décision est de la teneur suivante :

« Monsieur l’Inspecteur principal 1er en rang hors cadre, Je me réfère à l’appel de candidatures no. I/1178-2003 du 7 novembre 2003, à votre candidature y relative du 17 novembre 2003, ainsi qu’à notre entrevue du 8 décembre 2003 en mes bureaux et je tiens à vous remercier pour l’intérêt que vous avez témoigné pour le poste vacant.

1Néanmoins je suis au regret de vous confirmer que je me vois dans l’impossibilité de donner une suite favorable à votre demande pour occuper le poste de chef de division des …. En effet, pour ce poste, qui englobe entre autres la responsabilité de la gestion du personnel et du budget de l’Administration des Contributions – domaines qui connaissent tous les deux une législation et une réglementation pour le moins très complexes – la continuité des cadres est une condition impérative pour l’attribution du poste.

En outre, suite à votre candidature, vous avez été nommé à un grade de « hors cadre » par arrêté grand-ducal du 28 février 1990 au service de Révision de la Direction des Contributions. Même si bien entendu la polyvalence de la fonction est la règle à l’Administration des Contributions, il n’en faut pas moins éviter certains cas de mutation, notamment en cas de services spécialisés ou de postes à technicité spéciale. Ces postes, appelés communément postes « hors cadre », sont définis par règlement grand-ducal. Le règlement grand-ducal du 19 septembre 2003 définit ainsi 5 postes « hors cadre » pour le service Révision, dont le poste que vous occupez actuellement ».

Par courrier recommandé du 4 février 2004 à l’adresse du directeur, Monsieur …, par l’intermédiaire de son mandataire, introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision de refus du 19 décembre 2003, recours gracieux qui fut adressé en copie au ministre des Finances.

Ce recours reposait notamment sur la motivation suivante :

« (…) Enfin les motifs invoqués dans le dernier alinéa de votre courrier sont controuvés par les circonstances de fait.

Il existe au moins 5 exemples (Messieurs BR., BE., D., S., L.) de fonctionnaires hors cadre qui ont été mutés soit à la Direction soit à un autre bureau.

Enfin, mon mandant ne saurait accepter, comme il est sous-entendu dans votre courrier, qu'il n'aurait pas les qualités professionnelles pour assurer les nouvelles tâches.

Une telle argumentation, en l'absence d'une quelconque preuve, devrait être interprétée comme une sanction disciplinaire cachée.

Est-il besoin de rappeler que comme vous le soulignez vous-même à juste titre, que les fonctionnaires doivent faire preuve de polyvalence et que Monsieur J. ne dispose pas d'une formation supplémentaire par rapport à celle de mon mandant.

Par ailleurs, l'année passée Monsieur S., fonctionnaire dans le bureau des poursuites a été muté à la Division des … pour se voir attribuer un poste «hors cadre» à technicité spéciale.

Il faut enfin signaler que Monsieur … en sa qualité de secrétaire et (secrétaire adjoint) de la représentation du personnel et du Syndicat des Cadres des Contributions pendant presque 15 ans a acquis des connaissances concernant notamment toutes les questions liées au personnel.

2Au vu de ce qui précède, je vous prie de bien vouloir faire droit à la demande de Monsieur … et de le proposer à la nomination au poste de chef de la division … (…) ».

Ledit recours gracieux étant cependant resté sans réponse, Monsieur … fit introduire, par requête déposée en date du 17 juin 2004, un recours contentieux à l’encontre de la décision du directeur du 19 décembre 2003, ainsi qu’à l’encontre de la décision implicite de rejet suite à son recours gracieux du 4 février 2004, recours qui aboutit à un jugement du tribunal administratif du 7 mars 2005, numéro 18247 du rôle, qui, ayant reçu le recours en annulation en la forme, le dit justifié quant au fond et partant annula les décisions du directeur de l’administration des Contributions pour incompétence de l’autorité ayant statué et renvoya l’affaire devant l’autorité compétente.

En exécution de ce jugement le Grand-Duc prit en date du 8 avril 2005 un arrêté grand-

ducal confirmant « la proposition du directeur de l’administration des contributions directes du 19 décembre 2003 de ne pas nommer Monsieur …, inspecteur principal 1er en rang hors cadre à l'administration des contributions directes, aux fonctions de chef de division de la division … de la Direction de la même administration ».

Par requête déposée en date du 10 mai 2005 Monsieur … a fait déposer un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de cet arrêté grand-ducal du 8 avril 2005.

A l’appui de son recours le demandeur fait plaider que l’arrêté grand-ducal déféré au tribunal violerait le principe d’égalité inscrit à l’article 11 de la Constitution, qui au niveau des fonctionnaires se traduirait par la nécessité de l’égalité de l'accès à l'emploi et a fortiori par la nécessité du respect du principe de mobilité.

Il estime que l’administration, en opposant à sa candidature sa mise hors cadre, imposerait une règle discriminatoire et violerait par conséquent le principe de l'égal accès des citoyens, et plus particulièrement le principe de l'égalité des chances en matière de nomination.

Il relève par ailleurs à ce sujet que d’autres fonctionnaires hors cadre ne se seraient pas vu opposer leur mise hors cadre et auraient pu être mutés sans problèmes soit à la Direction, soit à un autre bureau.

Il oppose encore à l’arrêté grand-ducal litigieux de violer l'article 6 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires ainsi que l'article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Il reproche plus particulièrement au Directeur de rester en défaut de préciser concrètement l'intérêt du service en cause de ne pas préciser d'ailleurs non plus de quelle façon la continuité des cadres exclurait le requérant du choix des candidatures pour le poste vacant, ainsi que de se prévaloir de la « technicité spéciale» du poste qu’il occupe actuellement, sans pour autant expliquer pourquoi à son sens une telle technicité prohiberait certains cas de mutation.

3Il y a lieu de relever que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas fourni de mémoire en réponse en cause dans le délai légal bien que la requête introductive ait été valablement notifiée par la voie du greffe au délégué du Gouvernement en date du 10 mai 2005.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, n° 9667 du rôle, confirmé par Cour adm. 10 octobre 1997, n° 10082C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la présente matière, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond le tribunal est amené à constater qu’il ne dispose, au-delà de l’arrêté grand-

ducal déféré, qui est dépourvu de toute motivation explicitant les raisons ayant amené le Grand-

Duc à refuser la candidature du demandeur, pour toutes explications que celles contenues dans le courrier du 19 décembre 2003 adressé par le directeur à Monsieur … et précisément critiquées par le demandeur.

Le tribunal est amené à constater que ledit courrier se limite à des formules sibyllines (« la continuité des cadres est une condition impérative pour l’attribution du poste », « il faut éviter certains cas de mutation, notamment en cas de services spécialisés ou de postes à technicité spéciale ») qui a elles seules ne lui permettent pas de saisir les raisons ayant in concreto amené le Grand-Duc à refuser la candidature de Monsieur … pour préférer celle d’un tiers.

Force est de constater que l’Etat n’a pas pris position par rapport au recours gracieux introduit en date du 4 février 2004 à l’encontre du prédit courrier du 19 décembre 2003, recours gracieux soulevant de manière précise et concrète le problème de la précision des motifs de refus avancés par l’Etat.

Force est encore de constater que l’Etat, faute d’avoir comparu dans le délai légal, n’a pas utilement complété les motifs indiqués comme se trouvant à la base de la décision déférée, ni n’a pris position par rapport aux critiques opposées par le demandeur à sa décision, de sorte que le tribunal est mis dans l’impossibilité d'exercer sa mission de contrôle.

Il s’ensuit que la décision critiquée encoure l’annulation pour insuffisance valant défaut de motivation.

Par ces motifs, 4 le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit également fondé ;

annule l’arrêté grand-ducal du 8 avril 2005 refusant de faire droit à la demande de nomination du demandeur au poste de chef de la division des « … »;

renvoie l’affaire devant l’autorité compétente ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15.11.2005 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19788
Date de la décision : 14/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-14;19788 ?

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